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417ème semaine politique: Hollande contre le PS, Le Pen contre ses démons.

Publié le 02 mai 2015 par Juan

Hollande fête ses trois ans à l'Elysée, vigilant mais optimiste. Marine Le Pen subit l'un des plus gros ratages de communication depuis son irrésistible ascension vers les sommets du pouvoir. 

Et Nicolas Sarkozy est en vacances au cap Nègre.


Hollande, petit Mitterrand.
François Hollande est à quelques jours de son troisième anniversaire à l'Elysée. Il termine la semaine dans les émirats. Les ventes de Rafales se succèdent. Voici le Qatar qui en prend 24. Quelles contreparties politiques ou diplomatiques cette bonne affaire commerciale aura-t-elle pour le pays ? On n'en parle plus. 
Jeudi, Hollande avait tranché: "J’ai pris ces décisions comme chef des armées, dans un contexte budgétaire que chacun connaît ". D'un coup, il s'est placé en chef de guerre. Et il écrase ses critiques de l'intérieur, de gauche comme de droite. En visite à Brest, où une quarantaine de CRS locaux s'étaient soudainement fait porté pâle, le président français débloque près de 4 milliards d'euros pour la Défense nationale. Depuis quelques semaines, le débat faisait rage, Michel Sapin contre Jean-Yves Le Drian, la rigueur budgétaire contre l'effort de défense. Même la surveillance anti-terroriste, qui mobilise quelque 7.000 policiers et gendarmes supplémentaires, est maintenue.
Diplomatie, défense nationale, gros contrats et lutte contre le terrorisme, Hollande fête ses trois ans à l'Elysée sans les soucis de "présidentialité" de son prédécesseur. On se souvient en effet des efforts de Sarkozy à se "présidentialiser" pendant les deux dernières années de son quinquennat, de prises de distance multiples en déplacements thématiques, il chercha à se forger l'image d'un chef d'Etat, au-dessus des partis et courageux dans la tempête économico-financière qui frappait le monde depuis l'automne 2008. Il n'y parvint pas, mais il y travailla beaucoup. Il s'agissait de faire oublier ses dérapages Bling Bling, son exhibitionnisme volontaire, sa grossièreté agitée qui embarrassait dans les sommets internationaux. Sarkozy ne faisait pas président mais chef de clan. Hollande est président, mais n'a plus de clan. En peu de temps et quelques crises gravissimes, Hollande s'est figé en Mitterrand, il s'est satellisé au-dessus de nos têtes, ultra-présidentiel et totalement déconnecté. Mais il a perdu le soutien d'un parti, le sien.
Mitterrand avait un destin européen, main dans la main avec Helmut Kohl et résistant contre l'ineffable Thatcher. Hollande est un spectateur de l'impuissance politique européenne, le passager silencieux de la dévitalisation politique de l'UE par le gouvernement Merkel. Il suit, docile, les attaques de l'euro-group contre la Grèce; il pleure, impuissant, les naufrages meurtriers des bateaux de migrants dans la Méditerranée. Tout juste Hollande est-il actif en Ukraine.
Mitterrand avait réussi à faire le vide politique autour de lui. Hollande y travaille merveilleusement bien. Il divorce de l'opposition de gauche, trop faible pour exister seule. Il se réjouit même des progrès de Sarkozy à droite, qui reste un épouvantail politique idéal.
Hollande fête ses trois ans à l'Elysée. Nicolas Sarkozy souffle la troisième bougie de son licenciement. Les juges ont recueilli quelques nouveaux témoignages sur sa fraude au financement politique en 2012. L'ancien monarque est au Cap Nègre. Il tente de convaincre jusqu'à l'UMP que "les Républicains" est un chouette nom pour la reconquête. On entend Roger Karoutchi, sénateur UMP du fief des Hauts-de-Seine, s'envoler dans les arguments: "'Les Républicains' seront comme les soldats de l'an II, ceux qui porteront des idées fortes, pour la remettre à sa vraie place." Ces nouveaux soldats de l'an II tiendront-ils congrès au Fouquet's ?
Marine Le Pen avait tenté, non sans un relatif succès, de faire une OPA sur la laïcité pour mieux normaliser ses outrances xénophobes. Sarkozy suit la même tactique, cette fois-ci sur la République elle-même.
Cette course à l'échalote surprend peu.
L'abandon du Parti socialiste
Le Parti socialiste entame la dernière ligne droite vers son congrès prévu début juin. Trois motions principales s'affrontent, pour trois visions qui sont autant de nuances au sein d'un parti dévitalisé par la pratique du pouvoir de François Hollande. Il y a les frondeurs (motion B), les critiques (motion C), les "quasi- frondeurs" (motion D) et les fidèles (motion A). Bizarrement, la critique Martine Aubry a rejoint la motion de la direction aux côtés des "réformateurs", les plus à droite du parti, politiquement perdus entre Modem et UDI; les plus frondeurs comptent d'anciens ministres- Benoit Hamon, Aurélie Filippetti; les moins frondeurs semblent les seuls à espérer la victoire en 2017.
Tout porte à croire que pour les caciques de l'actuelle équipe aux commandes, le Grand Scrutin de 2017 est déjà perdu et François Hollande une parenthèse qui se refermera bientôt. Le texte de la direction appelle au "renouveau des socialistes par la réussite gouvernementale". Soit l'enterrement par l'échec vallsien.
Il y a trois raisons au moins pour croire à cette démission programmée des dirigeants du premier parti de la gauche. Primo, les échecs politiques successifs de Hollande depuis 2012 ne donnent aucune raison d'espérer une victoire facile. Toutes les élections intermédiaires ont été perdues; les alliés écologistes ont disparu. La gauche gouvernementale s'est aliénée la gauche d'opposition. Les mouvements de girouette incessants ont fini par donner le tournis, ou la nausée. Secundo, un quinquennat est trop court pour achever la recomposition politique du pays. Le centre-droit a préféré se jeter dans les bras de l'UMP dirigée et digérée par Nicolas Sarkozy. Certains hiérarques socialistes attendent que ce centre divorce de cette ex-droite forte et furibarde. Mais ce divorce est peu prévisible dans les deux années à venir.
Tertio, quelques-uns de ses leaders socialistes sont encore jeunes, du moins dans l'échelle temporelle de notre vie politique nationale. Manuel Valls en tête, et nombre de ministres quinqua ou quadra de l'équipe gouvernementale pensent avoir du temps devant eux. Pourquoi laisser Hollande l'emporter en 2017 ? 
Cette démission programmée est aussi suicidaire que le pari présidentiel d'un duel PS/FN au second tour de 2017 est risqué et cynique. Dans les deux cas,  les stratégies d'alliances sont négligées, le pays est oublié, la politique abîmée.
Ratage frontiste devant Jeanne d'Arc
Premier mai oblige, le FN a dressé son habituelle estrade à proximité de la statue de Jeanne d'Arc, à Paris. Jeanne est aussi, et surtout, le nom du micro-parti de Marine Le Pen par lequel transite toutes sortes de dons et de facturations de frais de campagne sur lesquels deux juges enquêtent désormais. Trois proches de la présidente du FN ont été mis en examen.
Ce 1er mai est raté, il fait moche. Marine se fait surprendre par Jean-Marie. Le patriarche, qui attend toujours son exclusion du FN après ses propos pétainistes, est arrivé par surprise sur l'estrade, coupant le discours de sa fille, un manteau rouge sur le dos. A côté, Marine Le Pen grimaçait.
Quelques minutes plus tard, trois FEMEN font le salut nazi au cri de "Heil Le Pen" sur un balcon voisin. On entend une militante frontiste crier "sale nègresse de merde !". Et un autre leur souhaite d'être violée. Le FN a la rancune rapidement ordurière. Trois membres du service d'ordre frontiste déboulent et cognent les 3 perturbatrices. L'un d'entre eux lève le bras d'un salut ambigüe. Ils sont ensuite arrêtés à leur tour par la police. Dans la rue, des journalistes sont aussi cognés par des militants frontistes.
Au défilé du FN, @sychazot en insider. Ambiance... pic.twitter.com/9oySRxN2gv — Ivan Valerio (@ivalerio) 1 Mai 2015

