Parmi les nouveaux termes à connaître concernant le déploiement de la e-santé dans nos territoires, il en est un qui fait fureur en ce moment, c’est « Living Lab ».
Mais qu’est-ce que c’est exactement, un Living Lab ?
Commençons donc par sa définition.
Pour cela, référons-nous à la définition fournie par le réseau européen des living labs (ENoLL – European network of living labs). Un Living Lab « regroupe des acteurs publics, privés, des entreprises, des associations, des acteurs individuels, dans l’objectif de tester dans des conditions réelles et écologiques, des services, des outils ou des usages nouveaux, dont la valeur, soit reconnue par le marché. L’innovation alors ne passe plus par une approche classique (recherche en laboratoires, R et D, puis développement industriel), mais de plus en plus par les usages. Tout cela se passe en coopération entre des collectivités locales, des entreprises, des laboratoires de recherche, ainsi que des utilisateurs potentiels. Il s’agit de favoriser la culture ouverte, partager les réseaux et obtenir l’engagement des utilisateurs dès le début de la conception».
Complétons cette proposition par la définition détaillée, proposée sur l’excellent site netpublic.fr et agrémentée d’une illustration reprise ci-dessous :
L’accent y est notamment mis sur ce constat : « c’est l’usager qui porte le living lab ».
Un mode de fonctionnement bien différent des exemples cités dans mes précédents billets de cette thématique…La particularité du fonctionnement a de quoi susciter notre curiosité. Où en est ce concept sur notre territoire, la France a-t-elle du retard dans l’appropriation de ce mode de fonctionnement ? A vous de juger avec ces quelques exemples ci-dessous.
Quelques Living Labs réalisés ou annoncés en France :
En Aquitaine, avec le Living Lab e-santé aquitain lancé début mars. Celui-ci est impulsé par le cluster TIC Santé et piloté par Aquitaine Développement Innovation. Il s’appuie sur un tissu de compétences spécialisé dans les usages et a pour particularité d’être un dispositif hors murs pour permettre une expérimentation en conditions réelles et à grande échelle.
Concrètement, le mode de fonctionnement visé est de mettre en relation à la fois des entreprises et leurs projets avec des utilisateurs de e-santé (patients, professionnels ou aidants selon les utilisateurs visés) qui testeront ces innovations dans leur quotidien ; et, comme intermédiaires, des experts méthodologiques (laboratoire et organismes de recherche) qui auront pour rôle d’analyser les usages faits des produits par les testeurs et leur pertinence au regard de leurs objectifs initiaux.
Le rôle du Living Lab consiste ainsi, entre autre, à :
- analyser un projet d’entreprise (technologies, produits, services, outils ou usages innovants), de repérer et qualifier les besoins en matière de tests d’utilisation en conditions réelles, et d’orienter l’entreprise vers le centre de compétences adapté.
- accompagner le centre de compétences dans la rédaction d’un protocole d’évaluation.
- conseiller l’entreprise et de mettre à sa disposition un réseau de compétences utiles à la mise en œuvre de l’expérimentation (financière, juridique, propriété intellectuelle, assurance, etc.).
- procéder au recrutement de la « cohorte d’utilisateurs » définie dans le protocole d’évaluation.
- assurer le suivi de l’expérimentation jusqu’à la remise du rapport d’étude.
En région Rhône-Alpes, avec le Living Lab : e-Care Lab
Créé par le I-Care Cluster de la région Rhône-Alpes et MEDIC@LPS (EX ADEBAG) acteur majeur du développement économique international de la filière santé Grenoble-Isère. L’objet du e-Care Lab est la santé, avec la volonté de fournir des solutions efficientes, pérennes et économiquement viables. L’e-Care Lab n’a pas de structure de gouvernance. Un seul projet a été financé pour le moment. Plus de détails ici
Une certaine spécialisation peut se révéler autour d’un Living Lab comme celui lancé en Limousin en 2014, baptisée Autonom’lab.
Celui-ci est ciblé sur la question de la dépendance et en lien avec la silver economie. Avec des projets pour imaginer et développer des services ou des outils innovants qui répondent aux besoins des seniors ou personnes dépendantes, en termes d’habitat, de nouvelles technologies…Plus de détails ici
Le Living Lab Paillon 2020, situé à Nice lorgne également du côté de la silver économie
Sous la houlette du CNR santé et autonomie, le Living Lab Paillon 2020 s’inscrit dans une démarche innovante de ville intelligente qui est en train de se construire et où la santé y joue un rôle majeur. A titre d’exemple, il œuvre à la mise en place d’un appartement de démonstration équipé des solutions technologiques permettant de rester chez soi en toute sécurité plus longtemps, et d’un espace de simulation pour comprendre les effets du vieillissement et anticiper les aménagements nécessaires à un maintien à domicile réussi.
