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L’homme révolté de Camus : « je me révolte, donc nous sommes ».

Publié le 14 avril 2015 par Christophefaurie
L’homme révolté de Camus : « je me révolte, donc nous sommes ». De quoi parle-t-il ? Qu’est-ce que cette histoire de révolte ? Vous vous révoltez, vous ? Encore une invention d'intellectuel ? Sans compter que le raisonnement est abstrait, alors qu'il se réfère certainement à la société de 1950. Mais, à quoi ? À la France, à l’Occident ? À l’URSS ? Au nazisme et à la guerre ? À l’avant guerre et la crise ? Rien à voir avec La peste, L’étranger, Le mythe de Sisyphe, Caligula ou La chute. Ce n’est pas un roman, mais un essai, passionné. Je me suis trompé. Rien d’abstrait. C'est du combat. 
Camus s’en prend à la pensée qui domine son époque, mais aussi la nôtre. Celle qui, à gauche, « interdit d’interdire », et, à droite, refuse toute réglementation. Cette pensée, il l'appelle "nihilisme". Ses origines ? Les Lumières. A cette époque, la raison défait la religion. Mais, comment la remplacer ? Et si le monde était absurde ? Nietzsche, Hegel et Marx vont tenter de lui trouver un sens. C’est l’histoire. Elle a une direction. Un jour tout ira bien. En attendant, tout est permis. Et voilà comment on peut commettre les crimes les plus effroyables. Mais, surtout, ce nihilisme est une imposture intellectuelle car il ne nie pas, comme il le dit, toutes les valeurs ! En effet, les nier c’est "laisser faire". Loi de la jungle et donc domination des puissants. (Et règne du statu quo. Le nihilisme est un conservatisme.)
Le nihilisme est une révolte qui a mal tourné. C’est, comme Satan, un ange déchu. Le phénomène est étrange. C'est l'union de la carpe et du lapin. C'est d'abord la révolte de théoriciens épris d'absolu (Nietzsche, Hegel et Marx). Absolu contre nature qui condamne la révolte à l'échec. Mais elle est récupérée par les puissants. Car ils y trouvent leur justification. En effet, le nihilisme débouche sur le triomphe de l’animal : classe dominante d’individus jouisseurs et classe laborieuse de bêtes de somme. 
La vraie révolte, elle, est le propre de l’homme. Elle part du monde tel qu'il est. Pas d'utopie de l'absolu. Mais ne se satisfait pas de l’état des choses. Elle veut l’améliorer. Surtout, trouver un ordre au désordre, une « unité », qui est l’humanité. C'est-à-dire la dignité propre à tous les hommes. C’est un travail sans cesse recommencé. Une succession de renaissances. Construire une société, c’est vouloir réaliser une œuvre d’art collective. Et, parfois, ça marche. Et cette humanité de créateurs en tire une immense exaltation. Le « cogito ergo sum » de Camus est « je me révolte, donc nous sommes ».
(Voilà une pensée qui rejoint quasi exactement celle d’Hannah Arendt, de Paul Watzlawick et du Pragmatisme.)
Annexe. Quelques oppositions révélatrices ?

Nihilisme Révolte

Totalité (totalitarisme) Unité (principe propre à tous les Hommes / recherche d’un ordre dans le désordre / l’art)

Absolu (désir d') 
conduit à l'animalité Homme = ce qui est "entre" absolu (esprit pur) et animal. D'où mesure (sens de la mesure) / il n’existe pas de principe absolu – l’homme cherche en permanence à établir une cohérence dans un monde en mouvement chaotique. Pour cela il doit identifier des limites.

Histoire. Et histoire qui a une direction et qui finit.
Résultat : pouvoir réactionnaire et conservateur (oligarchie)  Présent. L'histoire n'a pas de sens. Elle n'est qu'une succession de présents. Et elle ne finit pas.
Chaque présent est une renaissance. L'homme recrée, sans arrêt, la société (il a son sort entre les mains). Il lui donne une signification, un "sens" (à ne pas confondre avec "direction"). Résultat : démocratie. Hommes égaux car partagent un principe commun : "l'humanité".

Le haut pense pour le bas, ses lois s'imposent à tous (totalitarisme) La pensée vient d’en bas, elle gagne la société en partant d'un groupe

La théorie / l’utopie coupée de la réalité L’action. L'homme plonge la tête la première au milieu des éléments. C'est de l'action qu'émerge l'illumination.

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