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Ils ne se marièrent pas et n'eurent aucun enfant

Publié le 03 juin 2008 par H16

Aujourd'hui, c'est le grand retour du Capitaine Blâme. Rappelez-vous : au fin fond de l'univers, à des années et des années lumières de la Raison, veille celui que le gouvernement super-sidérant appelle quand il n'est plus capable de trouver un problème à ses solutions, quand il reste trop d'espoir : le Capitaine Blâme. C'est le grand anti-héros de l'Assemblée Nationale : il a le super-pouvoir de transformer une situation simple, qui ne réclame aucune intervention d'aucune sorte et qui satisfait tout le monde, en situation inextricable, coûteuse, pénible et finalement problématique pour tous. A l'instar des James Bond pour lequel le personnage survit à ses acteurs, le rôle du capitaine Blâme, jusqu'à présent incarné par Jean Lassalle, sera maintenant tenu par François Fillon...

Pour un tel rôle, il fallait un déclencheur puissant, par exemple un événement Bain-Moussant. Un événement Bain-Moussant, c'est un événement caractérisé par une tempête dans un verre d'eau et un volume impressionnant de bulles, de mousse et beaucoup d'air plus ou moins chaud brassés dans une quantité d'eau de plus en plus petite.

Or, ça tombe bien : la blogosphère est en ébullition, le monde médiatique s'agite et les politiciens sont en effervescence avancée ! Tout le monde tient un sujet en or, qui a le bon goût de changer du sempiternel "Sarkoshow" auto-alimenté... Ce sera donc par une annulation de mariage que le scandale arrivera ! Pour rappel et s'il était encore besoin, un mariage a été annulé parce que le mari avait découvert que sa femme lui avait menti sur sa virginité et que ce dernier, pour des raisons personnelles, y tenait tout particulièrement.

Et voilà les usual-suspects droit-de-l'hommistes ou ultra-féministes réclamant une révision du jugement, que dis-je, une cassation, pendant que les journalistes touillent la soupe chaude et gluante servie par les politiques qui voient un véritable boulevard d'interview, de réactions à chaud et de d'interventionnisme s'ouvrir subitement devant eux...

En l'espèce pourtant (et c'est ce qui caractérise l'événement Bain-Moussant), la position du droit, celle du juge qui a annulé le mariage, est limpide : il y a eu annulation d'un contrat car les éléments constitutifs du contrat passé entre les époux n'étaient pas réunis. Et d'ailleurs, la grande majorité des juges n'ont rien eu à dire sur le jugement en lui-même, tant son application est beaucoup plus banale que ne le laissent supposer les petits articles rédigés à la va-vite par des journalistes en mal de sensations fortes (on trouve ainsi assez facilement des jurisprudences d'annulation pour des raisons de religion, de race, de patrimoine, de famille, etc...). D'ailleurs, cette annulation de contrat n'aurait posé aucun problème et personne n'y trouverait à redire s'il s'agissait d'une contrainte non tenue sur un contrat de prêt bancaire par exemple.

C'est donc là que le Capitaine Blâme intervient. Pour parfaire son personnage ridicule qui vient tartuffer au milieu d'un marigot déjà bien épais, il faut quelques incohérences bien grasses. Et, à bien y regarder, elles ne manquent pas :

  • Incohérence des positions des brailleurs professionnels tout d'abord : si le mariage avait abouti à un bête divorce, il est probable que l'affaire n'aurait pas été montée en épingle, tout simplement parce qu'aller à l'encontre d'un divorce, c'est remettre en cause cette maââgnifique avancée sociale. Cependant, un divorce, après quelques heures de mariages, c'est tout de même beaucoup plus lourd qu'une simple annulation, bien plus logique quand il y a vice dans le contrat.
  • Incohérence aussi tant le part des politiques que de la part des différentes associations et bien-pensants tonitruants en ce que les deux adultes sont finalement d'accord pour cette solution... Vu le battage médiatique entourant l'affaire, on comprend de toute façon que le mari comme la femme veuillent en finir au plus vite, et on comprend mal pourquoi, justement, il y a un tel battage alors que finalement, les deux parties les plus intéressées au problèmes sont parfaitement d'accord. Là encore, le Capitaine Blâme est nécessaire pour créer un problème à une solution toute trouvée.
  • Incohérence dans la demande d'appel proposée par la clique politique gouvernementale: on ne veut pas qu'ils annulent le mariage, ils vont donc divorcer ! Ce qui va coûter à la collectivité (i.e. nous) - les cours vont être mobilisées, des avocats vont devoir débattre, sans compter l'agitation des tribunaux concernés - alors qu'encore une fois, si les médias ne s'en étaient pas mêlés, ça ne nous aurait rien coûté.

