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Mais qui se cache derrière le succès Radio Meuh ?

Publié le 21 avril 2015 par Bleatmagazine

Un son funky et alternatif, un environnement visuel décalé et des jingles un peu lourds… La webradio Radio Meuh a réussi à faire sa place dans le quotidien de beaucoup de français. A l’occasion de leur festival Radio Meuh Circus, qui s’est déroulé début avril, nous avons voulu savoir qui se cachait derrière cette radio indépendante qui émet depuis… une station de ski.

Mais qui se cache derrière le succès Radio Meuh ?

Dans les studios de Radio Meuh

Salut Phil, j’ai cherché sur le net pour savoir qui était derrière le succès de Radio Meuh et… je n’ai pas trouvé grand chose. Y’a peu d’interview de vous. Pourquoi ?

La radio a été créée y’a 7 ans. Ca fait 3 ans qu’elle fait beaucoup parler d’elle. On a pas eu l’occasion d’en faire et c’est pas un truc qu’on kiffe spécialement les interviews ou même montrer nos têtes.

Du coup, qui est derrière Radio Meuh?

J’ai créé la radio en 2007 avec mon pote Christian, l’informaticien de la radio. Y’a aussi Arnaud, le graphiste, qui nous a rejoint depuis dans l’équipe technique. Pour les évènements qu’on organise, on a composé un trio de DJ avec Tédéo, Justin et moi-même. Et, pour le festival, on fait appel à nos voisins du Grand Bornand de Doka Prod.

Comment est venue cette idée de radio ?

Je travaillais dans la restauration à la Clusaz depuis plusieurs saisons mais j’ai toujours été passionné de musique. J’avais un restaurant en gérance dans lequel j’apportais une attention toute particulière à l’ambiance musicale. J’y passais des CD que je compilais et j’avais de bons retours. L’idée de créer une radio a toujours été dans un coin de ma tête. Initialement, je voulais la faire localement en FM à la Clusaz. J’avais commencé à lancer la procédure mais j’ai vite compris que c’était pas pour nous. On était des passionnés de musique isolés dans nos montagnes, pas des hommes de radio. Ce qui m’a bloqué, c’est l’épaisseur et la complexité du dossier. On ne monte pas une antenne FM si facilement en France. Les fréquences sont délivrées par le CSA uniquement sur appel d’offre. Et puis, le projet était aussi trop gros financièrement. Fallait investir dans des antennes, des studios… Mon pote informaticien m’a dit d’attendre que l’ADSL se démocratise. J’ai dit « la quoi ? ». Le mot « ADSL », c’était inconnu pour moi. Le web nous a permis de monter un projet facilement, pas cher et d’au moins tenter l’aventure. On voulait juste faire nos playlists, voir si ça marchait et, surtout, se faire plaisir.

La musique qu’on entend la majeure partie de la journée, c’est toi qui l’a choisie. Comment t’organises-tu ?

J’étais un grand consommateur de CD. Au début, c’était simplement mon disque dur organisé que les auditeurs écoutaient. Christian, l’informaticien, a trouvé un programme gratuit (Mediabox404) permettant de faire du streaming et de gérer les playlists. Le logiciel n’est plus vraiment utilisé aujourd’hui mais il nous convient toujours. On fait des playlists à l’ancienne d’une demie heure, trois quarts d’heure tous les jours 24h/24. En clair, je crée mes playlists en remplissant une sorte de tableau excel avec des morceaux que je dispatche, ensuite, dans un agenda. Entre chacune de ces playlists, il y a un énorme best of qui se met en route avec des morceaux qui vont revenir plus régulièrement. Y’a des playlists du matin avec des sons funk, disco et musique du monde, d’autres pour le soir, plus électro, pêchues. Les jeudis et vendredis, on invite un DJ sur la radio qui sera ensuite rediffusé une fois dans la semaine qui suit.

