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A l’instant même où je la vis

Par Vertuchou

A l’instant même où je la vis, je devins amoureux de sa timidité, une timidité unique,

inoubliable, qui lui prêtait l’apparence d’une vestale épuisée au service

d’un dieu clandestin ou alors d’une mystique ravagée par la nostalgie

ou l’abus de l’extase, à jamais inapte à réintégrer les évidences ! […]

Qui sait déchiffrer les visages lisait aisément dans le sien qu’elle n’était pas

condamnée à durer, que le cauchemar des années lui serait épargné.

Vivante, elle semblait si peu complice de la vie, qu’on ne pouvait la regarder

sans penser qu’on ne la reverrait jamais. L’adieu était le signe et la loi de sa nature,

l’éclat de sa prédestination, la marque de son passage sur terre ;

aussi le portait-elle comme un nimbe, non point par indiscrétion,

mais par solidarité avec l’invisible.

— Emil Cioran, Exercices d’admiration


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