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RealNetworks et le supplice de Sisyphe

Publié le 22 mai 2015 par _nicolas @BranchezVous
RealNetworks et le supplice de Sisyphe Exclusif

RealNetworks n’est pas morte. L’entreprise ayant entre autres lancé RealPlayer, le lecteur multimédia très populaire à la fin des années 1990 et au début des années 2000, tente de se remettre en selle et cesser de perdre de l’argent. Son arme secrète? Une application de partage de photos.

L’affaire a un peu de quoi étonner; à croire que les compagnies de l’époque de l’éclatement de la bulle techno refusent obstinément de disparaître. Après tout, le plus étonnant dans l’annonce de la vente d’AOL à Verizon, ce n’était pas le montant de 4,4 milliards de dollars US déboursé par le géant américain des télécommunications, mais plutôt qu’AOL existait toujours. Il s’est pourtant écoulé pratiquement 20 ans depuis le tsunami de CD comptant des heures d’utilisation gratuites et le film You’ve Got Mail.

RealNetworks s’invite dans le très sélect marché des montages photo et vidéo.

Avec l’annonce de son logiciel (et plateforme de partage en ligne) RealTimes, RealNetworks s’invite dans le très sélect et très excitant marché des montages photo et vidéo que pourront partager tous les membres de la famille, même tante Gertrude qui adore ajouter des cadres en forme de cœur à ses photos et de la musique d’ambiance rappelant les belles années du MIDI.

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En fait, le programme est un amalgame du lecteur média RealPlayer et d’une application permettant de gérer des «histoires», soit des photos auxquelles il est possible d’ajouter de la vidéo, ou inversement. Dans l’article que le New York Times consacre à RealTimes, on mentionne que l’entreprise veut adopter la stratégie d’Apple avec l’iPhone pour renouer avec le succès. Il s’agit ainsi de créer un produit, dans ce cas-ci RealPlayer Cloud, l’ancêtre de RealTimes, pour espérer rééditer l’exploit de l’iPod, qui a ouvert la voie au iPhone, dont la popularité ne se dément toujours pas.

Un aperçu de RealTimes sur iPad.

Un aperçu de RealTimes sur iPad.

Le hic, c’est que RealTimes, avec ses fonctions de partage de photos et de vidéo, ressemble à quantité d’autres logiciels et plateformes déjà existantes. Vous désirez partager des photos sur le Web? Google, Microsoft et Apple offrent tous des logiciels ou des services en ligne pour ce faire. Idem pour les vidéos, avec YouTube, Vimeo, Dailymotion et tant d’autres qu’il serait inutile de les nommer. Et bien entendu, comme bien d’autres, RealTimes est gratuit… dans une certaine mesure. Sinon, il faut payer pour disposer de l’ensemble des fonctionnalités.

Le problème n’est pas tant que RealNetworks désire s’extirper du marasme financier dans lequel la compagnie se trouve depuis plusieurs années, mais le manque d’originalité et d’innovation affiché par les penseurs de l’entreprise. Pourquoi présenter quelque chose de nouveau, quand il est possible d’imiter les autres? Bien entendu, s’inspirer de concurrents déjà présents sur le marché peut mener au succès, comme ce fut le cas de Facebook, le concept de réseau social où rassembler ses amis et ses proches n’ayant rien de nouveau. Twitter, au contraire, a créé son propre marché en offrant une plateforme de communication quasi instantanée où circulent de brefs messages.

Saviez-vous qu’ICQ existait toujours? Ou que le client de messagerie cryptée BBM de BlackBerry était disponible sur Android et iOS?

Avec la multiplication vient aussi la confusion. Si Foursquare a pendant un temps été considérée comme la première application populaire de géolocalisation sur téléphone intelligent, ses concurrents se sont ensuite multipliés, y compris chez les grands comme Google. Du côté de la messagerie instantanée, WhatsApp s’est bien sûr démarquée en étant achetée au coût hallucinant de 19 milliards de dollars US par Facebook, mais une recherche rapide sur les boutiques d’applications mobiles confirmera l’existence de dizaines, voire de centaines de logiciels similaires.

Et que dire des vieux de la vieille qui s’accrochent encore? Saviez-vous qu’ICQ existait toujours? Ou que le client de messagerie cryptée BBM de BlackBerry était disponible sur Android et iOS? En fait, la question la plus importante est plutôt celle-ci : est-ce si important de le savoir?

Oser prendre des risques

Le coyote a connu beaucoup d'échecs, mais il osait au moins prendre des risques (Image : Warner Bros).

Le coyote a connu beaucoup d’échecs, mais il osait au moins prendre des risques (Image : Warner Bros).

Là réside en fait l’un des problèmes fondamentaux de cette approche : les fonds dont disposent les publicitaires ou les internautes étant limités par nature, chacun voudra afficher des publicités dans son logiciel, ou offrir une version payante.

Mais voudra-t-on vraiment dépenser de l’argent pour utiliser une série de plateformes différentes, pour la seule et unique raison que nos contacts sont disséminés un peu partout dans la sphère numérique, abonnés qu’ils sont à des services ou des logiciels multiples? Soit les internautes (et les publicitaires) finiront par se regrouper en masse chez un seul détaillant ou fournisseur – comme c’est entre autres le cas pour WhatsApp avec ses plus de 500 millions d’utilisateurs – soit ils demeureront éparpillés, et les entreprises ne pourront réaliser des profits importants en raison de cette fragmentation.

Que se passera-t-il, alors, si la majorité des programmes demeurent moribonds et ne font que réussir à survivre? Personne n’osera investir des sous et du temps dans un projet véritablement original… Un véritable cercle vicieux.

Bien sûr, comme il est impossible de savoir si une application ou un service en ligne gagnera le gros lot, les mêmes fonctionnalités sont remâchées encore et encore, en espérant que la chance sourit aux développeurs. RealTimes pourra-t-elle donc s’imposer comme l’application idéale pour partager photos et vidéos avec toute sa famille? Tout porte en fait à croire qu’au département de recherche et développement de RealNetworks, on soit encore coincé à l’étape du buffering…


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