Chez le coiffeur (1) : Tif’errance
D’ordinaire, je déteste aller chez le coiffeur. Je n’aime pas les jeux de mots ringards des noms des salons à coup de tif ou de hair, l’odeur de produits chimiques, le carrelage au sol, la musique aux basses trop fortes, les conversations sur le temps, et surtout l’angoisse de repartir encore plus mal coiffée qu’à l’arrivée. S’y greffe l’impression de manquer de mots pour décrire ce que je souhaite pour ma chevelure, avec la croyance d’une co-responsabilité dans le fiasco capillaire, bien que persiste toujours un maigre espoir que cette fois sera la bonne : je serai entendue, comprise et sortirai de ce maudit fauteuil avec la coiffure de mes rêves. Parfois, ça ne commence pas mal, mais les ciseaux s’affairent, on s’empare d’un rasoir et je me mets à penser à la déforestation sauvage. Le séchage et le gel aggravent généralement encore un peu la situation. Inévitablement, après avoir hypocritement opiné du chef alors qu’on me montre par un jeu de miroirs l’arrière de mon crâne, après avoir signé le chèque et salué à la cantonade avec un air faussement satisfait, je me retrouve dans la rue avec mon brushing méga volume et chaque vitrine est l’occasion de vérifier que je porte bien ce qui ressemble à un reste de fougère ornementale sur ma tête. Il devient alors indispensable de ne surtout croiser personne de ma connaissance avant d’avoir pu passer ma tête sous mon robinet et de m’être lamentée seule devant ma glace pour quelques instants dans ce qui peut être considéré comme un rituel d’exorcisme avec conjurations du type : « Je ne retournerai JAMAIS chez le coiffeur ».
Stéphanie Gernet