Mes playlists sont composées de sons de ma collection personnelle, de suggestions de potes et, de plus en plus, de propositions de maisons de disque. Avec le temps, mon oreille a évolué. Même si la radio a toujours été groove, j’étais pop rock au début et maintenant j’élargis le spectre. Au final, c’est selon mon bon jugement et mes goûts.

Doit-on payer des droits d’auteur lorsqu’on diffuse une musique sur une webradio ?
Même si on est une webradio associative, on paie les droits d’auteurs à la Sacem, à la Scpp et à la Sppf. Mais je ne me prends pas la tête là-dessus, je diffuse ce que j’ai envie de jouer.

Niveau chiffres, y a-t-il eu une année où vous avez cartonné ?

Notre courbe d’audience a monté de façon régulière. Chaque année, on avait une belle courbe de +20%. Maintenant, on stagne un peu. On a trouvé notre public de fidèles. On est entre 30 et 50 000 connexions à l’audio par jour.

Sur quoi vit Radio Meuh financièrement ?

A part quelques serveurs, on a pas besoin d’une grosse infrastructure pour faire tourner la radio. Mais on a besoin de beaucoup de temps. C’est pour ça qu’en 2011, j’ai décidé d’investir 100% de mon temps pour la radio et d’être DJ indépendant. Les deux autres collègues DJ Radio Meuh sont aussi DJ à part entière. Le graphiste et l’informaticien, eux, ont toujours leur boulot. Karène, l’attachée de presse que tu as eu au téléphone, est aussi bénévole. Heureusement qu’ils sont là. Je ne pourrais pas gérer la radio tout seul. La solution facile serait d’insérer des publicités audio entre les morceaux mais on a toujours refusé, par éthique. C’est ce qui a aussi fait notre succès. Laisser une pub de 3 secondes toutes les deux heures, ça pourrait me faire un petit salaire pas négligeable mais on préfère trouver des solutions alternatives : développer la boutique en ligne, faire de l’évènementiel…

Les tournées DJ Radio Meuh et les summer/winter tour dans les Alpes sont aussi là pour ça. Ca nous permet de bouffer et de faire connaître la radio. Ce qui a pas mal marché aussi, c’est le fait qu’on habite une région touristique, à la Clusaz. Beaucoup de commerces nous écoutent, notre logo est assez percutant… les gens accrochent tout de suite et se rappelle de Radio Meuh. Ca a aidé à notre développement.

L'équipe Radio Meuh

L’équipe Radio Meuh

A part l’évènementiel, la webradio rapporte de l’argent ?

L’argent vient surtout des tournées. La radio s’autofinance grâce aux annonceurs visuels et aux produits dérivés (t-shirt, bonnets, goodies). On va se développer sur ce plan là d’ailleurs parce que ça marche bien. On participe au quotidien de tellement de personnes que j’ai l’impression qu’ils sont piquousés. Beaucoup d’auditeurs ont fait de Radio Meuh, leur radio de base. Beaucoup l’écoutent au travail, dans des boutiques. Ce qui est bien pour nous faire connaître. Les clients demandent le nom de la radio qui passe. Ce qui a fait notre succès, c’est une musique passe-partout et en même temps alternative, pas commerciale.

Si tu as créé ta propre radio, c’est parce que tes goûts n’étaient pas représentés sur la FM, qui était justement trop commerciale ?

Avant de lancer Radio Meuh en 2007, on se faisait chier quand on allumait la radio. On habite les montagnes. Ici, on est vraiment limité en choix. On a la chance d’avoir une radio suisse alternative qui s’appelle Couleur 3 mais on n’a pas Nova par exemple, qui est LA radio exemple. Les projets de web radio comme Le Mellotron ou nous, on est tous des enfants de Nova.

Avec le recul, t’es satisfait de ton changement de carrière ?

Oui, je ne regrette rien. Mes parents étaient issus de l’hôtellerie. J’aurais pu reprendre une affaire et avoir ma voie toute tracée, être pépère. Mais là, je vis à fond ma passion. Avant, j’étais dans mon coin à faire profiter les gens avec mes playlists sur le web mais ça restait très virtuel. On s’est rendu compte, dans nos tournées, de l’engouement pour notre radio. Les gens étaient contents de mettre un visage sur le projet. Maintenant, avec les tournées, on rentre dans le monde des artistes. On en rencontre et on en fait jouer.

