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Max | Lettre d'amour

Publié le 21 avril 2015 par Aragon
...Papa, je me pose la question. Est-ce que t’as souffert ? Parce que c’est ça qui m’angoisse, tu sais. J’ai peur que t’aies eu peur, j’ai peur que t’aies eu mal. Mais ils ne t’ont touché qu’à la poitrine, alors, les bobos, on les voit pas. T’es beau, tu sais, avec ce drap blanc qui t’enveloppe. T’as même l’air heureux. J’ose pas trop m’approcher, tu m’en veux pas ? Je voudrais être capable de t’embrasser pour la dernière fois, mais j’y arrive pas. J’ai demandé à la dame de l’Institut médico-légal si on pouvait t’empailler mais elle m’a dit que c’était pas possible. Papa, on dirait que tu dors. Mais tu dors pas, t’es mort...
Elsa Wolinski, lettre posthume à son papa
 
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Tu serais couchée. Je voudrais m'approcher de toi, ne sachant rien, étonné et tendre, doux si doux. Te prendre dans mes bras, ne pas te serrer, non oh non, ne pas te serrer. Te prendre dans mes bras, sans presque te tenir. Regarder d'en haut la porte ouverte en ton front, sous la frange de tes cheveux. Te prendre dans mes bras comme prendrais, s'il en était possible, brassée fragile d'ancolies des champs, coquelicots des talus abrupts, genêts des forêts de bord de mer, toutes ces fleurs qu'il est impossible de ramasser, ces fleurs que l'on peut juste regarder.

Je voudrais m'approcher de toi, regarder le soleil inonder de couleurs ta peau. Je voudrais m'approcher de toi et voir enfin les couleurs, l'aube dorée de l'Alpha, le noir ténèbre de l'Omega, la création d'un Monde. Rester ainsi sept jours près de toi. Assister à la création d'un Monde. C'est ça, oui, c'est un peu ça, comment en parler ? La mort est si vite arrivée, la mort qui vient bien plus vite que la vie. Sa soeur jumelle, son écho. La mort qui ne laisse aucun temps aux amants, aucun répit aux ancolies des champs, aux coquelicots des talus abrupts, aux genêts des forêts de bord de mer. La mort si douce, si parfumée et si violente. Je voudrais m'approcher de toi, amour, pour te savoir, te devancer...


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