" La mode est morte, vive le vêtement... " Lidewij Edelkoort est une pythie de la mode qui, depuis les années 70, saupoudre ses visions tendancielles sur notre monde. En amorce de la présentation des tendances mode de l'automne/hiver 2016/17, la prêtresse a jeté en pâture, à une salle acquise, un manifeste intitulée " Anti-Fashion ", dénonçant " un fashion system actuel complètement obsolète " où chaque acteur, des écoles, aux marques, aux producteurs, à la distribution en passant par la presse, a perverti une industrie dépassée, sacrifiée. Une industrie immolée sur l'autel d'un marketing omnipotent et pervers où des soi-disant professionnels de la mode bernent des consommateurs abusés, fashion-victimisés par l'ego de créateurs décharnés, asséchés par des combines absolutistes. En réponse à cette mise en coupe à la machette, Lidewij Edelkoort a conclu que " les vêtements seront la réponse au fashion system qui s'est déréglé. Analyser et conceptualiser une tendance n'aura plus d'intérêt que si on le fait d'un point de vue anthropologique et humaniste, que si on revient aux fondamentaux de la 'couture' avec son noble intérêt pour le tissu et la 'façon' tels que nous les scrutions avant l'invention du prêt-à-porter. C'est la raison pour laquelle la présentation de ce soir (et celles à venir) ne parleront plus de mode - un concept qui n'a plus de raison d'être aujourd'hui - mais de vêtements ".
Bon, ce nouveau crédo est à la fois juste et caricatural.
Juste, parce que ce n'est pas tant la mode qui soit ou pas morte, voire moribonde, mais tout notre système de production - quel que soit le secteur -, qui fabrique de l'obsolescence pour générer de la croissance. Nos économies s'épuisent à vendre tant et plus, à faire consommer tant et plus, à chercher à croître tant et plus.
Caricatural, parce que tirer à boulets rouges sur un système dont on profite et dénonce par une pirouette - tuer la mode pour faire place aux vêtements (sic !) - n'apparaît pas comme une réponse révolutionnaire aux enjeux qui nous attendent. La posture anti-fashion d'un gourou de la mode est toujours suspect...
Lors du prochain rendez-vous de ceux qui font les marques à Bordeaux ( Empreintes des Marques, les 19 et 20 mars prochains), cette thématique " croître sans croissance " va être abordée largement. Abordée en mode juste et non pas caricatural.