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ALMA observe un magnifique anneau d’Einstein

Publié le 10 avril 2015 par Pyxmalion @pyxmalion

Des chercheurs ont pu observer avec une résolution inégalée, un remarquable anneau d’Einstein, presque parfait, produit par un effet de lentille gravitationnelle. On distingue la lumière rougissante des poussières contenues dans une galaxie déformée, distante de 12 milliards d’années-lumière, soit dans l’enfance de l’Univers.

N’y voyez rien d’artificiel dans cette image, il ne s’agit point d’une composition artistique ni de l’affiche d’un film fantastique à sortir… même s’il est vrai qu’on imaginerait volontiers un artefact de type « anneau de feu » ou une photo floue d’une éclipse annulaire du Soleil. Il s’agit en réalité d’un phénomène naturel situé très loin de notre planète, aux confins de l’univers, à des milliards d’années-lumière de notre Galaxie, la Voie lactée.

Cette image composite acquise en octobre 2014 dans le cadre de la long baseline campaign d’ALMA (Atacama Large Millimeter/submillimeter Array), met en scène deux objets distincts, en l’occurrence deux galaxies de caractéristiques physiques et d’âges très différents, qui ont la particularité d’être presque parfaitement alignés avec nous, observateur. Certes, on a de la peine à les reconnaitre sur ces « radiographies », notamment parce que la structure d’origine de l’une d’elles est complètement déformée. En effet, comme l’avait prédit Albert Einstein dans sa théorie de la relativité générale : plus un corps est massif plus il courbe l’espace-temps. Par conséquent, la lumière émise par un objet situé à l’arrière-plan du premier — dans le cas présent une galaxie spirale massive distante de 4 milliards d’années-lumière — sera alors déviée et créera un effet de grossissement plus spécifiquement nommé lentille gravitationnelle. Un remarquable « outil naturel » « utilisé en astronomie pour étudier l’univers lointain et jeune, car il donne un élan impressionnant de pouvoir de résolution à nos meilleurs télescopes » rappelle Catherine Vlahakis, membre de ce programme d’ALMA. « Avec l’incroyable niveau de détails de ces nouvelles images d’ALMA, les astronomes seront en mesure maintenant de rassembler les informations contenues dans cette image déformée que nous voyons comme un anneau et de produire une reconstruction du véritable aspect de la lointaine galaxie. » On peut être impressionné, car les opérateurs et scientifiques de ce vaste réseau de 66 antennes (qui observent dans le millimétrique et le submillimétrique), déployé sur le plateau Chajnantor, à plus de 5.000 m. d’altitude, dans les Andes chiliennes ont poussé sa résolution au maximum afin d’atteindre 23 millisecondes d’arc. Cela revient à voir « le bord d’un panier de basket placé au sommet de la tour Eiffel depuis l’Empire State Building » à New York, note le communiqué de presse de l’observatoire ! Les précédentes études de l’objet désigné SDP.81, réalisées dans le domaine radio avec le réseau submillimétrique et l’interféromètre du plateau de Bure et le visible avec le télescope spatial Hubble sont surpassées. « La combinaison de la haute résolution d’ALMA avec sa haute sensibilité est nécessaire pour déverrouiller ces détails habituellement cachés de l’Univers jeune » déclare son directeur Pierre Cox. « Ces résultats ouvrent une nouvelle frontière en astronomie et prouvent qu’ALMA peut tenir ses promesses de science transformationnelle. »

Nous découvrons donc ici, encerclant le centre et avec un niveau de détails inégalés, la lueur émise par les poussières que contient la galaxie SDP.81, située à quelque 12 milliards d’années-lumière de la nôtre. L’univers n’avait alors que 15 % de son âge actuel (estimé à 13,77 milliards d’années). D’autres images acquises avec une résolution légèrement inférieure dans des longueurs d’onde millimétriques nous dévoilent la signature du monoxyde de carbone. Découverte il y a quelques années par le télescope spatial Herschel (Esa), SDP.81 apparait comme une galaxie très active, qui connait un taux de formation (et de natalité) d’étoiles très important. « L’exquise quantité d’information que contiennent les images d’ALMA est extrêmement importante pour notre compréhension des galaxies dans l’Univers primordial » commente Jacqueline Hodge, chercheur au NRAO (National Radio Astronomy Observatory) à Charlottesville, Virginie. « Les astronomes utilisent des programmes informatiques sophistiqués pour reconstruire la véritable apparence des galaxies déformées par ces lentilles. Ce détricotage de la lumière infléchie (…) va nous permettre d’étudier la forme réelle et le mouvement interne de cette galaxie lointaine avec beaucoup plus de clarté que cela n’a été possible jusqu’à présent. » Une lueur d’espoir pour entrevoir les conditions qui régnaient au sein de premières galaxies. Les lentilles gravitationnelles sont comme des trous de serrure par lesquels on peut regarder les confins de l’univers… L’article scientifique a été publié sur Arxiv.


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