Non, la croisière ne s'est pas amusée : le 7/11/2013 à 13 h 00, le ciel m'est tombé sur la tête : Dès le 2ème jour, la chose la plus improbable, ce que tout plongeur redoute, m'est arrivée :
A.D.D : en clair, Accident De Décompression ...L'horreur absolu !
J'aurai voulu vous raconter une belle histoire, une fête, un beau spectacle, à la rencontre des mantas, eh bien, c'est l'enfer, et l'histoire de mon sauvetage à 8 000 $ que je vais vous raconter.
Mais avant tout, je voudrais préciser une chose : j'ai beaucoup hésité avant de publier cette histoire dramatique, que j'ai rédigée dans les jours qui ont suivi mon accident : finalement, j'ai décidé de le faire, mais 1 an après, afin que le temps efface quelque peu des cicatrices pas complètement refermées d'ailleurs...
Je le fais aujourd'hui pour témoigner, mais aussi pour vous faire un retour sur l'efficacité des sociétés d'assistance.
N'oubliez jamais une chose : cela n'arrive pas qu'aux autres !Vous comprendrez très vite pourquoi s'assurer est une obligation ! Si j'ai pu relater cette histoire de façon assez précise, c'est aussi parce que je suis toujours resté conscient, et un rapport médical détaillé m'a été donné.
Au moment où j'écris cette triste histoire, je rassure tout le monde, je vais très bien !
Bahamas - 1998
Le voyage s'annonçait bien, même si je suis parti très fatigué, stressé, anxieux même, avec un " drôle de sentiment " à l'arrivée.
Hans un des guides m'accueille à l'aéroport et direction le Dhoni de plongée (bateau spécifique qui suit le navire principal) : sitôt à bord, çà ne traine pas : préparation immédiate du matériel, car la 1ère plongée est prévue aux alentours de 6 h 00 le lendemain matin.
Embarquement à bord du Manta Cruise : Je suis le dernier arrivé. Présentation de l'équipe : 3 guides de plongée + 13 plongeurs + membre d'équipage + Stevens le spécialiste des Mantas.
Briefing général, contrôle des logbooks, certificats médicaux, niveaux de plongée : ensuite, un par un, on nous demande nos préférences : mantas, whalesharks, sharks,....Euhhh ! On peut avoir tout çà sur commande ? Non, c'est simplement pour choisir les sites de plongée en fonction de l'intérêt général : génial non ?
Programme : entre 3 et 4 plongées par jour : 6 H30/10 H30/16H00 + plongée de nuit éventuelle
"Le Manta cruise" source : Abyssworld
1ère journéeLes 2 premières plongées sont fantastiques : c'est un véritable festival de mantas : ce sera la seule et unique fois...
J'ai réussi à saisir quelques images (voir la vidéo en fin d'article)
2ème journéeLa traversée jusqu'à BAA Atoll dure près de 7 h, et est très mouvementée : le mal de mer sévit à bord.Malgré tout, nous entamons normalement la 1ère plongée à 6h30 : rien à signaler ; par contre, avant le second briefing, je ne suis pas vraiment dans mon assiette, mais je mets cela sur le dos du mal de mer : un mal de tête léger, une sensation de fatigue, mais çà passe...
Seconde plongée : Tout est normal : mais au moment où je commence à me déséquiper, je sens que quelque chose ne va pas. Sur le dhoni, la tête me tourne, mais j'arrive à aller tant bien que mal jusqu'à ma cabine...Je m'écroule d'un seul coup, tout en restant conscient : à ce moment-là, je n'ai qu'une idée en tête : aller sur le pont pour donner l'alerte : mais j'ai un gros problème : tout une partie de mon corps semble paralysé et j'ai beaucoup de mal à respirer...
C'est donc en rampant à terre que j'y arriverai....
1ère phase de l'urgence : 7/11 - 14H35Aussitôt, je suis pris en charge par l'équipage du bateau, et par une infirmière qui fait partie des plongeurs : assistance respiratoire immédiate et des litres d'eau salée seront les premières urgences mises en place durant des heures ; autour de moi, j'entends que tout le monde s'affaire pour m'évacuer et me soulager. Mais je souffre terriblement : dès que je veux me lever, je ne plus respirer et je sens que mon cœur va exploser.
