Magazine Journal intime

J’ai essayé d’être normale

Par Anniedanielle

Ouais bon, enfin, on se comprend… “de fonctionner normalement”. Parce que moi et la normalité, à tant de niveaux, on fait deux. haha

Encore là, je dis “fonctionner normalement” et je sais qu’encore une fois, ma vie décalée, conditionnée par le syndrome d’Ehlers-Danlos, fausse ma perception. Suffit que j’en fasse “beaucoup” pour avoir cette impression.

Prenons du recul trente secondes. C’est quoi une vie normale?
Prenons deux exemples, tiens. D’une journée typique de gens en santé “normaux”.

Exemple #1, un homme début trentaine, emploi de fonctionnaire-cadre, maison (avec des escaliers, évidemment), conjointe, deux enfants, un chien.
Debout vers 6h30, douche, se prépare, aide à préparer les enfants, déjeuner. Va mener les enfants à la garderie. Transports en commun (et marche!) pour aller travailler. Journée au travail, si c’est pas trop une journée de fou, d’environ 8 heures. Saute sa pause, dîne dans son bureau. Re-transports en commun. Aide au souper, puis au bain des enfants. Aura passé un peu de temps à jouer avec eux aussi à travers tout ça. Prend une marche avec le chien. Puis, possiblement, aura une réunion ou fera du sport… parfois une sortie avec des amis. Se couche vers minuit, sinon un peu plus tard. (il ne dort pas assez, il le sait).

Exemple #2, une femme dans la jeune vingtaine, aux études universitaires, appartement au 2e étage (habite seule). Se lève vers 7h. Se prépare. Marche et prend les transports en commun pour aller à ses cours. 6 heures de cours, entrecoupés de réunions, étant impliquée sur divers comités et en politique étudiante. Elle court (littéralement, parfois) d’un bout à l’autre de l’université. La journée terminée, elle passe quelques heures avec des amis au bar de l’université. Puis retourne à son appartement où elle étudie jusqu’à minuit passé. Ensuite elle ne se couche pas… elle va travailler de nuit le lendemain. Pour ne pas s’endormir, elle fait le ménage de l’appartement et du lavage. Quand il est enfin assez tard, près de 5h du matin, elle prend un bain et va se coucher. (elle ne dort pas assez, elle le sait).

ÇA, ce sont des exemples de vies normales. Des gens qui n’arrêtent pas deux secondes. Qui font ce qu’ils ont besoin de faire, envie de faire, sans y penser. Qui réussissent à entrer dans une journée : travail, vie de famille, vie sociale et tâches ménagères. C’est pas toujours à leur goût, ils manquent sûrement un peu de sommeil, mais en général, ça va.

Je me sens normale quand j’arrive à faire plusieurs heures d’une ou l’autre de ces catégories, plusieurs jours de file! À prendre ma douche, faire l’épicerie et faire une sortie dans la même journée, par exemple.

Et donc :
Il y a quelques semaines, j’ai accompagné le groupe de musique Feel Burned en studio pour l’enregistrement de leur premier album. Nous y avons passé trois journées de file, et, en comptant le temps de transport, ça me faisait des journées d’une douzaine d’heures chacunes.
Je ne devais rien faire de très épuisant au studio, juste m’assoir, écouter, prendre des notes, donner mes conseils et encourager… mais ça prenait beaucoup de concentration… et puis j’ai dû utiliser les escaliers assez souvent. Heureusement, j’étais dans une très bonne passe, alors ça allait bien! …je commençais cependant à me sentir fatiguée la 3e journée.
Je n’ai rien fait d’autre de ces trois jours. Grâce à la compréhension de mes parents, qui m’ont permis de me concentrer sur ma passion, je m’occupais seulement de ça. Je préparais mon lunch, mais je n’avais pas à faire le souper, ni à rien faire d’autre dans la maison. J’arrivais à la maison et je me reposais.
Malgré tout, j’ai été alitée les 2 jours suivants le studio, et ça m’a pris un autre deux jours encore à me reposer avant de reprendre le dessus.

