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Le livre noir des banques (Attac & Basta !)

Publié le 15 avril 2015 par Despasperdus

« Les Etats ont accepté de prendre en charge les pertes des fonds spéculatifs et des institutions financières qui avaient spéculé aux côtés de la banque ! Le risque bancaire est désormais assuré par les Sfil, donc par l'Etat français. C'est de nouveau le contribuable qui est lésé. Les dirigeants des banques, eux, ne seront pas inquiétés. Ils quittent l'entreprise en touchant de belles retraites-chapeaux : 300.000 euros pour Pierre Richard, fondateur de Dexia, puis dirigeant et président du Conseil d'administration, 863.750 euros, soit une année de salaire fixe, pour Alex Miller, le dernier dirigeant de la banque...»

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Je viens de terminer Le livre noir des banques par Attac et Basta !. Même si vous êtes un citoyen-ne particulièrement bien informé-e qui ne se contente pas des informations des médias dominants, vous en apprendrez des vertes et des pas mures ! Par exemple, que les crises financières, en particulier celle des subprimes, ont eu un coût exorbitant pour l'économie et les citoyens, même si les banques ont remboursé les prêts accordés par les banques centrales : entre 1970 et 2011, la perte de richesse est évaluée à 31 % pour les USA et à 23 % pour la zone euro...

A vrai dire, je savais que la situation est grave, à plus d'un titre, mais pas à ce point. Les auteurs appuient leur démonstration preuves l'appui, avec des exemples concrets, notamment celui de Dexia.

« François Rebsamen, le maire de l'époque disait publiquement : on a 12 % d'emprunts toxiques, mais on maîtrise. (...) Jusqu'à l'été 2013, la mairie ne répond pas. Puis elle fait parvenir au collectif les comptes de la commune. 660 pages sont passés au peigne fin par le Collectif pour un audit citoyen de la dette publique, qui constate que 47 % de la dette de la ville est constituée d'emprunts toxiques. »

Ces emprunts grèvent les finances de la collectivité, et en dernier ressort, ce sont les citoyens qui paient. Certains élus locaux ont dénoncé l'arnaque, mais pas tous... A l'époque, l'actuel ministre en charge de la gestion du chômage n'a engagé aucune action contre la banque qui avait refilé ces fameux produits complexes ou pourris.

« Pourquoi ce manque de réaction des élus locaux ? Pourquoi ce déni, s'interrogent les auditeurs citoyens ? Le fait que François Rebsamen ait été administrateur de Dexia - Crédit local de France entre 2003 et 2008 - en touchant 20.000 euros annuels de jetons de présence - y est-il pour quelque chose ? »

Au niveau européen, les auteurs soulignent la différence de traitement entre les institutions privées et les Etats. Si pour les premières, c'est open bar à volonté des crédits à un taux proche de 0%, sans contrôle et sans exigence que cet argent profite à l'économie réelle, pour les Etats, les conditions sont assorties d'exigences drastiques : réduction de la fonction publique et des services publics, ouverture de nombreux secteurs à la concurrence, limitation du poids de la dette, flexibilité du marché de l'emploi, ouverture des frontières aux biens et services. Ce faisant, les autorités européennes, dont la BCE, encouragent la spéculation financière, notamment celle sur les dettes publiques. Ces dernières années, le secteur bancaire a connu un tel phénomène de concentration que les conséquences de la prochaine crise financière seront autrement plus importantes que celles de la crise des subprimes.

« Chaque Etat souffre d'une de capture par son industrie financière nationale, et s'érige en défenseur de ses champions nationaux, de "ses" banques. Chaque Etat va, à tour de rôle, bloquer l'avancée des dossiers ou les édulcorer. On assiste à un phénomène de "capture" idéologique des responsables politiques par les lobbys bancaires, exacerbé par une gouvernance européenne déficiente. (...) »

Cette proximité du pouvoir politique et du secteur bancaire n'est ni anodine, ni marginale. Elle a annihilé la réglementation des activités bancaires. Ainsi, la loi de séparation bancaire votée en 2013 par le parlement français n'est que pure ou pire illusion puisqu'elle ne touche que 1 % seulement des activités bancaires comme l'a avoué le PDG de la Société générale devant les députés réunis en commission. Etonnant ? Pas vraiment :

« A la direction du Trésor, au ministère des Finances, comme à la tête des banques ou de la Fédération bancaire, on trouve énarques et inspecteurs des finances, souvent passés sans complexe d'un univers à l'autre, de l'intérêt général aux intérêts privés. Un système d'allers-retours et de pantouflage, renforcé par l'extrême concentration des banques françaises, qui explique la "capture idéologique" de ceux qui censés penser et mettre en œuvre la régulation du système bancaire»

Cette concentration fait l'objet d'un des derniers chapitres, au demeurant passionnant. Les hauts fonctionnaires des finances, fort bien rémunérés, ont pour la plupart l'ambition de poursuivre leur carrière dans le secteur bancaire pour multiplier leurs revenus au moins par 10, et ce, sans prendre le moindre risque professionnel puisqu'ils peuvent, en cas de besoin, revenir dans le giron de l'Etat. Un autre chapitre est d'ailleurs consacré à cette oligarchie financière qui capte l'essentiel des richesses sur le dos des petites mains de la banque et des clients.

Les auteurs estiment que tant que ces allers-retours seront autorisés, le système ne changera pas. Aussi, proposent-ils quelques mesures concrètes pour enrayer ce phénomène de masse : interdiction d'exercer une activité bancaire les trois dernières années avant de revenir dans le public, création d'un poste de commissaire aux conflits d'intérêts que les citoyens peuvent alerter (Canada).

Au fil des pages, on comprend mieux pourquoi la finance est notre ennemie, comme disait Hollandreou... et pourquoi elle ne pourra être réglementée tant que la classe politique sera dominée par des gens dont la proximité avec l'oligarchie financière n'est plus à démontrer (Moscovici, Macron, Juppé, Draghi, Juncker,etc). On mesure aussi la responsabilité de la finance dans la grande régression sociale en cours, ainsi que les périls à venir qu'elle fait peser sur nos vies. Le livre noir des banques est un livre essentiel pour appréhender le présent.


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