S’il n’y a pas de pub sur Radiomeuh, les musiques sont souvent entourées de jingles…

On a voulu mettre ce côté second degré dans ces jingles. C’est pas un concept réfléchi.  On en enregistre une à deux fois par an. Le plus souvent chez moi. On met le micro dans ma chambre pendant que, dans le salon, on fait tourner les bières et le vin. Je laisse faire les potes. On essaie de ne pas les faire trop long mais, si on a une connerie à dire et qu’elle est longue, on la dit. Depuis un an et demi, on a un vrai local d’enregistrement mis à disposition par l’Office du Tourisme. C’est l’ancien local d’Europe 2. Radio Meuh faisait tellement parlé de la Clusaz qu’ils ont fait un geste…

Mais qui se cache derrière le succès Radio Meuh ?

Le festival Radio Meuh Circus 2014

Le Festival Radio Meuh Circus, dont la troisième édition était ce mois-ci, est un de vos gros évènements. L’année dernière, vous avez eu en tête d’affiche Laurent Garnier ! Comment vous avez fait pour l’avoir ? Il doit être habitué à de gros cachets…

Comme beaucoup de choses dans notre histoire, ça s’est fait par amitié. Depuis 2013, Laurent organise avec ses potes le festival Yeah à Lourmarin, chez lui dans le Luberon. En juin 2013, dans un roman photo publié sur leur site, le potier du village – fan de notre radio – cite Radio Meuh. J’ai envoyé un email pour les remercier, puis j’ai fait parvenir un panier avec du reblochon, de la gnôle et des t-shirts par un pote qui se rendait au festival cette même année. On est rentré en contact avec l’équipe des organisateurs. Et, pour la saison suivante de notre festival, Laurent s’est proposé de mixer gratos pour nous.

Prochaine étape, un festival en dehors de vos contrées ?

On l’a envisagé mais on a déjà tellement de boulot… et financièrement ce serait un projet difficile. Localement, on a des avantages ici qu’on n’aurait pas ailleurs comme trouver des deals avec des hôtels, des partenariats avec les commerçants…

L’événement auquel tu as participé qui t’as marqué le plus en tant que DJ ?

On a fait une belle date à la Bellevilloise à Paris, qui est d’ailleurs la première ville en France où on est écouté. Paris nous attendait. On a fait une session 19h-23h dans la salle du haut. A priori, assez sage, ambiance apéro. Mais au bout d’un moment, tout le monde a viré les tables et s’est mis à danser.

En 2007, au lancement de la radio, tu t’étais imaginé quoi comme but à atteindre ?

Au début c’était vraiment juste pour tenter le coup. On me demandait souvent à l’époque « C’est quoi ton business plan ? ». Je répondais « J’en sais rien. J’en ai pas. Prenons un serveur à 30euros par mois et investissons du temps ». Maintenant j’ai juste envie qu’on devienne la référence des web radios en France. Ca se confirme point de vue audience d’ailleurs. On est en train de souscrire à l’OJD, l’organisme qui fournit les audiences officielles des web radios. Ca va de NRJ aux plus petits du secteur. Il faut juste être inscrit. Mais on a trainé pour le faire et ça prend un certain temps. Si on compare nos chiffres avec ceux affichés par l’OJD, je sais qu’on est très bien placé. Je pense qu’on est la première webradio indépendante. Mais tant qu’on n’est pas inscrit, je ne peux pas le certifier officiellement. On a tellement de serveurs dispersés que c’est compliqué de regrouper toutes les statistiques.

Dans la vraie vie, vous êtes du genre à porter vos t-shirts Radio Meuh tous les jours ?

C’est plutôt les autres qui les portent pour nous. Les bonnets Radio Meuh sur la Clusaz, y’en a presque trop.

Trois sons que Phil de Radio Meuh vous conseille :


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