Ce dispositif de la Ville de Nice est porté par le pôle Innovation et Prospective de la Direction de la Santé, en partenariat avec la Métropole, le Centre d’Innovation et d’Usages en Santé et France Silver Eco.
En Région Languedoc-Roussillon, c’est le Living Lab de la société privée Kyomed
La Société Kyomed est basée à Montpellier, elle propose aux industriels de la santé et du numérique une offre de services pour le développement des solutions de santé. Cette offre se compose de ses trois plateformes technologiques complémentaires dans le domaine de la e-santé et de la médecine personnalisée :
– Une plateforme d’identification et de développement de biomarqueurs,
– Une plateforme informatique de traitement de données,
– Un « Living Lab » permettant de tester l’ergonomie, la fonctionnalité et l’acceptabilité des solutions innovantes auprès des futurs utilisateurs et ainsi d’optimiser leur conception (plateau d’évaluation et de co-conception de solutions santé).
Kyomed a ainsi monté, à travers son collège d’actionnaires, un maillage de partenariats avec un grand nombre d’experts, de sociétés et partenaires académiques spécialistes des technologies d’avenir. Actuellement, le collège d’actionnaires de Kyomed compte l’association CR2i en LR (réunissant Sanofi, Ecole des Mines d’Alès, Etablissement Français du Sang, Institut Mines-Telecom, CHRU de Montpellier, CHU de Nîmes); la SAS Bioguild (regroupant sept PME du secteur des biotechnologies : Acobiom, Amylgen, ASA, Histalim, I2A, Phylogen et CEISO) et trois actionnaires directs : le groupe Altéra (logiciels et applications pour l’accompagnement des malades d’Alzheimer et de leurs familles), l’Université de Montpellier et l’Institut du Cancer de Montpellier (ICM).
A titre d’information, la société récemment collaboré avec Sanofi, autour d’un pilulier connecté. Plus de détails ici
Le living lab peut être directement dédié à une pathologie, c’est le pari pris par la Fédération Française des Diabétiques, qui lance son « Diabète LAB ». L’objectif visé : placer le patient au cœur de l’innovation des produits et des services qui lui sont destinés, en intégrant le patient diabétique dans la conception, le développement et l’évaluation des nouvelles solutions.
Le Diabète LAB propose les services suivants:
- recueillir et affiner les besoins et les usages des patients diabétiques,
- co-créer les concepts de produits ou de services les plus adaptés à ces besoins identifiés,
- tester ces innovations auprès de patients volontaires, de l’idée au prototype,
- agréer les produits et services en adéquation avec les attentes des patients.
De fait, tout produit ou service dédié aux personnes diabétiques peut potentiellement être évalué dans le cadre du Diabète LAB: sites web, applications mobiles, dispositifs médicaux, programmes d’apprentissage, …Plus de détails ici
On pourrait également citer le Living Lab « ActivAgeing » en Champagne-Ardennes, l’Humanicité situé à Lille ou bien la Picardie avec son projet de Living Lab e-Santé.
Le Living Lab ; nouvel outil au service de l’innovation santé ?
Cette liste non exhaustive des Living Lab français n’est sans doute que le début d’une longue série, car c’est le principe même qui est train de se développer dans l’univers de la santé. A ce titre, il est intéressant de noter l’entrée du concept du Living Lab dans des cursus de formation tel que celui mis en place par L’ISC Paris. Et plus précisément pour son MBA Marketing des industries de la santé.
Plus qu’une méthode, le living lab est une approche nouvelle pour structurer un écosystème d’innovation avec les parties prenantes incontournables d’un marché.
Pour s’en convaincre, je vous invite à la lecture du document suivant où vous en apprendrez beaucoup sur le modèle économique des Living Labs en santé et autonomie. Ce document est réalisé par le Centre National de Référence.
On y apprend par exemple la diversité des sources concernant le portage des Living Labs ; on peut y trouver des universités, des hôpitaux, des clusters, des services régionaux (type conseil régional, conseil général et des collectivités territoriales) et la participation de quelques ARS.
Sans nul doute, la prochaine génération de services en santé qui nous sera proposé dans les toutes prochaines années aura été développé et testé dans un de ces Living Labs !
Et vous ? Qu’en pensez-vous ?