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Une seule race, mais sept groupes biologiques

Publié le 16 avril 2015 par Blanchemanche
#génétique #ADN
Une seule race, mais sept groupes biologiquesJames D. Watson peut être considéré comme le pape de la génétique moderne. En 1953, sa découverte de la structure de l'ADN, avec Francis Crick, en a fait l'égal d'un Newton ou d'un Copernic ! Malheureusement, cette icône de 79 ans (Crick est décédé) laisse suinter un racisme épouvantable. Le 14 octobre 2007, il déclarait encore dans le Sunday Times Magazine que l'intelligence des Noirs est inférieure à celle des Blancs. Même s'il a prétendu par la suite avoir été mal compris, cette énième provocation a fini par dresser contre lui l'ensemble des chercheurs. « Watson déconne. Il aime provoquer. Il se base sur des travaux qui ont été totalement remis en question », souligne Bertrand Jordan, généticien au CNRS, auteur de « L'humanité au pluriel » (Seuil).Mais l'affaire ne s'arrête pas là. Le Sunday Times , pour se rattraper, publiait une étude scandinave affirmant que l'ADN du vieil homme comporte 16 % de gènes légués par des ancêtre noirs et 9 % par des aïeux asiatiques. Et vlan dans le génome !Pendant très longtemps, on a distingué seulement quatre races au sein de l'espèce humaine : la noire, la blanche, la jaune et la rouge. En ajoutant d'autres critères physiques et culturels, certains étaient parvenus à en distinguer des dizaines, voire des centaines. Après la Seconde Guerre mondiale et les horreurs nazies, le sujet est devenu tabou. Il ne fallait surtout plus parler de races, mais d'ethnies forgées avec des ressemblances culturelles. C'est l'ethnocentrisme de Lévi-Strauss.Aujourd'hui, les progrès remarquables effectués dans la science du génome (autre nom pour la totalité de l'ADN contenu dans les chromosomes) permettent enfin d'apporter des réponses bien plus précises sur l'existence ou non de divisions biologiques au sein de notre espèce. Au lieu de se fonder sur quelques critères physiques apparents, les généticiens ont mis au point des moyens sophistiqués d'analyse, capables de comparer des milliers de minuscules fragments d'ADN. Ce qui a permis de savoir, par exemple, que sur les 3 milliards de nucléotides-ces briques de base qui écrivent les gènes-les hommes ne diffèrent, entre eux, que par 3 millions de nucléotides au maximum. Un sur mille ! Cela signifie que les 6 milliards d'humains possèdent un génome à 99,9 % identique. Cette extraordinaire compacité ne se retrouve chez aucune autre espèce de mammifère dont le génome est connu à ce jour. Par exemple, la diversité génétique du chimpanzé est quatre fois supérieure à la nôtre.Quoique très faible, il existe néanmoins une variabilité chez l'homme. Que dit-elle ? La revue Science vient de publier l'étude génomique la plus complète jamais effectuée. Elle compare 650 000 nucléotides chez 938 individus appartenant à 51 ethnies. La ribambelle de généticiens qui ont participé à ce travail herculéen concluent de leurs travaux qu'il existe sept groupes biologiques parmi les hommes : les Africains subsahariens, les Européens, les habitants du Moyen-Orient, les Asiatiques de l'Est, les Asiatiques de l'Ouest, les Océaniens et les Indiens d'Amérique. Le chercheur Howard Cann, de la fondation Jean-Dausset, cosignataire, tient à préciser : « Tous les hommes descendent d'une même population d'Afrique noire, qui s'est scindée en sept branches au fur et à mesure du départ de petits groupes dits fondateurs. Leurs descendants se sont retrouvés isolés par des barrières géographiques (montagnes, océans...), favorisant ainsi une légère divergence génétique. » En fouillant davantage encore dans les génomes, les généticiens ont pu encore déterminer des sous-groupes. Par exemple, huit en Europe et quatre au Moyen-Orient. Mais avec moins de certitude.Précisons encore, afin d'éviter toute récupération de mauvais aloi de ces travaux, que les convergences génétiques qui rassemblent les hommes au sein de chacun des septs groupes ne concernent qu'un relativement faible nombre de nucléotides. Du coup, deux hommes appartenant à un même groupe peuvent être très différents en ce qui concerne les très nombreux nucléotides non pris en compte pour établir la classification. Si différents même que deux membres d'un même groupe peuvent être plus éloignés, globalement, que deux individus appartenant à deux groupes distincts (Européens et Africains, par exemple). Pour bien le comprendre, imaginons des fruits classés en fonction d'un seul critère, leur couleur. La pomme rouge et la tomate appartiennent donc au même groupe, mais de nombreux autres critères les rendent bien plus différentes entre elles que des pommes vertes et rouges.Si les sept groupes restent très proches génétiquement, c'est qu'il y a une bonne raison à cela : l'extrême jeunesse de l'espèce humaine. En 60 000 ans (depuis la sortie d'Afrique de l' Homo sapiens), l'évolution n'a pas eu le temps de creuser de fossés génétiques. A peine des ornières. Malgré cela, les chercheurs commencent à se poser la question de savoir si ces groupes, même très proches, ne présentent pas des différences physiques, médicales ou encore intellectuelles. Le terrain est très glissant. D'ores et déjà, de multiples études épidémiologiques, surtout américaines, relèvent effectivement une sensibilité différente à certaines maladies. Mais, dans quasiment tous les cas, les chercheurs sont encore bien incapables de faire le tri entre les causes génétiques et celles tenant aux conditions de vie. Sauf en ce qui concerne les maladies génétiques orphelines. Ainsi, le cancer du sein frappe davantage les femmes juives ashkénazes parce qu'elles ont hérité d'une mutation (BRCA1) apparue spontanément chez l'une d'entre elles, voilà plusieurs générations.Ce grand flou n'a pourtant pas empêché une société américaine d'obtenir, en 2005, la première homologation d'un médicament « racial » destiné aux Noirs. Il est censé soigner l'insuffisance cardiaque, plus fréquente chez les Américains d'origine africaine, sans que la raison en soit connue. Dans son livre, Bertrand Jordan dénonce l'homologation du BiDil, médicament dont l'efficacité est la même quel que soit le malade, blanc, noir ou jaune. Pis : ce remède, vendu très cher, ne fait qu'associer deux vieilles molécules commercialisées à bas prix depuis longtemps ! Ce qui explique sans doute son flop commercial.Quant à la prétendue supériorité intellectuelle des Blancs sur les Noirs fondée sur des critères génétiques, « c'est totalement faux , s'insurge Bertrand Jordan. Il est possible que quelques centaines de gènes induisent des variations dans les aptitudes que possède, en moyenne, une population par rapport aux autres. C'est possible, mais bien difficile à mettre en évidence, tant l'influence de la culture brouille les pistes. En tout état de cause, une telle différence ne s'appliquerait qu'à la moyenne du groupe, non pas à chacun de ses membres pris individuellement ».Bref, nous avons enfin la confirmation qu'il n'y a pas plus égaux que les humains. Si sept groupes génétiques se sont esquissés au fil de 3 000 générations, la bougeotte des hommes actuels les amènera certainement à se fondre à nouveau ensemble. On sera alors revenu au point de départ. L'homme n'appartient qu'à une seule race. Elémentaire, mon cher Watson !
FRÉDÉRIC LEWINOLe Point http://www.lepoint.fr/actualites-sciences-sante/2008-02-28/une-seule-race-mais-sept-groupes-biologiques/919/0/225997#xtor=CS2-238

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