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"La Bête" de Jon Ferguson

Publié le 25 avril 2015 par Francisrichard @francisrichard

Le Larousse donne cette définition de paranormal: "Se dit des phénomènes ne semblant pas s'inscrire dans le cadre des lois scientifiques actuellement établies." Or le dernier livre de Jon Ferguson est destiné aux para-normaux. Que veut-il dire par là? La version anglaise mentionne: "A book for the para-normal". On n'est pas plus avancé. En effet les para-normaux sont-ils les êtres mystérieux ou ceux qui acceptent les mystères?

Avant de parler du contenu du livre, il faut préciser qu'il est bilingue (français-anglais) et qu'il est composé de trois parties: Miettes, La Bête et Bulles. Le lecteur cherchera en vain une pagination, que ce soit dans la version française ou la version anglaise, qui se trouvent tête-bêche. Toutefois, s'il a besoin de repères, il pourra toujours se référer aux numéros des paragraphes: il y en a 55 dans Miettes, 108 dans La Bête et 36 dans Bulles.

La vision de l'homme de Jon Ferguson est le sujet du livre. Et elle est aux antipodes de la mienne. Néanmoins, avant de dire en quoi la sienne et la mienne s'opposent, il me semble intéressant de souligner nos quelques points d'accord:

- "On peut très bien vivre sans vérité."

- "On ne peut jamais vraiment savoir."

- le "Réchauffement climatique" est "une grande histoire" inventée par l'homme (pour reprendre sa place de personnage central dans le livre selon Ferguson, pour que d'aucuns puissent asservir les autres selon moi)

- "Les gens préfèrent en général le simple au complexe"

- "Plus la connaissance et le savoir croissent, moins nous ressentons le mystère profond de la vie... le mystère de toute créature...de toute existence."

- "Qui détient la vérité? Qui a raison? Qui sait de quoi il parle? Et si la réponse était simplement: "personne"?"

- "Beaucoup de choses se recoupent dans ce que les croyants croient et dans ce que les non-croyants croient."

La vision de l'homme de Jon Ferguson?

- Il met dans le même panier les dieux (polythéisme) et Dieu (monothéisme): il ne fait pas de distinction entre les religions inventées et les religions révélées. Et le christianisme l'insupporte.

- Il se demande - ce n'est pas innocent: "Pourquoi lorsque les gens parlent de Dieu ne définissent-ils jamais ce dont ils parlent, c'est-à-dire "Dieu"?".

- Qu'est-il? "Je suis un "viviste", à savoir quelqu'un qui a la chance de vivre. Et je suis un "amouriste", à savoir quelqu'un qui a la chance d'aimer."

- Que pense-t-il? "Nous sommes tous des bêtes.": "Je choisis le terme "bête" pour la simple raison qu'il semble que toutes les créatures qui évoluent sur la terre ont certains points en commun et nous, le genre humain, ne faisons pas exception."

- "L'illusion est la caractéristique de l'homme-bête, c'est-à-dire la bête qui lit, écrit et qui prétend parler d'histoire et de moralité."

- "Quel est l'élément chez l'homme, chez la race humaine qui nous sépare de tout le reste? En un mot, nous sommes "libres" et le reste de l'univers n'est pas libre. C'est le génial tour de magie de l'humanité."

- "Le libre arbitre et la liberté par rapport à la nature ou la bestialité n'ont rien à voir avec le sens de la vie ou la raison de vivre."

- "Une des idées les plus cruciales est que l'homme est responsable."

- Il va sans dire que le mot de culpabilité est tabou pour lui.

- Il va sans dire que, selon lui, tout est nature et que la culture est abominable: "La bulle de la culture doit être la plus solide de toutes les bulles. Pour la faire exploser - décapiter son influence - on a besoin de la plus aiguisée des lames, c'est-à-dire une profonde, profonde, profonde réflexion."

- "L'homme-bête se doit de respecter la vie des autres hommes-bêtes, pas dans l'idée que cela constituerait un péché de ne pas le faire, mais plutôt parce qu'il les respecte sincèrement et parce qu'ils méritent le respect."

Ma vision de l'homme est diamétralement opposée à celle de Jon Ferguson - elle est celle de Chantal Delsol (les citations sont extraites de son livre Les pierres d'angle, Cerf, 2014):

- "On fait croire à nos contemporains que récuser le Dieu du monothéisme aboutira à n'avoir plus de dieu. C'est le contraire. Ceux qui récusent Dieu se donnent aussitôt une multitude de dieux.": "Le monde n'est pas partagé entre des monothéistes et des athées. Mais entre des polythéistes et des monothéistes."

- L'homme n'est pas une "bête", mais une "personne": "La personne est cet humain qui se détache du groupe, non pas qu'elle devienne indépendante (ce sera l'illusion de l'individualisme excessif) mais elle est considérée capable de prendre son destin en main, de poser des actions qui ne sont qu'à elle et d'en assumer les conséquences."

- La vérité est une quête. Nous ne la possédons pas et elle nous échappera toujours "en raison de notre finitude et de notre subjectivité".

- "L'homme est plus grand, plus libre et plus heureux s'il cherche gratuitement à connaître le monde et à le comprendre."

- "La vérité écartée ne peut être remplacée que par l'arbitraire qui souvent sert la puissance".

- Le régime de la vérité permet la tolérance: "La mauvaise opinion nourrie aujourd'hui à l'idée de tolérance provient justement du fait que tolérer veut dire accepter celui qui a tort - et nos contemporains voudraient que personne n'ait tort, ils voudraient précisément le syncrétisme."

- "En rendant possible la tolérance, le régime de vérité ouvre la voie à la fois à la liberté personnelle (affranchissement de l'arbitraire du puissant) et à la dignité personnelle (reconnaissance par la tolérance)."

- L'espérance donne un sens à la vie et "le temps fléché" ("moins une flèche qu'une spirale, qui tourne sur elle-même tout en s'élevant") en est le vecteur: "Ilfaut comprendre que si le monde est mauvais par notre faute, et non par destin, non par karma, alors par notre volonté propre nous pouvons l'améliorer."

- L'homme doit respecter les autres hommes, non pas parce qu'il les respecte sincèrement ou qu'ils le méritent, mais parce qu'ils ont une "dignité spécifique".

A un moment donné, Jon Ferguson dit encore: "Ne se peut-il pas que plus on aime l'humanité dans sa globalité, moins on l'aime en particulier?". Il se pose cette question parce qu'il se demande pourquoi il apprécie vraiment si peu d'hommes-bêtes. Je ne me demande pas pourquoi, à l'inverse, je n'aime pas globalement l'humanité - sans doute ma réticence instinctive au collectif - mais aime les personnes en particulier, dans leur singularité.

Alors que tout semble nous séparer, pourquoi apprécié-je le livre de Jon Ferguson? Parce qu'il se pose des questions, qu'il a une grande faculté d'émerveillement, qu'il raisonne, qu'il ne veut pas se bercer d'illusions, qu'il est lucide en ce sens qu'il sait qu'il ne sait pas et qu'il ne percera jamais le mystère de l'Être, qu'il exerce, malgré qu'il en ait, son libre-arbitre, et qu'ainsi il ôte "sa peau bestiale", que, ce faisant, il est bien une personne, qui, comme toute personne, est différente de toutes les autres.

Francis Richard

La Bête, Jon Ferguson, Olivier Morratel Editeur

Livre précédent de l'auteur chez le même éditeur:

La dépression de Foster (2013)

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