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Quinquennat Hollande : plus que deux ans ?

Publié le 06 mai 2015 par Sylvainrakotoarison

Déjà trois ans à l'Élysée... ou encore deux ans !
Quinquennat Hollande : plus que deux ans ?
Ce mercredi 6 mai 2015, François Hollande peut célébrer le troisième anniversaire de son élection à la Présidence de la République. Il a raison de garder un petit sourire en coin : de tous ses adversaires qui se moquent de lui, de son indécision, de sa mollesse, il a triomphé, et ils ne sont pas nombreux d'une même génération à avoir triomphé. Il a déjà largement entamé sa seconde moitié de quinquennat et la perspective de l'élection présidentielle de 2017 se profile à la vitesse d'un oiseau de proie.
Il est évidemment bien trop tôt pour faire un bilan de ce quinquennat si ce n'est qu'il est déjà considéré par la plupart des sondés comme le plus mauvais de tous les temps en battant régulièrement les records d'impopularité. Le principal indicateur de ce quinquennat et de cet échec, ce sont les statistiques du chômage, dont les dernières, publiées le 27 avril 2015, ont révélé la poursuite catastrophique de la hausse avec 15 000 demandeurs d'emploi supplémentaires en un mois, soit le seuil de 3,5 millions franchi pour les seuls demandeurs de catégorie A (en France métropolitaine) alors qu'il faudrait considérer l'ensemble des personnes qui cherchent un emploi stable et durable, à savoir 6,3 millions de personnes (y compris la France d'outemer).
Quinquennat Hollande : plus que deux ans ?
Cela n'empêche néanmoins personne de se projeter dès maintenant vers l'élection de 2017 et par rapport au début du quinquennat, seule, une personnalité semble avoir renoncé à cette échéance, à savoir Jean-François Copé, pour des raisons visiblement indépendantes de sa volonté. Mais les autres sont déjà bien tous là, dans les starting-blocks.
1. À gauche
La gauche de la gauche a été complètement laminée depuis le début du quinquennat de François Hollande. Autant le Front de gauche de Jean-Luc Mélenchon que les écologistes de Cécile Duflot. Le premier a soutenu inconditionnellement la candidature de François Hollande au second tour tandis que les seconds ont même participé au gouvernement pendant les deux premières années. S'opposer au PS alors qu'ils ont été les supplétifs indispensables à la victoire paraît donc peu cohérent, et cela explique le vide électoral laissé à la gauche du PS.
L'opposition aurait donc pu s'organiser à l'intérieur même du PS, et il faudra observer de façon très attentive le déroulement du congrès du PS à Poitiers dans quelques semaines. Mais la décision de Martine Aubry de rejoindre la motion majoritaire et le débauchage dans le privé de l'ancien ministre Arnaud Montebourg ont définitivement achevé toute hypothèse d'un noyau dur "frondeur" s'opposant à François Hollande (certains évoquent d'ailleurs des postes ministériels pour les courageux "frondeurs" du printemps).
Quinquennat Hollande : plus que deux ans ?
En clair, le Premier Ministre Manuel Valls a raison lorsqu'il se tue à dire qu'il est le seul, avec François Hollande, à pouvoir mener la gauche à la victoire. Il avait consciencieusement fait le ménage auparavant. 2015 sera sans doute trop tôt pour son objectif de transformer le Parti socialiste en un parti réellement social-démocrate, quand je dis réellement, en fait, il l'est déjà, mais au moins assumé dans sa communication car actuellement, le gouvernement socialiste voudrait dire à gauche et voudrait faire à droite, mais en fait, il ne fait rien (à part une loi que même une droite musclée n'aurait jamais osé soumettre au Parlement et qui a été adoptée en première lecture ce 5 mai 2015 par une majorité de gauche), la loi Macron reste très marginale, et il dit trop mal pour être sincère, si bien que son impopularité provient des deux maladresses congénitales du quinquennat hollandien : s'éloigner de la gauche sans se rapprocher du centre et de la droite.
Manuel Valls a donc toutes les clefs pour devenir incontournable dans les prochaines élections présidentielles, mais probablement pas en 2017 car la Ve République étant ce qu'elle est, il est peu imaginable que François Hollande, quelle que soit la situation dans laquelle il aura laissé la France à la fin de son mandat, renoncerait à une nouvelle candidature pour sa réélection. D'autant plus que vont aller dans le même sens son optimisme légendaire (il serait capable de croire encore à une "inversion" du chômage en fin mars 2017 !) et le narcissisme attribuable à chaque locataire de l'Élysée qui laisserait croire qu'il est de toute façon le meilleur (la cour aide à se convaincre).
