Abondante dans notre Système solaire et ailleurs, l’eau s’est vraisemblablement formée il y a plusieurs milliards d’années lorsque le cosmos a commencé à s’enrichir en oxygène. Une récente étude suggère que les conditions furent favorables dès le premier milliard d’années de l’Univers.
Bien que surnommée la Planète bleue, car recouverte à plus de 70 % d’eau, la Terre n’en est pas pour autant remplie et d’ailleurs, proportionnellement à sa taille et à sa masse, elle est loin d’être l’astre qui en détient le plus. Cérès, par exemple, dont l’exploration scientifique par la sonde Dawn vient de commencer, en contient de grande quantité (au moins 25 % de sa masse selon les estimations). Idem avec Europe, autour de Jupiter, qui ne manque pas d’étonner, car elle est plus petite que la Terre et contient pourtant plus d’eau (voir illustration ici) !
En réalité, et contrairement aux idées reçues qui imaginent volontiers notre Planète comme seul et unique point d’eau (une oasis) dans le désert galactique, cette molécule est partout et abondante. Ne serait-ce que dans notre Système solaire, les corps qui en possèdent sont nombreux : Mars (il y en avait plus encore il y a 4 milliards d’années), Europe, Ganymède, Callisto, Encelade, etc. (voir graphique de la Nasa ici). Énormément aussi, au-delà de Neptune, au sein des comètes, des planètes naines comme Pluton, voire aussi dans les astéroïdes comme le suggèrent certaines observations… Bien entendu, l’eau ne s’est pas exclusivement accumulée autour de notre Soleil, par conséquent chaque étoile de la galaxie et chaque système planétaire en détiennent… Voilà qui décuple les possibilités de trouver un jour de la vie ailleurs : « Je pense que nous allons avoir des indications fortes que de la vie existe au-delà de la Terre d’ici une décennie et que nous en aurons des preuves définitives dans 20 à 30 ans » déclarait à ce propos, il y a quelques semaines, dans un communiqué de presse de la Nasa, Ellen Stofan, directrice scientifique à l’agence spatiale. Mais au fait, d’où vient toute cette eau ?
Pour chaque gorgée de ce précieux liquide (l’eau douce accessible ne compte que pour % de l’ensemble) que nous buvons tous, songez que l’hydrogène et l’oxygène qui la compose furent créés voici plusieurs milliards d’années. Pour le premier, quelques instants après le Big Bang, il y a 13,8 milliards d’années et pour le second, un peu plus tard… Enfin, c’est sujet à débat, car il est encore difficile de préciser la date. La production de l’oxygène ayant débuté avec la première génération d’étoiles, plusieurs centaines de millions d’années — voire quelques milliards d’années — furent donc nécessaires pour que, dispersée, son abondance dans la galaxie soit significative et permette l’avènement de l’eau (sous forme de glace et de vapeur) dans les nuages de gaz et de poussières où se forment les étoiles (et autour d’elles, les planètes).
Exemple d’un « globule de Bok » photographié par Hubble au sein de la nébuleuse NGC 281. Selon une étude, un milliard d’années après le Big Bang, ce type de « poche » sombre de gaz et de poussières pouvaient déjà contenir de la vapeur d’eau en grande quantité, même si il y avait 1.000 fois moins d’oxygène qu’aujourd’hui
Une équipe de chercheurs qui a réfléchi à la question estime qu’un milliard d’années environ après le Big Bang, les conditions pouvaient déjà être favorables à l’apparition de l’eau. Les premières étoiles étaient vraisemblablement très massives et ne vivaient pas très longtemps. Aussi l’oxygène qu’elles ont synthétisé et dispersé (éjecté aussi lors de leur explosion) vint-il enrichir plusieurs poches de gaz encore pauvre en éléments plus lourds que l’hydrogène et l’hélium. Pour les chercheurs, puisqu’à cette période l’Univers était plus dense et plus chaud, de l’eau sous sa forme gazeuse a pu se former à une température de 300 K, soit environ 26,6 °C. « Nous avons examiné la chimie au sein de jeunes nuages moléculaires qui contiennent 1.000 fois moins d’oxygène que notre Soleil (né il y a 4,6 milliards d’années, NDLR) », explique Avi Loeb (Harvard-Smithsonian Center for Astrophysics, CfA), coauteur de cette étude publiée dans Astrophysical Journal Letters (disponible sur arXiv), et « à notre grande surprise, nous avons trouvé que l’on peut obtenir autant de vapeur d’eau que l’on peut en observé (actuellement) dans notre propre Galaxie. »
En outre, en dépit des rayonnements ultraviole(n)t des jeunes étoiles qui cassent massivement les molécules, une production soutenue a pu tout à fait contrebalancer, au fil de plusieurs centaines de millions d’années, la dégradation, affichant ainsi un équilibre comparable à celui qui est observé aujourd’hui dans l’Univers local. « Vous pouvez accumuler des quantités d’eau importante à l’état gazeux, même sans un gros enrichissement en élément lourd » souligne Shmuel Bialy (université de Tel-Aviv) qui a dirigé l’équipe. Vitale pour nous, cette molécule que l’on côtoie chaque jour a presque un goût d’éternité.