Mais ça valait TELLEMENT la peine! La musique étant ma passion, étant entourée de mes amis durant ces trois jours, ce fut un moment de pur bonheur.

Studio Feel Burned

Avec les gars de Feel Burned

Au milieu de la semaine suivante, j’ai rempli une demande de subvention pour un autre groupe de musique de mes amis. C’était imprévu, alors j’ai dû y mettre beaucoup (trop) d’heures en quelques jours. L’adrénaline s’est mise de la partie, je faisais quinze trucs en même temps, c’était fou! J’étais à mon meilleur!
Dans ces moments, j’en viens à me dire que ce serait vraiment bien de faire ça plus régulièrement et pas juste pour mes amis. Assez régulièrement pour en vivre. Belle illusion.
Après quelques jours, il était temps que je termine le projet, car je n’arrivais plus à me concentrer et rester assise au bureau devenait difficile.

J’aurais voulu commencer un autre projet pour lequel je veux aider ce band… mais ça a pris une semaine complète de repos mental avant de pouvoir y arriver. J’ai pu commencer seulement hier, et y passer bien peu de temps.

La semaine dernière fut une semaine de fou. Une semaine où je me suis vraiment sentie normale (si on oublie l’incapacité totale à me concentrer). Parce que j’avais des activités tous les jours!
Je devais aller voir un spectacle tous les soirs… mais déjà, le mardi soir, je me sentais mal et après avoir été chez la coiffeuse en après-midi, difficilement, j’ai abdiqué et me suis reposée.
Je suis quand même sortie lundi soir, mardi après-midi, mercredi midi pour un lunch ET mercredi soir (jusqu’à tard!)… et jeudi soir pour souper.

Et puis je suis retournée en studio, pour le mixage de l’album, vendredi, samedi et dimanche. Seulement quelques heures à la fois (car c’est très épuisant, ça demande une grande concentration!). Une vingtaine d’heures en trois jours.
Cependant, vendredi j’ai aussi été voir un ballet… et terminé la soirée dans un bar où mes amis faisaient un spectacle… et je suis rentrée tard.

Se sentir normale, de faire comme tout le monde et de sortir de la maison tous les jours.
Ça ne semble pas normal, car c’est pour aller voir des shows? Dans mon milieu, ça fait partie du travail.
Cependant, ça n’était malgré tout PAS normal… parce que je ne faisais que ça. J’avais mes parents pour prendre en charge les tâches ménagères que je n’avais plus l’énergie de faire (c’est un ou l’autre pour moi!). Je n’ai pas été voir un spectacle après avoir travaillé toute la journée, fait le repas, pris soin de mes enfants, etc. Non. C’est ma seule activité de la journée, à peu de choses près!
C’est un peu déprimant de constater tout ça.

Malgré tout, c’est une grande amélioration. Et j’en apprécie chaque minute quand ça passe.

Malheureusement ça ne dure pas. Et cette “normalité”, c’était au-delà de ma limite. J’aurais dû mieux doser.

Je suis au lit, encore.
J’ai dû annuler une activité avant-hier soir, même après avoir passé la journée au repos.
J’ai passé ma soirée d’hier au repos, après avoir réussi à passer l’après-midi avec une amie (à discuter calmement).
Et malgré cela, j’ai développé une infection des voies respiratoires, en plus d’une costochondrite. J’espère qu’avec un peu de repos ça va vite passer.
Parce que c’est toujours épeurant. Si ce n’est pas qu’un petit rhume. Si la petite costochondrite ne se calme pas et devient grosse inflammation incontrôlée.
La crainte des activités que l’on devra annuler. Des promesses qu’on devra briser. Des gens qu’on va laisser tomber. Des longues journées esseulée, enfermée à la maison.
Je préfère de beaucoup le faux sentiment de normalité.

Écrit en écoutant en boucle (en streaming pour une durée limitée sur le site du Voir.ca), le nouvel album de Bears of Legend. Dispo sur Bandcamp, une de mes préférées : “When I Saved You From the Sea”.

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