François Hollande croit en sa réélection comme Nicolas Sarkozy a cru en sa réélection en 2012. Mais ni l'un ni l'autre n'ont tort dans ce domaine. Le rattrapage de Nicolas Sarkozy en 2012 aurait très bien pu inverser le résultat si, par exemple, il s'était gardé d'annoncer une forte hausse de la TVA trois mois avant l'élection ! Et François Hollande se dit qu'il suffirait de se retrouver au second tour face à Marine Le Pen pour gagner sans trop d'inquiétude (penser cela est pourtant, à mon avis, une grossière erreur).
Pour cela, François Hollande doit, d'une part, rassembler toute la gauche dès le premier tour en dissuadant toutes les candidatures à sa gauche (chez les communistes et les écologistes) et, d'autre part, favoriser l'échec dès le premier tour de la droite et du centre, or, le meilleur moyen de le favoriser, c'est de privilégier la candidature de Nicolas Sarkozy.
2. L'UMP
Justement, Nicolas Sarkozy a réussi là où on l'attendait peu : comme chef de parti. Depuis décembre 2014, Nicolas Sarkozy a réussi à faire taire (du moins publiquement) toutes les divisions et à gagner les élections départementales de mars 2015. Ses nombreux meetings électoraux montrent qu'il a fait le job, comme il a l'habitude de dire.
Mais deux décisions majeures ont été prises par le bureau politique de l'UMP après les élections départementales, et sont comme deux victoires déterminantes pour Nicolas Sarkozy.
La première, le 7 avril 2015, est le calendrier de la primaire ouverte de l'UMP pour la présidentielle. Le premier tour aura lieu le 20 novembre 2016 et l'éventuel second tour aura lieu le 27 novembre 2016. Il est clair qu'un tel calendrier favorise Nicolas Sarkozy, "animal de campagne" inégalé dans son camp.
La campagne de la primaire commencera forcément après les vacances estivales et durera donc longtemps, trois mois. Une durée longue qui sera plus difficile à assurer pour Alain Juppé, moins habitué aux préaux d'école. De plus, Alain Juppé pourrait se retrouver dans le même créneau électoral à la primaire que des personnes de la jeune génération, comme Bruno Le Maire et Xavier Bertrand.
La seconde, le 14 avril 2015, est le changement d'appellation de l'UMP qui deviendrait ..."Les Républicains", déjà évoqué par Nicolas Sarkozy dans son discours du 7 novembre 2014 à Paris (la décision a été ratifiée par le bureau le 5 mai 2015). Là encore, la référence aux Républicains fait partie de la campagne que souhaite mener Nicolas Sarkozy tant durant l'élection présidentielle elle-même que durant la primaire.
Dans "Telos", Jérôme Jaffré a publié le 4 mai 2015 une excellente analyse sur le choix de cette nouvelle appellation : " Il s'agit de mettre en scène l'idée d'une République menacée dans son modèle et ses principes et d'un nouveau parti qui sera à la pointe du combat pour les défendre. ". Pour Jérôme Jaffré, ce thème général de campagne a trois objectifs : faire la différence avec Alain Juppé soupçonné de naïveté et de mollesse avec son "identité heureuse" (à la primaire) ; batailler fermement contre la gauche au pouvoir sur la laïcité, sur les allocations familiales, sur l'école et la place du mérite (au premier tour) ; enfin, s'opposer au Front national pour rassembler tous les partisans des valeurs républicaines (au second tour) comme en 2002.
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Alain Juppé a cependant quelques atouts pour l'élection présidentielle : une forte popularité qui est toujours utile quand il faut rassembler des électeurs de courants différents, et un capacité à apaiser le débat public qui est aujourd'hui d'un assez bas niveau.
Même si elle est encore assez faible dans les sondages, il ne faut pas négliger trop vite la candidature de François Fillon qui reste très solide. D'une part, il est celui qui travaille le plus en profondeur sur un projet politique depuis février 2013, avec les nombreuses contributions thématiques de son club Force républicaine. D'autre part, sa cote de popularité grimpe certes lentement mais durablement depuis novembre 2014 et il semblerait même que ses relations avec Nicolas Sarkozy soient meilleures depuis quelques mois.
