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« Je rêve d’une société où il n’y aurait pas de retraite ».

Publié le 09 avril 2015 par Rolandlabregere

Invité à parler de lui, ce qu’il réussit au mieux, Jacques Attali s’est déballé dans un entretien qu’il a délivré au Monde le 3 avril. En chapeau de l’article, la rédaction précise que l’interviewé est « économiste et écrivain » et qu’il estime que « la réduction du temps de travail est un échec de la société industrielle ».

Jacques Attali aime paraître dans les médias. C’est là son souci extrême. Jacques Attali, tout au long de l’entretien, dit combien il est heureux de sa vie d’actif créatif. Celui qui se flatte d'avoir été le conseiller le plus souvent cité de François Mitterrand prend la pose du modèle d’excellence. Il fait tout bien. Il a le chic pour montrer que son sens de l’organisation le préserve des menues difficultés de la vie quotidienne. « Je n’ai pas de quotidien, ni de routine, aucune de mes journées ne ressemble à la suivante ou à la précédente ». Tout compte. Chacun ferait bien de faire pareil pour accéder à l’exception. « Certains dorment peu et ne font rien de leur journée, donc dormir peu n’explique pas tout, c’est l’intensité du temps qui compte ». La maxime sentencieuse n’est pas loin. Bien préparée, elle se profile dans la séquence suivante de l’entretien. « Une bonne société est une société où l’on préfère le lundi matin au vendredi soir, autrement c’est une société aliénée ». Envie de connaître la perle suivante ? Voici : « je m’interroge en permanence sur la trace que je vais laisser dans l’histoire. J’agis en fonction des générations suivantes ». Une autre pour égayer l’apéro ? Voilà : « Le temps ne passe pas, il n’y a que nous qui passons ». S’il vivait au 17ème siècle, Jacques Attali aurait permis à La Bruyère de nous laisser plusieurs tomes de ses Caractères tant l’emphase et le culte du soi-même se liguent pour mettre en scène un parangon de vieux sage torturé de vertu.

C’est que Jacques Attali est un expert. Sa nouvelle expertise concerne le développement personnel. D’autres creusent la question depuis des décennies mais, c’est hic et nunc, que Jacques Attali s’y consacre. Et il met le paquet. En expert. Dans un petit ouvrage plein d'à-propos, J’ai demandé un rapport, (éditions Flammarion, 2011), Mathias Roux, philosophe de profession, s’attache à montrer combien le consensus prôné par les experts éloigne les citoyens de leur participation à la vie de la cité. Revenant sur le rapport commis en 2007 par Jacques Attali afin de « libérer la croissance française », Mathias Roux qui a étudié l’expertocratie, donne une définition de l’expert à partir d’un choix méthodologique, « l’étude de cas souvent plus efficace qu’une définition générale qui perd toujours en compréhension ce qu’elle gagne en extension ». A la question qu’est-ce qu’un expert, l’auteur nous invite à regarder le travail de Jacques Attali. « Avec Jacques Attali, notre chance est de posséder un spécimen d’expert à faire rosir de plaisir n’importe quel émule de Max Wéber tant le cas particulier se rapproche de l’idéal-type. De quoi Jacques Attali est-il l’expert ? De tout ». (p. 30). Cette méta-expertise est, d’une certaine manière rassurante. Elle nous invite à devenir l'expert de nos propres vies.

C’est à un internaute qui a laissé un rapide commentaire que ce billet doit sa chute. Sa simplicité illumine la sidération portée par la fatuité organique de l’expert au carré qui s’est livré. « Je rêve d'une société où il n'y aurait pas Jacques Attali ».

En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/tant-de-temps/article/2015/04/03/jacques-attali-je-reve-d-une-societe-ou-il-n-y-aurait-pas-de-retraite_4609294_4598196.html#1gUWO9HWhx4kbPVk.99


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