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Les mots des Français : «Les Républicains», usurpation ou coup de génie ?

Publié le 01 juin 2015 par Délis

Délits d’Opinion décrypte les chiffres mais aussi les mots. Cette rubrique s’intéresse aux propos spontanés exprimés par les Français dans le cadre d’enquêtes d’opinion, c’est-à-dire des commentaires recueillis par le biais de questions ouvertes, laissant aux répondants toute latitude de formuler, avec leurs propres mots, leur ressenti. Au-delà des chiffres, l’intérêt est ici d’analyser les dires des Français, ce qu’ils pensent et la manière dont ils l’expriment, afin de mieux comprendre leur état d’esprit et les grilles de lecture auxquelles ils font appel.

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Nicolas Sarkozy a officiellement annoncé l’adoption de la nouvelle appellation de sa formation politique « Les Républicains » vendredi 29 mai dans un « Appel à tous les Républicains de France » et samedi 30 mai lors du Congrès fondateur de ce nouveau parti. Cette annonce fait suite à la décision de la justice d’autoriser ce nouveau baptême, le tribunal de grande instance de Paris ayant jugé que le « trouble manifestement illicite » et le « dommage imminent » invoqués par la partie adverse n’étaient pas démontrés, ainsi qu’au vote des militants, ce nouveau nom ayant été approuvé par plus de 83% des adhérents ayant pris part au vote (un peu moins d’un adhérent sur deux a pris part au scrutin). Notons que ce score, même s’il est important, est un peu moins net que celui en faveur du bureau politique (95%) ou celui concernant les statuts (96%).

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Nicolas Sarkozy semble donc avoir réussi son pari d’entériner un changement de nom de sa formation politique pour mieux entamer la reconquête. Mais quelles sont les évocations suscitées par ce nouveau nom « Les Républicains » parmi les Français et auprès des sympathisants UMP ? Réunit-il tous les Républicains auxquels Nicolas Sarkozy fait référence ou au contraire provoque-t-il des divisions ? Est-il perçu comme l’affirmation d’un positionnement clair ou un marchepied opérant pour la future élection présidentielle, ou bien entraîne-t-il des réactions plus contrastées, voire clairement hostiles ? Pour faire le point sur l’accueil de ce nouveau nom qui a déjà fait couler beaucoup d’encre, analysons les propos spontanés des Français recueillis à travers une question ouverte, dans le cadre d’une étude Harris Interactive pour LCP : « Quels sont tous les mots, toutes les expressions qui vous viennent spontanément à l’esprit quand vous pensez à la formation « Les Républicains », qui devrait succéder à l’UMP ?  » (enquête menée avant les événements précédemment cités mais il est probable qu’une nouvelle mesure aujourd’hui permettrait de constater les mêmes dispositions).

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Au préalable, avant d’identifier les éléments structurants du jugement, précisons que le vocable utilisé par les répondants traduit deux attitudes opposées : soit une forme d’indifférence à l’égard de cette question qui apparait avant tout politicienne (« aucun intérêt », « rien », « pourquoi pas ? »), soit, au contraire et de manière plus marquée, des réactions vives, avec l’emploi de termes appartenant à un registre émotionnel fort, principalement négatifs (« nul », « scandale », « honte »…). Les prises de position en faveur de ce nouveau nom sont beaucoup plus mesurées et font davantage appel à des démonstrations rationnelles. Dans tous les cas, force est de constater que le feuilleton concernant ce changement de dénomination semble avoir marqué les esprits. Et que bien que nombreux dénoncent une « opération marketing » ou « un coup de com’ », Nicolas Sarkozy a déjà au moins réussi à replacer sa formation au centre du jeu politique.

Evocations spontanées Ensemble des Français

Evocations spontanées Ensemble des Français

 

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L’appropriation malvenue d’un terme consensuel pour les uns, légitime pour quelques autres

Les prises de position autour du nouveau nom « Les Républicains » s’articulent tout d’abord sur la perception du bien-fondé de ce choix pour une formation politique. Pour de nombreux répondants, il s’agit d’une appropriation malvenue, voire inconvenante ou inconcevable, par un parti politique d’un terme dans lequel tous les Français se retrouvent ou devraient se retrouver. Cette position est avancée bien évidemment par les sympathisants de Gauche, mais également par les personnes n’affichant aucune préférence partisane ainsi que par quelques sympathisants de Droite, parfois même des proches de l’UMP, qui ne comprennent pas la volonté de leur leader de provoquer un débat à ce niveau. On note cependant une gradation dans l’expression de la critique, de la plus virulente à la moins acerbe.

« C’est une honte de prendre un nom qui signifie liberté-égalité-fraternité par un parti qui, on s’en est aperçu à maintes reprises, est plutôt dictatorial et fascisant que républicain. Ce nom est à tout le monde et n’est pas l’apanage d’un parti. » (Sympathisant Front de Gauche)

« Mauvais choix, récupération et confiscation arbitraire de la notion de République. » (Sans préférence partisane)

« Le mot républicain n’appartient pas à la droite, puisque nous sommes tous républicains, gauche, droite, etc. Mauvais choix. » (Sympathisant UMP)

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En revanche, d’autres, moins nombreux, estiment que le recours à ce nom exprime bien la volonté de la nouvelle formation de Droite de remettre au centre du débat politique les valeurs de la République et de se distinguer d’autres formations qui ne seraient pas républicaines ou ne pourraient se prévaloir de ces valeurs, que ce soit à l’Extrême-Droite ou à Gauche. Ceux qui tiennent ce discours se retrouvent quasi-exclusivement au sein des proches de l’UMP. Ils font alors parfois également appel à « la nation », à « la France », dans une vision plus gaulliste de cette nouvelle dénomination.