François Fillon a un double avantage, qui est sa détermination à aller jusqu'au bout, sans que des événements extérieurs (par exemple judiciaires) puissent stopper sa démarche, et son dynamisme combatif dont il a fait preuve notamment lors de son affrontement avec Jean-François Copé en automne 2012.
3. Les centristes
Depuis le retrait de Jean-Louis Borloo en avril 2014, il n'y a que la candidature de François Bayrou qui pourrait être considérée comme sérieuse chez les centristes. Mais justement, François Bayrou soutient la démarche d'Alain Juppé.
On voit encore ici toute la subtilité sarkozyenne du calendrier de la primaire de l'UMP. Si Alain Juppé était investi à l'issue de la primaire, nul doute que les centristes, qu'ils aient officiellement participé ou pas à la primaire, le soutiendraient sans hésitation dès le premier tour de l'élection présidentielle. Mais si en revanche, Nicolas Sarkozy était désigné, François Bayrou se sentirait libre de se présenter à nouveau. Mais il ne le saurait qu'en fin novembre, ce qui serait évidemment trop tard pour entamer une démarche de candidature (recherche de parrainages, définition du projet présidentiel, recherche de financement, etc.) qui devrait démarrer plutôt à la fin de l'été 2016.
Donc, les centristes, qu'ils soient du MoDem ou de l'UDI, se retrouvent dans un choix particulièrement délicat à faire. Le président de l'UDI, Jean-Christophe Lagarde, a d'ailleurs clairement indiqué que le choix de l'UDI serait décidé par l'ensemble de ses adhérents, et pas seulement par un ou plusieurs responsables nationaux qui sont d'ailleurs assez discordants sur le sujet.
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Hervé Morin, par exemple, voudrait que l'UDI participe pleinement à la primaire ouverte de l'UMP, un peu à l'instar du PRG à la primaire du PS en 2011, et ne serait pas opposé à un soutien à Nicolas Sarkozy dès le premier tour de l'élection présidentielle, et cela malgré un livre récent qui avait critiqué ouvertement l'ancien Président de la République. Peut-être sa candidature régionale en Normandie y est pour quelque chose. Au contraire, Rama Yade voudrait un candidat centriste dans tous les cas au premier tour de l'élection présidentielle de 2017.
Avec le fort potentiel du FN, il pourrait être en effet judicieux que l'UMP et les centristes se présentent unis dès le premier tour de la présidentielle, si ceux-ci sont convaincus de vouloir ensuite gouverner ensemble, une fois élus. Mais si l'UDI proposait un candidat à la primaire, elle mettrait encore plus en difficulté la candidature d'Alain Juppé sans pour autant espérer plus que si elle n'y participait pas.
Ils peuvent aussi considérer que la désignation de Nicolas Sarkozy ne ferait aucun doute et qu'il vaudrait mieux avoir une candidature de témoignage, à l'évidence, celle de Jean-Christophe Lagarde, qui serait un moyen de présenter le projet national des centristes et de médiatiser un peu plus leur leader, dans un objectif présidentiel ultérieur, un peu à l'instar de la candidature de François Bayrou en 2002. Une telle stratégie comporterait cependant un grand risque politique, celui de se retrouver avec un second tour PS contre FN.
4. Le FN
La candidature de Marine Le Pen ne fait évidemment aucun doute pour 2017. Tous les sondages depuis l'automne 2014 prédisent même qu'elle serait qualifiée au second tour. La déconvenue des élections départementales montre cependant les limites de cette ascension et rappelle que rien n'est joué.
Or, se joue depuis un mois un véritable drame politico-psychologique et jamais on ne pourrait mieux parler que dans ce cas-là de "tuer le père". Après l'interview donnée au "Rivarol" le 8 avril 2015, Jean-Marie Le Pen a été convoqué à un bureau disciplinaire ce lundi 4 mai 2015. L'objectif de Marine Le Pen, c'est que son père ne parle plus au nom du Front national. Ce qui est assez fort de café pour le fondateur de ce parti ! L'autre objectif qui a été atteint très rapidement, c'était que Jean-Marie Le Pen ne fût plus le candidat tête de liste aux régionales en Provence-Alpes-Côte d'Azur. Marion Maréchal-Le Pen semble avoir pris le relais du grand-père dès maintenant, même si la perspective d'un conflit familial durable l'a fait de plus en plus hésiter : " Je ne souhaite pas être prise en otage par Jean-Marie Le Pen. " ("Le Figaro" du 5 mai 2015).