Le FN est un parti qui répond à la critique par la violence physique.
La faute du Monde
Le 25 avril 2015, un tremblement de terre surpuissant dévaste le Népal. Des centaines de touristes, de smilliers de morts. Et forcément YouTube, Twitter et nos chaînes d'information emballées pour partager ce drame humain. Comme pour toute catastrophe naturelle dans un pays pauvre, quelques micro-polémiques naissent assez vite sur la disproportion des secours engagés pour les touristes assurés.
La veille, une fillette échappe à la mort mais pas au viol. L'actualité sait être détestable à répétition. Un homme est rapidement arrêté, confondu par son ADN retrouvé sur les vêtements de la fillette kidnappée. Son visage, émacié et abîmé par un strabisme divergeant, est placardé sur tous les écrans comme dans un mauvais feuilleton.

La civilisation de l'image n'a plus aucune de retenue.
Jeudi, un quotidien du soir consacre sa première page aux "Jupes longues musulmanes, nouvelle fracture à l'école". En cause, un fait divers dans les Ardennes où une collégienne non-voilée a été interdite d'établissement à cause d'une jupe jugée trop longue. Pour justifier son délire paranoïaque, Le Monde explique que ce cas n'est pas isolé, il y en aurait une centaine par an. Résumons la situation: la France compte plus de 5 millions d'élèves au collège et au lycée. Un collectif recense une centaine de cas de "jupes trop longues pour être laïques". Et voici que le Monde s'autorise à qualifier le problème de "nouvelle fracture à l'école".  Et après ? Faut-il s'attendre à des dossiers sur le port des sandales, ou la couleur des maillots ?
Qu'un journal dit de référence se fracture ainsi sous nos yeux est saisissant, et symptomatique d'une période où les repères se brouillent.
On invente des débats qui n'existent pas.
Que celui qui touche le fond prévienne les autres. pic.twitter.com/yhJVBHzVxU — Juan (@Sarkofrance) April 30, 2015

Ami citoyen, bon courage.


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