(New York, le 3 juillet 2013) - Les autorités égyptiennes et les dirigeants politiques de tous bords devraient condamner l'escalade alarmante des violences sexuelles contre des femmes sur la place Tahrir et prendre des mesures immédiates pour endiguer ce problème, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui. Des organisations égyptiennes de lutte contre le harcèlement sexuel ont confirmé que des bandes ont agressé sexuellement et, dans certains cas violé en toute impunité au moins 91 femmes sur la place Tahrir, au cours de quatre jours lors des récentes manifestations.
" Les nombreuses agressions sexuelles en marge des manifestations sur la place Tahrir reflètent l'incapacité du gouvernement et de tous les partis politiques à s'attaquer au problème de la violence subie quotidiennement par les femmes égyptiennes dans des lieux publics ", a déclaré Joe Stork, directeur adjoint de la division Moyen-Orient à Human Rights Watch. " Il s'agit de crimes graves qui empêchent en outre les femmes de participer pleinement à la vie publique en Égypte, à un moment charnière de l'histoire de ce pays. "
L'organisation égyptienne Operation Anti-Sexual Harassment/Assaulta recensé 86 agressions contre des femmes sur la place Tahrir en trois jours : 46 agressions le 30 juin, 17 agressions le 1er juillet et 23 agressions le 2 juillet. Dans 31 cas, les bénévoles de l'organisation ont pu intervenir et secourir les femmes agressées. Quatre d'entre elles ont obtenu des soins médicaux, dont deux qui ont été évacuées par ambulance. Une autre organisation, Nazra for Feminist Studies, a en outre recensé cinq autres cas d'agressions sexuelles survenues le 28 juin.
L'une des victimes a dû subir une intervention chirurgicale après avoir été violée avec un " objet pointu ", selon des militants égyptiens. Dans d'autres cas, les femmes ont été battues avec des chaînes métalliques, des bâtons et des chaises, et ont attaquées avec des couteaux. Dans certains cas, l'agression a duré 45 minutes avant qu'elles ne réussissent à prendre la fuite.
Le Conseil national égyptien pour les femmes récemment rédigé une loi sur la violence anti-sexuelle et l'a soumise au Conseil des ministres ainsi qu'à la présidence le 12 Juin. Le 9 mai, le ministère de l'Intérieur a annoncé la création d'une unité spéciale au sein de la division des droits humains, composée de femmes faisant partie de la police, pour combattre la violence contre les femmes.
Toutefois certains discours officiels au sujet du harcèlement sexuel en Egypte font partie du problème, selon Human Rights Watch. En février 2012, les membres du Conseil de la Choura, organe législatif de l'Égypte, ont imputé la responsabilité des agressions sexuelles sur la place Tahrir aux femmes elles-mêmes. L'un des membres de ce Conseil, le général Adel Afifi, a ainsi déclaré :" Les femmes contribuent à 100 pour cent à leurs viols parce qu'elles se placent dans de telles circonstances. "
L'Égypte est partie à plusieurs conventions internationales relatives aux droits humains, notamment le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, la Convention sur l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes et la Convention contre la torture, qui imposent des obligations juridiques contraignantes relatives aux protections contre le viol et d'autres formes d'abus sexuels. L'Egypte est également tenue, en vertu du droit international relatif aux droits humains, de fournir une assistance médicale et d'autres types d'aide aux victimes de violence sexuelle.