Pas de doute : on retrouve ici exactement les mêmes mécanismes, mêmes rouages, que pour l'affaire Toyal :
a) une décision prise par des gens responsables, en connaissance de cause.
b) un ou plusieurs zozos qui s'émeuvent sans connaître les tenants et les aboutissants, et qui propulsent au devant de l'actualité leur propre vision de la société avec un agenda politique parfaitement clair ; ici, il s'agira d'une part de dénoncer la virginité au mariage (de quoi me mêle-je ?) et d'autre part de dénoncer une décision de justice parfaitement idoine.
c) un relai médiatique tonitruant dès lors qu'il s'agit d'aller cogner sur des pratiques qu'on qualifiera tout de suite d'obscurantistes, en mélangeant grossièrement le contexte du jugement avec les raisons réelles, la religion avec le contrat de mariage, les pratiques des uns avec les pratiques des autres.

On peut d'ailleurs s'étonner de l'acharnement anti-religieux des tenants de l'appel à cette annulation : alors que le jugement n'est pas rendu en fonction des croyances religieuses, les politiques les plus chafouins font tout pour ramener la question sur ce terrain, dans le but évident de montrer que réclamer la virginité d'une femme à son mariage est obscurantiste, que l'Islam réclame une telle chose, et que par voie de conséquence l'Islam est obscurantiste. Alignement de sophismes visant à promouvoir des idées nauséabondes et un rien xénophobes que ces mêmes bien-pensants dénonceraient à grands renforts de "Oooooh" outragés s'ils étaient tenus par un Le Pen bien en verve.

Au passage, je tiens à signaler l'excellent billet de Jules sur Diner's Room qui note aussi l'antagonisme entre l'attitude libérale du jugement, qui renvoie finalement les deux adultes pas consentants à leurs responsabilités respectives et individuelles, et l'interventionnisme poussé des pudibonds de la laïcité de combat, prêts à toutes les extrémités pour arriver à leurs troubles fins (Car laisser l'individu maître de ses critères maritaux peut conduire à tenir compte d'éléments de la personne que le droit sanctionne par ailleurs. ). Dès lors, on peut se poser la question : à quand les mariages arrangés entre personnes n'ayant pas à choisir leurs races, leurs partenaires ? Bientôt, discriminer sur le passé religieux, sexuel, sur la race ou l'apparence physique sera impossible et chacun aura le droit d'imposer n'importe qui d'autre dans ses choix de mariage. L'absurdité même de la proposition rend, encore une fois, le travail d'un Capitaine Blâme indispensable pour aboutir à cette société ubuesque dont il a le secret.

Pourtant et libéralement parlant, l'Etat n'aurait jamais dû se mêler de mariage, institution qui reste un acte essentiellement contractuel, éventuellement religieux, de mise en commun d'un patrimoine génétique, financier, humain, etc... C'est même parce que c'est probablement le plus vieux contrat du monde que l'Etat n'a absolument aucun droit à intervenir dedans et définir ainsi ce qui est bon ou pas, ce qu'il convient d'annuler ou pas. Et c'est parce que l'Etat y a mis ses gros doigts boudinés que nous nous retrouvons maintenant dans la position délicate où le juge doit, en "son âme et conscience", déterminer officiellement ce qui constitue ou pas des critères déterminants d'annulation de ce contrat.

A l'instar d'un Toyal qui aura coûté cher au contribuable pour exactement le même résultat final, grâce aux actions subtiles du Capitaine Blâme, il est probable que cette affaire va finir en jus de boudin, avec exactement le même dénouement : ils ne se marieront pas et n'auront aucun enfant.


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