Jean-Marie Le Pen a finalement refusé de venir défendre sa cause, et le bureau exécutif a donc suspendu la qualité de membre du père fondateur, en d'autres termes, l'a exclu carrément de son propre parti, ce qui est assez exceptionnel dans l'histoire politique. Mais comme sa qualité de président d'honneur est inscrite dans les statuts, une assemblée générale extraordinaire a été convoquée pour modifier cette formulation.
Quinquennat Hollande : plus que deux ans ?
L'éloignement de Jean-Marie Le Pen du FN signe finalement la victoire "posthume" de la stratégie de Bruno Mégret en fin 1998 : celle de vouloir prendre le pouvoir et d'y mettre les moyens en communication. Bref, de présenter une devanture savamment attractive et ne plus faire peur l'honnête "ménagère de moins de 50 ans" !
Sur Europe 1 le 5 mai 2015, le lendemain de son exclusion du FN, Jean-Marie Le Pen a même donné une consigne stupéfiante pour l'élection présidentielle de 2017 : il ne souhaite pas la victoire de sa fille à l'Élysée " pour l'instant, non ". Et d'argumenter (il doit quand même être bien placé pour en parler) : " Si de tels principes moraux devaient présider à l'État français, ce serait scandaleux ! ". C'est sûr que Marine Le Pen aura du mal à convaincre sur une éventuelle politique familiale qu'elle prônerait. "Tuer" le père pour sa soif d'arriver en politique, c'est "certainement" faire preuve d'un grand sens moral et d'un grand esprit de famille. L'octogénaire va donc concentrer ses forces (et son argent) contre sa fille : " Je suis dur, encore plus dur que ça, ça ne fait que commencer, pour eux. " (5 mai 2015).
Cette guerre familiale (qui n'est qu'un énième épisode, il y en a eu plein d'autres avec la première femme qui s'est séparée, la fille aînée qui avait suivi Bruno Mégret, etc. et je ne doute pas qu'un jour, Marine Le Pen trouvera sur son chemin Marion Maréchal-Le Pen visiblement très appréciée par la base) montre en tout cas toute la faiblesse de ce parti népotique d'extrême droite qui essaie de racoler des électeurs d'extrême gauche.
Au-delà de l'absence évidente de programme économique (il suffit de remarquer les différentes incohérences que souligne le mieux le gouvernement grec actuel), le FN fait complètement partie du "système", comme une véritable entreprise, très lucrative, empochant chaque jour plus de 8 000 euros d'argent public en plus des indemnités et des frais pour les collaborateurs des élus européens (environ 20 000 euros par mois et par élu). Non seulement un parti du "système", mais pas plus "moral" que les autres depuis qu'on sait que des millions d'euros en lingots d'or (l'argent le moins traçable) ont été soustraits au fisc français dans des comptes en Suisse ou dans d'autres pays étrangers (drôle de " patriotisme" où les slogans s'arrêtent aux coutures du portefeuille !).
Deux ans, rien n'est joué
Tout est possible encore en deux ans, et notamment des événements aussi exceptionnels que l'arrestation de Dominique Strauss-Kahn quelques mois avant l'échéance. Il n'est pas improbable, même si ce serait regrettable, que le match entre François Hollande et Nicolas Sarkozy en 2012 se poursuive en 2017, même si Marine Le Pen ferait tout pour le court-circuiter. Mon expérience d'observateur me ferait alors donner un léger avantage pour Nicolas Sarkozy sur François Hollande car ce dernier est au pouvoir, et les électeurs ont plutôt la mémoire courte, donc, le sortant serait plus facilement sanctionné que son prédécesseur.
Mais la désignation d'Alain Juppé à la primaire changerait considérablement la donne politique et apporterait un regain d'authenticité dans le débat politique. En effet, un second tour entre Alain Juppé et Marine Le Pen proposerait sans doute le clivage le plus réaliste de ce qui, aujourd'hui, divise le plus les Français.
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (6 mai 2015)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
François Hollande.
Manuel Valls.
Nicolas Sarkozy.
Alain Juppé.
François Fillon.
François Bayrou.
Jean-Christophe Lagarde.
Marine Le Pen.
Jean-Marie Le Pen.
Marion Maréchal-Le Pen.
Changement de paradigme.
Piège républicain.
Être républicain.
Tout est possible en 2017.
Mathématiques militantes.
Quinquennat Hollande : plus que deux ans ?
http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20150506-election-hollande.html
http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/quinquennat-hollande-plus-que-deux-166981
http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2015/05/06/32004811.html


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