Magazine Bien-être

La fourberie de la légitimité

Publié le 12 mai 2015 par Montaigu

Etoiles dans le ciel

Imaginez. Vous êtes tout feu, tout flamme. Enthousiasmé par un projet, la tête dans les étoiles, vous vous sentez prêt à franchir des montagnes, à vous y consacrer nuit et jour. Patatras, on vous balance froidement : vous n’êtes pas légitime.  Le ciel s’assombrit ! Vous êtes à nouveau la petite fille prise les doigts dans la confiture à qui on fait les gros yeux. La petite voix susurre : pour qui tu te prends ? Pour un peu, on en deviendrait neurasthénique. Car la légitimité ressemble à  un chien qui se mord la queue. Le jeune diplômé devant le recruteur qui juge qu’il n’est pas légitime parce qu’il ne présente pas toutes les conditions d’ancienneté. Normal, il est débutant. Mais le recruteur ne veut prendre aucun risque. Que faire ? On pleurniche ou on se bat. Et l’apprenti-auteur que j’étais, a choisi d’aller aux matelas  (selon l’expression du film Le Parrain).

Au travers des discussions qui m’occupaient avec cette maison d’édition, j’avais compris que je ne présentais pas  toutes les garanties, puisque novice et donc, non conforme. Cependant, d’après eux, mes idées étaient bonnes. J’entendais donc les conserver pour ne pas me les faire piquer. J’ai effectué le dépôt auprès de la SACD de tous les documents que j’avais écrit : titre, sous-titre, plan, introduction et conclusion, et je me suis débrouillée pour le leur faire savoir. J’ai fait en sorte de ne pas couper tout lien et de rester en contact. Un ou deux mois plus tard, j’ai reçu un coup de fil d’une autre personne, directrice éditoriale, me proposant une rencontre avec un journaliste, "une très bonne plume" . Pouf, pouf, pouf ! J’ai tenté de lui faire préciser ses intentions mais elle est restée très, très floue. Rendez-vous a été pris. Sa voix était trop suave et je ne me sentais pas tranquille.

Entre-temps, j’ai eu l’opportunité de raconter mes aventures à une amie, ex-dircom, qui connaissait bien le journaliste en question. Elle s’est étonnée parce qu’il était spécialiste d’économie, ayant œuvré à l’Expansion. Elle m’a demandée si je voulais me commettre dans un sujet économique ou financier. Devant ma mine déconfite, elle m’a suggérée de rencontrer un conseil éditorial, madame T. En m’expliquant en gros que cette femme faisait le boulot que les éditeurs avaient laissé tomber depuis belle lurette : s’occuper des auteurs et les accompagner dans leur écriture. Elle agissait ensuite comme agent pour leur trouver un éditeur.

Cette histoire prenait des allures de polar ! 

J’ai fait le siège de madame T.  pour obtenir un rendez-vous. A mon ton un peu oppressé, elle a eu pitié de moi et m’a reçue. Et j’ai pris un seau d’eau glacé sur la tête.

" Chère madame", m’a-t-elle dit, " je vais vous affranchir ". " Vous avez été extrêmement maltraitée, ce qui ne me surprend pas, cet éditeur étant coutumier du fait. Vous avez probablement été prise dans un conflit interne entre la direction générale qui soutenait, peu ou prou, votre projet et l’éditrice qui n’en voulait pas et a fait en sorte de faire capoter le sujet. Quelque chose que vous leur avez soumis les intéresse, mais comme tout est déposé, ils sont, a priori, coincés. Cependant vous n’êtes pas à l'abri de tout cynisme de leur part ! J’ai d’ailleurs un très bon avocat... Ce qu’ils ont en tête maintenant est très simple. Ils ont embauché un journaliste. Lors de ce rendez-vous, il vous fera le numéro de charme adéquat pour vous faire accepter ce "partenariat ". Il sera payé 5000 euros pour écrire votre livre dans un délai d’un mois. Votre nom figurera sur la couverture mais vous allez souffrir mille morts. Mon conseil : refusez ! ".

J’étais assise, heureusement !

Elle en a profité pour lire ce que j’avais rédigé, et estimé que ce n’était pas dénué de tout intérêt. "Lâchez-vous et adressez moi le résultat de votre travail. J’aurais le temps de le lire durant l’été et je vous ferais part de mes commentaires ". "Mais", a-t-elle ajouté, "quelle est votre légitimité ?" Encore ! 

Munie de ces conseils avisés, j’ai pris mon courage à deux mains pour décliner l’offre de l’éditeur. A sa réponse, j’ai réalisé la justesse des remarques de madame T., hélas !

Ensuite, j'ai ouvert l'onglet "écriture". Un autre épisode s’est alors ouvert dont, dans ma naïveté, je ne soupçonnais pas les difficultés.

Quant à ma légitimité, elle resterait pour de longs mois, tapie dans l’ombre de mes doutes.  Néanmoins j’ai tenté de l’apprivoiser.

"J’ai conclu (….) que je ne disposais pas dans mon parcours, personnel ou professionnel, de matériaux suffisants  sur lesquels adosser un livre. Il n’en fallait pas plus pour me pousser, par esprit de contradiction, à dire « chiche, on va voir si je suis cap ! Je me suis vautrée avec délectation dans mon illégitimité." 

Hélène de Montaigu

"Aimez-vous l’argent ? "


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