[Doctors 2.0] « Le e-learning s’adresse aux patients au-delà de la prévention »

Publié le 29 avril 2015 par Pnordey @latelier

À travers plusieurs programmes de e-learning, le docteur Aniruddha Malpani met à l’honneur les contributions des patients. Notamment dans le but d’améliorer la relation soignants/soignés.

Pionnier dans l’introduction du e-learning dans le domaine de la santé, l’Indien Aniruddha Malpani fait le point sur la relation médecin/patient à l’aune de la télémédecine. Futur intervenant du Doctors 2.0 de Paris en juin, il est notamment le fondateur de la plus grande bibliothèque gratuite pour éduquer les patients : HELP (Health Education Library for People). Sur son site figurent également de nombreuses vidéos et dessins animés pour sensibiliser les internautes sur les problématiques de santé.

L’Atelier : Vous avez développé plusieurs programmes de e-learning appliqués à la santé, à quels enjeux répondent-ils du point de vue du patient ?

Dr Malpani : Traditionnellement la plupart gens voient le e-learning comme un moyen pour les médecins de communiquer et de s’informer sur les dernières découvertes et avancées. Seulement le nombre de patients est bien plus élevé que celui de docteurs. Dans les pays en voie de développement, il y a même un manque de médecins. Malgré cela, les populations sont avides d’informations en matière de santé. D’où l’intérêt d’utiliser le net pour communiquer : le coût est moindre et la bonne information atteint la bonne personne très vite. Sans oublier que de nombreuses personnes sont encore illettrées. En conséquence, les vidéos offrent une solution des plus aisées.

Mais le e-learning ne s’adresse pas uniquement à la prévention. Un patient sous traitement peut vérifier la posologie et ses médicaments par exemple. Et si les informations qu’il réunit sont conformes à celles de son docteur, la confiance est plus grande vis-à-vis des professionnels de santé. Le patient interagit quant à lui plus intelligemment avec le médecin puisqu’il s’est renseigné avant.

La bande dessinée sert aussi de moyen d'information sur le site du Dr Malpani

Au-delà des vidéos mentionnées, plusieurs programmes mettent en avant les patients comme créateurs du contenu. Et notamment votre Health Library. Comment articuler les contributions des professionnels et celles des patients ?

Un contenu créé par les patients pour les patients génère plus de confiance. Cela étant, ces mêmes patients sont souvent réticents à produire du contenu : ils ne se sentent pas expert. D’où la nécessité pour les professionnels de commencer les débats et des pistes de réflexions. Ensuite, les internautes contribuent plus facilement et ils ont bien plus d’impact.

En effet, il y a toujours un fossé entre médecins et patients. Ces derniers pensent que leurs questions sont stupides et n’osent pas toujours les poser aux docteurs. De plus, ils voient les professionnels de la santé comme des personnages froids, sans émotions. De fait, un patient ne se résume pas à son seul passage à l’hôpital et les médecins ne peuvent répondre à toutes les questions liées à la santé. Ainsi, en tant que spécialiste de l’infertilité,  je possède un grand nombre de connaissances médicales mais une grande partie des problèmes liés à l’infertilité tient aux émotions. Comment faire face à ce type de problèmes ? Pour les docteurs cela n’est pas facile. En revanche du point de vue des patients cela paraît beaucoup plus aisé.

La Health Library du Dr Malpany mélange les contributions d’experts et celles des patients.

Dès lors qu’il est généré par les patients, comment modérer le contenu ?

Si d’un côté les patients ne se sentent pas experts, de l’autre, ils ont eux-mêmes peur d’apprendre d’autres patients. En conséquence, avant de contribuer, les internautes vont s’éduquer. Ils voudront apprendre depuis les bases pour être sûrs de ce qu’ils disent et faire en sorte d’être clairs. Les médecins de leur côté n’ont pas cette attitude, ils ont tendance à utiliser leur jargon. Au finale, le patient rend l’information plus claire.

Quels ont été les défis auxquels vous avez été confronté pour développer des programmes de e-learning dans la santé ?

Le e-learning est un domaine compliqué en lui-même. Il y a un grand nombre d’enjeux sur comment on délivre le message, comment appréhender les retours des utilisateurs, etc. Les médecins ne sont pas familiers de ce type de problématiques. Nous avons dû apprendre. Mais comme l’on est sur du numérique, il reste facile de modifier, recréer, changer notre approche en fonction de nos erreurs. En fait les médecins apprennent deux choses avec ce type de programme. D’une part ils se familiarisent avec l’enseignement (ce à quoi ils ne sont pas nécessairement formés) et d’autre part – au-delà des connaissances médicales – ils apprennent à être plus en empathie avec le patient. Le médecin peut ainsi voir les choses à travers les yeux du patient.