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420ème semaine politique: Hollande, Sarkozy, Mélenchon - les égarés.

Publié le 23 mai 2015 par Juan
420ème semaine politique: Hollande, Sarkozy, Mélenchon - les égarés.

Il y a 420 semaines, Nicolas Sarkozy était élu président et cet homme tente de sortir du cercueil de l'Histoire dans lequel il s'est lui-même enfermé. Son successeur ne l'a pas fait oublier. Sarkozy est son propre pire ennemi. Mais la France politique toute entière s'est égarée.


Hollande est à Berlin, Hollande livre quelque soutien à une de ses ministres mal en point dans une réforme du collège qui coagule des oppositions contradictoires mais virulentes. Hollande inaugure des usines ou des musées. Hollande travaille sa comparaison avec le Mitterrand de 1987 qui préparait sa réélection de 1988. La France d'alors cohabitait avec un Jacques Chirac nerveux et thatchérien, on a oublié cette période et les plus jeunes ne l'ont pas connue. La France de 1986 avait une trentaine de députés frontistes à l'Assemblée nationale, des députés d'obédience pétainiste ou poujadiste, et franchement xénophobes.
La France de 2015 cohabite avec Manuel Valls
Hollande et Valls sont à l'image de la classe politique - élus, militants, sympathisants et commentateurs: ils sont égarés et crispés, inconscients et hors sol. Ni Hollande ni Valls ne sont conscients des alliances nécessaires, respectueux des soutiens passés, intelligents avec une époque qui a besoin de calme et d'assurance. Une bonne politique serait cohérente avec l'urgence du moment, la précarité plutôt que les dividendes, l'investissement plutôt que l'image.
"Manuel #Valls singe Nicolas #Sarkozy, avec le talent en moins", (François #Fillon dans L'Express) #UMP #PS — Emmanuel Lemoine (@EmLemoine) May 19, 2015
La période est curieuse. Hollande et Valls ne sont pas seuls dans l'égarement. Cette semaine encore, un large échantillon politique a révélé ses faiblesses.
Prenez la réforme du collège qui, relate Mediapart, aurait d'autres enjeux.  Le premier d'entre eux, paraît-il, est l'autonomie,  "20 % de l’emploi du temps des collégiens seront réservés à un enseignement 'interdisciplinaire'". Une disposition qui irrite nombre des opposants à la réforme. Mélenchon hurle à la fin du collège unique. En face, la droite toute entière crie à l'inverse que cette réforme impose un carcan supplémentaire et prône le "collège diversifié". S'ajoute le stress des enseignants à l'idée que des matières peu attractives comme les langues antiques ou l'allemand vont disparaitre si l'on ne maintient pas des options (antiques) ou des classes dédiées (bilangues). La question suivante est rarement abordée: vaut-il mieux maintenir quelques enseignements publics élitaires ou améliorer l'enseignement scolaire du plus grand nombre ? Tous les désaccords sont respectables, mais la violence caricaturale des arguments de part et d'autres laissent pantois.
Mardi, des enseignants manifestent ou font grève, le ministère et syndicats se disputent les taux de grévistes, 27% d'après le premiers, 50% d'après les seconds. La différence, explique la responsable du SNEP-FSU mardi soir, proviendrait de manipulations - le ministère n'aurait pas voulu compter les absents (sic!). Le lendemain, Hollande passe en force. Le décret de la réforme est signé. On ne comprend plus où est le dialogue social. Mais les opposants promoteurs du dialogue, à force de crier trop fort, n'ont-ils pas été une fois de plus contreproductifs , et poussé le gouvernement à régler rapidement cette affaire ?
Entre les concurrents UMPistes à la primaire présidentielle, c'est le concours Lépine des (mauvaises) idées.
 
