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iKéA iN LOVE. Elisabeth Hamidane

Par Collectif Ratures // Poésie // Grenoble

iKéA iN LOVE. Elisabeth Hamidane


" Douleur versus Douceur. De mes yeux bleus comme deux ventres creux..."

leur disparition prochaine de mon champ de vision. Ton image traverse ma conscience. Je me dis
Suffoque. Je suffoque. Tout hurle en moi quand l'aube me réveille. J'entrouvre les lèvres, les remue comme pour signifier que, - mais aucun son ne s'échappe. Les yeux fixent l'embrasure de la fenêtre qui me sépare du ciel. Les nuages semblent se foutre grandement de leur trajectoire comme de Toi, tu es comme un nuage.


Je me souviens que j'aime particulièrement le poème liminaire du Spleen de Paris. Baudelaire ouvre son recueil sur sa définition du poète : un gadjo un peu barge et en marge. Calme, il affirme son rejet de toutes les conventions sociales, ces liens artificieux du monde séculaire, incarnés en la sainte triade, famille-argent-patrie. " L'Etranger ". Titre du poème comme il est titre de noblesse du poète, créature orpheline, au-delà, génial créateur - hors-norme. Chaque fois qu'il resurgit, ce texte m'apparaît comme une invitation toute personnelle à m'évader - nécessairement - en douceur.


" J'aime les nuages...les nuages qui passent...là-bas...là-bas...les merveilleux nuages ! "

Comme je me sens viscéralement
étrangère, je répète quelquefois cette profession de foi poétique car tout y est douceur, de la sonorité des mots simples qui la composent à la formulation elle-même, parole magique soufflée, censée m'apaiser lorsque le spleen m'accable. J'entrouvre les lèvres, les remue, signifie que. Dans ces moments-là, mes yeux sont alors meurtris de fatigue d'avoir tant pleuré. Je suis littéralement ravagée. Ce qui reste de mes yeux, encore traqué, lentement dévoré par la lumière diurne. Elle, foncièrement cruelle, excitée de fondre sur ma peine, révèle ma solitude stupide à la face du petit monde qui se retire en douce du décor. C'est insupportable. Alors, j'imagine que ma trajectoire bifurque, que je quitte ma vie et mon corps, sans regret. Résistant à toute tentation du regard en arrière, laissant mon imago jaunir comme un vague souvenir néfaste sur lequel chacun évitera de se retourner. Evanescente, je suis foulée aux pieds par inadvertance, et c'est aussi bien. Je n'existe plus, orchestrant mon absence. N'importe où ailleurs, plutôt que là. Douceur d'un piège douloureux lorsque ton image traverse ma conscience.

fébrile, si surprenant, rappelle-toi ! - entre ton corps et moi sur l'écran des nuages, des
Manifestement, j'essaie de retenir, factuels dans ma mémoire, le contact de tes lèvres, les modulations de ta voix, l'amplitude précise de tes gestes, la verticalité de ton souffle. J'essaie d'onduler le miroir de mes souvenirs, de retenir et fixer les allées et venues du chat - drôlatique, merveilleux


J'essaie de retenir mes mains qui veulent briser mes mains, ma gorge qui voudrait vomir mon âme, mon corps entier qui voudrait se rompre, enfiévré de souffrances, identique à Job dont le pauvre crâne est infesté par la vermine, le corps épuisé, le col déchiré, me recouvrir de cendres, gesticulante, attendre ma fin sur le bord d'un quelconque trottoir, hurler confidentiellement comme marmonnent les fous qui mangent et recrachent aussitôt les mots, et auxquels - misère - on pardonne tout. J'essaie de retenir mes mains qui veulent m'arracher à moi-même quand la vie - encore, putain - m'arrache, le cœur. C'est insupportable.


Vivre. C'est insupportable.

nuages. Des moi,
Avec mes yeux de vitre cassée, je n'interroge plus le ciel mais, je me raconte des histoires de neige, forte, froide et insensible, qui déborde des nuages. Et je survis, sur le sillon de ces mêmes l'approche perfide du crépuscule. Le long chemin que j'ai entamé pour ne pas m'effondrer sur le bord merveilleux nuages ! dont l'exaltation douce ne parvient pas à apaiser ma douleur à d'un quelconque trottoir m'épuise, tu sais. Et il fait déjà tellement nuit, et tellement froid ! Et pas le moindre chat à l'horizon... Je voudrais être raisonnable, aimer ma famille, ma patrie, l'argent. Mais vent et fait des promesses en l'air. extraordinaire étrangère, j'aime ce qui flatte l'imagination, s'effiloche sous les hurlements du

Je chuchote
C'est toi que j'aime. Toi. C'est insupportable.


Sur le bord d'un trottoir quelconque, je me raconte obscurément des histoires de neige, forte, froide et insensible. Je suffoque en douceur. Les nuages ne s'arrêteront pas.


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