La peur du vide
En 1950, alors qu’il déjeunait avec d’autres physiciens au laboratoire militaire de Los Alamos, Enrico Fermi réfléchissait tout haut. Comme la vie est banale, de nombreuses civilisations extraterrestres doivent exister. Au moins une d’entre elles devrait être déjà parmi nous. Or il n’y a personne. Où sont-ils donc ?
La question se répandit au sein de la division théorique de Los Alamos. Le premier à répondre fut le physicien Leó Szilárd, qui s’esclaffa et répondit : “Ils sont parmi nous. Ils s’appellent eux-mêmes les Hongrois.” Pas de xénophobie dans le discours du chercheur, mais un constat. Hormis lui-même, trois autres physiciens d’origine hongroise hantaient les couloirs de ce haut lieu de la science militaire américaine : Eugène Wigner, Edward Teller et John von Neumann. Cette forte concentration de physiciens américano-hongrois et la spécificité de la langue hongroise en étonnaient plus d’un. C’est pourquoi ces éminents spécialistes étaient surnommés les Martiens.
Au-delà de la boutade, Szilárd a été le premier à proposer une solution à ce qu’on allait appeler quelques années plus tard le paradoxe de Fermi. La proposition de Szilárd a été suivie par nombre d’autres, énoncées par des scientifiques ou des auteurs de science-fiction. Certains mettent en doute l’existence même de la vie extraterrestre ou de son évolution en intelligence communicante dotée d’outils. D’autres sont sceptiques quant à la possibilité de voyages interstellaires tant les distances entre les étoiles et les dangers sont grands. Quelques-uns estiment que nous ne valons pas la peine d’être contactés. D’autres encore cherchent des traces sur Terre ou dans le Système solaire.
Se trompent-ils tous ? La question n’est en effet pas uniquement scientifique. Ce sont peut-être les philosophes qui posent les bonnes questions. L’extraterrestre n’est-il pas seulement ce que l’on pense de lui ? Son image n’est-elle pas uniquement celle que nous renvoie notre miroir ? Quelle valeur donner à notre vie si l’autre n’existe pas ? Cette angoisse existentielle n’est pas nouvelle. Déjà en 1670, Blaise Pascal écrivait : “Le silence éternel de ces espaces infinis m’effraie.” Aujourd’hui, aucun extraterrestre ne répond encore à la demande pressante. Faut-il aller voir un psychanalyste ?
Jacques-Olivier Baruch
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