André Pochon, fondateur du Centre d'études pour un développement agricole plus autonome. | Ouest-FranceAndré Pochon (*)
Dans les années 1960, la polyculture élevage a basculé dans la monoculture céréalière et l'élevage industriel.
Cette révolution s'est faite grâce au pétrole et au soja importés à bas prix. De ce fait, engrais azotés, pesticides et aliments du bétail ont gavé nos terres et nos animaux. Ce processus est au bout du rouleau !La reconquête de la qualité de l'eau, de l'air et de nos aliments se fait attendre et notre santé est menacée. Plus grave : dans nos plaines céréalières, à cause de la baisse du taux de matières organiques, des millions de tonnes de carbone ont été larguées dans l'atmosphère, contribuant au réchauffement climatique. La terre n'est plus qu'un support neutre avec surcoût et faible rendement.L'alimentation en protéines de nos animaux dépend à 75 % de l'importation du soja. Ce modèle agricole est responsable à 40 % des gaz à effet de serre. Et pour compléter ce sinistre tableau, le vide des campagnes aggrave le chômage.Il y a donc urgence à sortir du modèle productiviste. Pour s'orienter vers une agriculture productive, à forte valeur ajoutée, qui respecte l'environnement, et la qualité des aliments, cela passe par des cultures diversifiées dans les exploitations céréalières, avec des rotations au moins sur quatre années, comme le réclame Nicolas Hulot. Cela passe même par le retour d'animaux dans les fermes céréalières, avec une production de fumier pour relever le taux d'humus. Cela passe par la réintroduction, dans la rotation, de la luzerne, des prairies à base de trèfle blanc, de féveroles et de pois.Pour les zones d'élevage, l'autonomie alimentaire des animaux doit être au maximum. Les bovins et les ovins devraient être nourris essentiellement à l'herbe dont l'azote est fourni intégralement par les légumineuses associées. Le coût de cette alimentation à l'herbe est diminué de moitié par rapport à celui du maïs-soja et la prairie stocke du carbone dans le sol, ce qui est un moyen décisif de lutte contre l'effet de serre.Les porcs et les volailles doivent être logés sur des litières assurant le confort maximum de l'animal, une meilleure qualité de la viande, une maîtrise de l'azote des fumiers et composts sous forme organique, ce qui augmente la valeur agronomique des sols. Mieux encore, ce stockage du carbone dans le sol contribue fortement à la lutte contre le réchauffement climatique.« L'agro-écologie, une nécessité »
Cette agro-écologie est une nécessité pour la survie de la planète. C'est aussi l'intérêt des agriculteurs eux-mêmes : un sol à 1,5 % de matière organique n'est plus rentable, l'énergie et les engrais azotés seront de plus en plus coûteux et les pesticides empoisonnent en priorité les agriculteurs. Il est impératif d'encourager par tous les moyens l'agro-écologie, seule capable demain de nourrir l'humanité.Des pionniers regroupés dans les réseaux « agriculture durable » ont ouvert la voie. Validés par l'Inra dans son programme « Terre et Eau », ces pionniers, chiffres à l'appui, gagnent un tiers de plus que les agriculteurs conventionnels, avec une meilleure qualité de vie, et une absence de pollution par les nitrates et les pesticides. C'est un espoir pour l'humanité entière : il ne faut pas le décevoir, il y a urgence !(*) André Pochon, fondateur du Centre d'études pour un développement agricole plus autonome.25/05/2015http://www.ouest-france.fr/point-de-vue-agriculture-il-y-urgence-sortir-du-modele-productiviste-3427980