En plus, il semblerait que j'ai quelques marbrures sur les poumons(signe d'un ADD) et tout mon côté gauche est en paresthesie (sorte de paralysie)
2ème phase de l'urgence : 7/11 - 17H20Un speed-boat est appelé par radio : en effet, nous sommes très loin de tout, et il faut me transférer d'urgence vers un centre spécialisé. Il arrivera au bout de 2 heures ! Il n'y a pas de civière à bord : Pas moins de 6 personnes seront nécessaires pour m'exfiltrer du bateau à l'aide d'un simple drap. Il faudra encore 1H30 dans des conditions de mer épouvantables pour atteindre le centre médical Hyperbare Allemand de Kuredu.
Je suis toujours sous oxygène et le mal de mer s'ajoute à cela : je suis terriblement malade...
3ème phase de l'urgence : 7/11 - 18H50Une équipe médicale me transfère à la clinique hyperbare : premiers examens : je ne tiens toujours pas debout, mais mon état est stationnaire : on m'explique ce qui va se passer...
La nuit va être longue
4ème phase de l'urgence : 7/11 - 19H30Début du traitement en caisson hyperbare : il est décidé de m'appliquer le traitement de la table 6 de l'US Navy avec Reconstitution d'une profondeur de 18 mètres pendant 20 mn, décompression, puis 9 mètres ...
Le caisson : une expérience stressante !
Quelle impression étrange! L'entrée du caisson est très étroite, et il faut se contortionner pour pénétrer dans cet univers spatial ! Le médecin qui m'accompagne pour me surveiller dans le caisson et moi-même sommes revêtus d'une tunique verte.
A l'intérieur, 2 étroites couchettes, de l'eau, de quoi uriner, des masques à oxygène, un sas pour la nourriture, et un hublot . A l'extérieur, un technicien qui contrôle la caisson et une assistante pour communiquer avec le médecin
On me donne les instructions : la pression va s'accentuer, et je vais devoir effectuer la méthode de vasalva pour compenser la pression au niveau des oreilles, tout comme en plongée ; ensuite, il me faudra mettre le masque, boire souvent, ne jamais dormir, et alterner les séances d'oxygénothérapie
Je m'allonge : C'est parti pour 7 heures de décompression
Ccette séance me semblera une éternité...A mi-temps, un autre médecin prend le relais.
A l'issue de cette expérience, mon état s'améliore nettement : je suis soulagé, mais pas encore totalement rassuré ; en fait, je ne le serai jamais...
Vers 1H30 du matin, fin du traitement ; je me sens beaucoup mieux, mais je suis épuisé. On me transfère dans un bungalow. Hans, un des guides dormira à mes côtés durant 2 jours pour me surveiller...
Le caisson de décompression dans lequel j'ai passé plus de 10 heures !
5ème et dernière phase de l'urgence : 8/11 - 16h27La nuit s'est bien passée : néanmoins, le médecin souhaite continuer le traitement en caisson : Table 5 de l'US Navy pour 2 heures environ ! Je n'ai plus aucuns symptômes, et il décide l'arrêt définitif du traitement.
6ème phase : 9,10,et 11 novembreJe ne peux pas être rapatrié en France avant 72 heures après le traitement en caisson(pas avant le 11 novembre) et mon retour est prévu le 13/11.
Il est décidé par les médecins que je resterai sur Kuredu jusqu'au 11 novembre (sans avoir fait pression sur le manager de l'hôtel qui voulait que je parte au motif qu'il serait plein)
J'ai très vite compris que c'était faux ! A tel point que j'avais prévu de dormir sur la plage, car je n'avais que 55 h de marge de sécurité, au lieu des 72 h non négociables !
7ème phase : 12 et 13 novembreLe 11/11, je suis transféré en hydravion jusqu'à l'hôtel Hulhule de l'aéroport international de Male pour 2 jours -
Le 13/11, je reprends le vol Emirates à la date prévue, très angoissé à l'idée de ce qui pourrait éventuellement m'arrivé en vol...
Je décide de ne pas me signaler auprès du personnel de bord, de peur qu'ils m'interdisent l'accès à l'avion ; à l'inverse, peut être aurai-je pu être surclassé en business class ? mais je n'ai pas voulu prendre le risque de rester bloqué loin de tous mes proches !
Efficacité des sociétés d'assistance
Comme précisé au début de ce récit, ce sauvetage a coûté environ 8000 $
Rien n'a été simple, surtout quand on parle pas bien la langue de Shakespeare, qu'on est seul et loin de tout et de tout le monde ! Beaucoup de démarches sont à effectuer AVANT et APRES ! Mais il faut être valide, sinon, comment fait-on ?
