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Critique Ciné : Trois Souvenirs de ma Jeunesse, déséquilibre poétique

Publié le 21 mai 2015 par Delromainzika @cabreakingnews

Trois Souvenirs de ma Jeunesse // De Arnaud Desplechin. Avec Quentin Dolmaire, Lou Roy Lecollinet et Mathieu Amalric.


Présenté à la Quinzaine des Réalisateurs du dernier Festival de Cannes, Trois Souvenirs de ma Jeunesse fait partie de ces films qu’un certain cinéma français produit chaque année et qui ont énormément de mal à séduire le grand public. Le problème de Trois Souvenirs de ma Jeunesse est probablement son élégance narrative, très littéraire, qui nous donne l’impression de lire un livre sur la jeunesse de Paul Dédalus. Il y a des idées intéressantes, d’autres très mauvaises et un charme qui n’opère malheureusement pas toujours. Le premier souvenir, le plus court, est probablement le plus inintéressant. A ce moment là, je me suis demandé s’il n’y avait pas un problème avec ce film qui n’avait pas réussi à séduire comme il aurait probablement dû séduire. Le second est bien plus intéressant, curieux et surtout ne ressemble pas à l’idée que je me fais nécessairement d’un film comme celui-ci. On a l’impression de plonger dans une histoire d’espionnage assez amusante mais ce film se veut trop inoffensif avec son un héros qui ne semble pas chercher à prendre de risques. Le film tente alors de parler de l’adolescence avec une notion de fatalité : la province que l’on veut quitter mais qui nous retient malgré nous, le rêve parisien qui devient finalement un cauchemar de couch-surfing en foyers.

Paul Dédalus va quitter le Tadjikistan. Il se souvient… De son enfance à Roubaix… Des crises de folie de sa mère… Du lien qui l’unissait à son frère Ivan, enfant pieux et violent…Il se souvient… De ses seize ans… De son père, veuf inconsolable… De ce voyage en URSS où une mission clandestine l’avait conduit à offrir sa propre identité à un jeune homme russe… Il se souvient de ses dix-neuf ans, de sa sœur Delphine, de son cousin Bob, des soirées d’alors avec Pénélope, Mehdi et Kovalki, l’ami qui devait le trahir… De ses études à Paris, de sa rencontre avec le docteur Behanzin, de sa vocation naissante pour l’anthropologie… Et surtout, Paul se souvient d’Esther. Elle fut le cœur de sa vie. Doucement, « un cœur fanatique ».

Mais avec Trois Souvenirs de ma Jeunesse, Arnaud Desplechin veut surtout rappeler qu’il adore les mots et leur beauté. Il est vrai, d’un point de vue dialogues, le film est très élégant. C’est même assez perturbant de voir un film avec des adolescents aussi cultivés d’un point de vue de leur langage. Une scène m’a d’ailleurs surpris de ce point de vue là alors que Esther se retrouve à critiquer la mère de Bob. Sauf que rapidement, on se rend compte qu’elle reste encore très polie avec les mots qu’elle emploie (alors que dans d’autres films on aurait déjà entendu les pires grossièretés). Le troisième souvenir est celui d’Esther et plus particulièrement du début et de la fin de l’histoire d’amour entre Esther et Paul. C’est une histoire d’amour mignonne, symbole d’un problème français (la nécessité d’aller à Paris pour faire ses études pour l’un, l’impossibilité de quitter la province pour d’autres). On retrouve donc tout ce que Arnaud Desplechin aime dans ce film et bien que cela soit assez beau dans son ensemble, surtout cette notion de fatalisme, cette histoire d’amour traîne souvent en longueur et le film se répète légèrement. Je me demande si au fond trois ce n’était pas peu pour un film de deux heures (ou alors aurait-il fallu mieux équilibrer le film et pourquoi pas raconter l’histoire d’amour d’Esther et Paul sur les deux heures de film au travers de trois de leurs souvenirs).

Quentin Dolmaire, le héros de Trois Souvenirs de ma Jeunesse, est un acteur qui représente plutôt bien le piétisme de ce film, avec ses airs un peu débonnaires. Mais bien que fondamentalement cela soit un joli film, je n’ai pas été totalement convaincu par le procédé et la façon dont l’histoire évolue. C’est assez souvent ce dont je ne suis pas forcément fan dans le cinéma français, et Trois Souvenirs de ma Jeunesse est donc une légèrement déception. En plus de ça, il retrouve un personnage qu’il a déjà utilisé dans Comment je me suis disputé (ma vie sexuelle) (1996) que je n’ai pas vu mais qui doit probablement être un poil plus intéressant que celui-ci. Apparemment, c’est l’un de ses meilleurs films alors que personnellement j’ai dû voir son oeuvre la plus mineure (Jimmy P, Rois et Reine, Conte de Noël). Esther reste donc un personnage assez sympathique cependant. Elle est drôle, surtout dans sa façon de voir les choses avec son air de fille trop honnête qui semble blasée de la vie et par tout le monde. Rien que la première rencontre avec Paul est drôle alors qu’ils parlent des trois amants d’Esther. Dommage que celui-ci dure aussi longtemps, je suis certain que plus concis, le film aurait probablement gagné en rythme et donc un peu plus de mon attention.

Note : 5.5/10. En bref, trois souvenirs mal équilibrés.


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