Que l'UMP s'énerve n'a rien de surprenant. Pour les autres opposants en revanche... La droite présente son "collège idéal". Bruno LeMaire prend de vitesse Nicolas Sarkozy. Il ne veut plus que les gouvernements aient leur mot à dire sur les programmes (que n'a-t-il dit entre 2007 et 2012 ?), mais il refuse que l'enseignement public mette à mal la "fierté nationale". Passer sous silence les heures sombres de la patrie, quelle belle idée ! On croit rêver.
Jeudi, Sarkozy tente de se rattraper à Rillieux-la-Pape, près de Lyon, dans un meeting devant 2.500 militants. Il prépare son Congrès, dans quelques jours. La grande affaire du moment est un changement de nom drôlatique - les Républicains. "Les amis de “moi je” ont donc décidé que nous n'aurions pas le droit de nous appeler les Républicains. Moi, je ne luis conteste pas le droit d'être socialiste!" Nicolas Sarkozy
Se disputer des étiquettes politiques a remplacé chez certains le débat de fond.
Deux proches de Nicolas Sarkozy n'étaient pas à Rilleux-la-Pape. La justice leur court après, maintenant qu'ils ont perdu leur immunité parlementaire. Il y a bien sûr Patrick Balkany, dont on apprend que son évasion fiscale a été élaborée par un associé de Nicolas Sarkozy, l'avocat Arnaud Claude. Le second mal en point s'appelle Jérôme Lavrilleux, ancien directeur de campagne en 2012, qui a avoué l'an dernier l'ampleur des fausses factures de l'agence Bygmalion pour couvrir la fraude aux règles de financement électoral de Nicolas Sarkozy.
  Manuel Valls est à Nice, aux côtés de Christian Estrosi. 
Il pense sans doute qu'une fraction des électeurs du maire de Nice et autres supporteurs surexcités de cette droite furibarde votera pour lui puisqu'il est venu s'inquiéter localement des "afflux de migrants". Ces migrants par milliers représentent quelque pouillème de pourcentage de population européenne ou française, mais on stresse "le retraité et la ménagère". Entre les caricatures complaisantes du sociologue désoeuvré qui s'indigne qu'on s'indigne après les attentats contre Charlie Hebdo et l'HyperCasher et les inflammations verbales anti-migratoire, comment ne pas perdre la tête ?
Manuel Valls était aux côtés de cette personne qui au même moment dérapait sur le blanchiment des deux policiers poursuivants les garçons Ziad et Bouna, électrocutés quelque part à Clichy-sous-Bois en 2005. A l'époque, ce drame avait déclenché des émeutes inédites en France. Le ministre de l'intérieur, incapable, s'appelait Nicolas Sarkozy. Dix ans plus tard, les deux flics sont blanchis, Marion Maréchal-Le Pen applaudit des mains et des pieds. Christian Estrosi renchérit et abonde sur iTélé.
— Bruce Toussaint : «Là, vous parlez de délinquants mais pour Zyed et Bouna, pour ces deux garçons, il n’y a aucune preuve qu’ils étaient délinquants.»
— Christian Estrosi : «Mais de quoi parlez-vous ? Ils étaient bien en excès de vitesse !»
Le même Estrosi était aux côtés de Manuel Valls la même semaine pour parler d'immigration.
On hallucine.
Ces postures misérables dégradent la politique.
Une belle brochette de ... blancos. pic.twitter.com/1EiNoK5gFi — grandludo (@grandludo) May 19, 2015

Au PS, on vote pour quatre motions. Le parti cherche ses militants, les sections sont désertées. Même Montebourg est parti vendre des meubles Habitat. Le sujet - qui des légitimistes, des frondeurs ou de la "fabrique" l'emportera ? - a peu d'intérêt autre que politicien.  Le PS est trop faible pour qu'un changement de majorité en son sein change grand chose. Au final, près de la moitié des encartés ne se déplace pas. Et la direction sortante s'en tire avec 60% des suffrages exprimés.

Même en matière économique, le hasard fait désormais mal les choses. Mercredi, les Echos révèlent que le gouvernement réfléchit à plafonner légalement les indemnités que les prudhommes pourraient attribuer. Le même jour, Pôle Emploi confirme le renforcement des contrôles... sur les chômeurs de longue durée. François Rebsamen, ministre égaré du Travail, qui assume la décision, a le sens du timing. Il a raté le nouveau film de Stéphane Brizé, "Loi du Marché", avec un excellent Vincent Lindon, chômeur devenu vigile au service d'une répression sociale discrète et effroyable. Que connaît Rebsamen, maire de la bourgeoise Dijon, de la réalité ?
Comme il faut "équilibrer" , Rebsamen avait aussi une annonce - le rétablissement d'une prime de 300 euros par mois pour les chômeurs de plus de 60 ans, et une suggestion - que les partenaires sociaux réduisent le plafond d'indemnité chômage des cadres.
Cécile Duflot rompt avec Jean-Luc Mélenchon. 
Sa tribune publiée mercredi par Libération est un petit séisme. Il met un terme au rapprochement inachevé entre EELV et Parti de gauche. Il y avait pourtant matière à une nouvelle alliance. Duflot rappelle les convergences - le refus du "calamiteux traité Merkozy", le soutien à Syriza,
Duflot écrit tout fort ce que d'autres pensent trop bas. La posture anti-Merkel de Mélenchon devient germanophobe et souverainiste à force d'outrances. Et "l’invective n’est pas le meilleur moyen de se faire entendre d’un peuple." Ce reproche n'est pas nouveau. Forcément, chez "l'accusé", on se défend et on riposte. On sous-entend que le désaccord de Duflot avec Hollande/Valls était factice, que Duflot "cotise" au PS, qu'elle n'est qu'un "agent double" ou une "girouette".  Cette intolérance des plus braillards à supporter la critique en retour est fascinante.
Cette période politique est tristement fascinante, presque décourageante. Il ne reste plus qu'à distribuer des gifles, ici ou là, et surtout à tout le monde, afin de rééquilibrer le débat. Tenter de faire comprendre que personne n'est à l'abri, qu'il faudrait déjà commencer par calmer la forme pour approcher le fond, et retrouver le sens de l'échange des idées.


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