Ce qu'il faut savoir :- Toujours avoir à porter de la main carte et contrats d'assurance
- Carte de crédit indispensable (de préférence Visa premier ou premium)
- Nom, téléphone et mail d'une personne à contacter en cas d'urgence
- Toute prise en charge médicale doit être validée par la société d'assistance AVANT le traitement !
DAN Assurance (société d'assurance Italienne spécialisée en plongée loisirs & professionnelle)
* J'étais assuré avec le contrat basique " bronze "
* Prise en charge des séances de caisson
* Prise en charge des honoraires médicaux et 2 premières nuits
* Prise en charge rapide et largement facilité par le fait que le caisson soit agrée " DAN "
Europe Assistance Via La carte VISA PREMIER
* L'assistance via la carte de crédit, çà fonctionne bien, contrairement à ce qu'on pourrait penser
* Contact quotidien par téléphone
* Prise en charge du transfert en hydravion
* Prise en charge des nuits d'hôtel à hauteur de 120 $ par jour
* Prise en charge du taxi de l'aéroport à mon domicile
Conclusion : j'ai vraiment apprécié l'assistance de ces 2 sociétés, mais je le répète, en plongée, comme pour tout sport à risques, prendre une assurance spécifique !
Jamais je ne pensais subir un tel choc. Au moment où j'écris cette triste histoire et après avoir subi des examens neurologiques, IRM, et cardiologiques, je suis fixé sur mon sort : la sentence est tombée comme un couperet : F.O.P (Foramen Ovale perméable)
En terme simple, ce terme barbare et technique signifie que la cloison qui sépare les 2 oreillettes du cœur, doit se fermer à la naissance. Il peut rester perméable (FOP) dans 25 à 30% des cas.
Dans certains cas, ce FOP peut être responsable d'accidents vasculaires cérébraux, d'accidents de décompression du plongeur. C'est dans ces cas que l'on peut proposer une fermeture par voie non chirurgicale.
Evidemment, cela n'est pas sans conséquence sur mon avenir en plongée : tous mes projets tombent à l'eau, et moralement, cela a été compliqué.
Même si certains tentent de replonger, plusieurs conditions sont nécessaires :
* Un délai minimum de 6 mois avant toute tentative
* Connaître impérativement les raisons de cet ADD
* Examens cardiologiques et neurologiques
* Si plongée : 1 par jour au nitrox, mais en mode " air "
* Eviter tout effort, pas de plongée dans les courants.
Aujourd'hui, sur les conseils du cardiologue et médecin hyperbare, j'ai décidé de raccrocher les palmes et d'abandonner définitivement la plongée, plutôt que de risquer ma vie. La plongée bouteilles, pour moi, c'est définitivement terminé !
La plongée m'a procuré un grand bonheur, j'ai vu des choses merveilleuses, et c'est la mort dans l'âme que j'ai dû prendre cette triste décision ; mais la peur de l'accident fatal a pris le dessus. Mais pas la peur de plonger !
Le pire dans cette histoire, c'est que je n'ai commis aucune erreur technique : tous mes paramètres de plongée de mon ordinateur ont été épluché et n'ont rien révélé d'anormal !
Heureusement, le monde, sous toutes ses formes, me passionne, et il me reste encore pleins de choses à découvrir : treks, volcans, grand nord, etc...
Cela ne m'empêchera pas de voyager, mais il restera un grand vide...Et le grand bleu me manque déjà terriblement.
Bien sûr, le PMT (Snorkeling) reste possible , mais quand on a goûté à l'ivresse des profondeurs, cela n'a plus rien à voir, et c'est tristounet !
Néanmoins, l'apnée pourrait être une alternative à la plongée bouteilles : l'excellent article de Corinne Bourbeillon "Freediving, la plongée libre" qui a suivi un stage, m'encourage peut être à poursuivre dans cette voie.
Voir son site : www.petitesbullesdailleurs.fr,
Si certains d'entre vous ont vécu la même triste expérience et tenté l'apnée, n'hésitez pas à me contacter, à me faire part de vos avis, de vos conseils !!
Voilà, pour finir Je tiens aussi à remercier tout l'équipage du Manta Cruise pour son efficacité et son professionnalisme.
Source : 123 ocean.com
Après avoir plongé seulement environ 150 fois sur les plus beaux spots du monde, de l'Australie à la Polynésie, des Maldives à la Mer rouge, des Seychelles aux Antilles, je m'en vais le cœur gros...
Adieu donc à ces moments magiques, à la valse des raies mantas, à l'adrénaline que m'ont procuré les requins, à "l'ivresse des profondeurs " et à ces fantastiques récifs de corail qui explosent de couleurs...
Au revoir et merci...