« Ça correspond bien à l’UMP dont on peut espérer qu’ils ont gardé l’esprit républicain, donc les valeurs de la République, bafouées ces derniers jours par le parti en place. » (Sympathisant UMP)

« Défendre les valeurs de la République. Contre la monarchie, contre les fascismes (voir les Républicains espagnols). Défense de la laïcité contre les communautarismes. » (Sympathisant UMP)

« Un changement nécessaire. Une volonté de représenter des valeurs trop galvaudées. Une différence bien marquée par rapport à des partis infréquentables d’extrême droite comme de gauche. » (Sympathisant UMP)

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Evocations spontanées Sympathisants UMP

Evocations spontanées Sympathisants UMP

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Comme Valéry Giscard d’Estaing avait rétorqué en 1974 à François Mitterrand le fameux « Vous n’avez pas le monopole du cœur », les sympathisants de l’UMP estiment aujourd’hui que la Gauche n’a pas le monopole de la République et des valeurs de sa devise. En cela, Nicolas Sarkozy offre aux sympathisants de sa formation politique la possibilité de réaffirmer leur attachement au triptyque républicain, complété par la laïcité, valeur devenue centrale à leurs yeux. Quitte à gommer la notion d’appartenance à la Droite, quasi-absente du nuage de mots auprès des sympathisants du parti.

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La « justice » au centre des débats

Au-delà de ces positions, il est intéressant de constater que le vocable utilisé par les répondants retranscrit la judiciarisation du débat. En effet, si très peu de références sont faites au recours en justice mené par des associations de Gauche et des particuliers, nombre de répondants utilisent des termes évoquant le milieu juridique : « vol », « escroquerie », « usurpation », « arnaque », « spoliation ».

« Une usurpation d’identité. Je suis républicain, et je sais que je n’appartiendrai jamais à un parti dont le chef se prend pour une divinité. C’est presque de la trahison, en tout cas une spoliation. Pourquoi pas « Les Français », tant qu’ils y sont ? » (Sympathisant Front de Gauche)

« Je suis un(e) républicain(e), et n’appartient absolument pas à l’UMP. C’est un terme qui n’appartient pas à l’UMP et suis scandalisée que l’on puisse confisquer un adjectif à son profit, un peu comme le FN a confisqué le symbolisme de Jeanne d’Arc. C’est un détournement de nom. » (Sympathisant EELV)

« Un nom très mal choisi. On peut être républicain même si on n’est pas UMP ou « de droite ». C’est du vol et de l’escroquerie de s’approprier ce nom généraliste, cela sous-entend que les autres partis ne sont pas républicains, je souhaite un autre choix. » (Sans préférence partisane)

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Toutefois, comme le montrent les propos sélectionnés ci-dessus, ce vocable semble faire davantage référence à des principes moraux ou éthiques que véritablement juridiques, comme le laisse supposer la faiblesse des évocations au recours à la justice. Seules quelques personnes en défaveur de l’usage de ce nom et surtout quelques soutiens font mention de l’affaire en justice, ces derniers pour regretter que la Gauche ait transformé cette question politique en question judiciaire :

« Pourquoi pas si l’ensemble des adhérents le souhaite, dans les pays anglo-saxons on simplifie entre républicains et démocrates. Il n’y a pas de propriété d’un nom. Que chaque parti s’occupe de ses affaires et il y a pas mal de choses à balayer sous leur porte …. La querelle judiciaire suscitée par la gauche n’a aucun sens et est un enfumage plutôt nauséabond pour prendre leur vocabulaire. » (Sans préférence partisane)

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Relevons que la justice ressurgit en revanche à un autre niveau dans les propos des opposants aux « Républicains » : plusieurs estiment que ce changement de nom a davantage vocation à se débarrasser de l’acronyme« UMP » et des «  casseroles » judicaires qu’elle traîne que de de signifier un véritablement changement de cap ou de gouvernance. Certains vont même jusqu’à affirmer qu’il s’agit pour l’UMP et Nicolas Sarkozy de « se refaire une fausse virginité », c’est-à-dire faire table-rase des anciennes affaires dans l’opinion publique afin de pouvoir de nouveau briguer des suffrages :

«  Lamentable calcul espérant faire oublier les affaires nombreuses et en cours à l’UMP, fausse virginité, hold up. » (Sympathisant Front de Gauche)

« Changement de nom ne fera rien: ils ne seront pas plus républicains que les autres partis (liberté, égalité, fraternité). Les affaires de corruption, de détournement ou de guerre des chefs les poursuivront. Idem que pour le passage du RPR à l’UMP. » (Sympathisant PS)

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Une capacité de renouveau interrogée

 Derrière ce changement de nom et de logo se pose également la question de la capacité à renouveler un système politique en mal de confiance et de dynamisme. Là encore, le changement de nom peut être lu de deux façons : pour les uns, ce nom traduit un manque d’imagination et d’originalité, voire fait « vieux », « ringard », « vintage ». Ce nom renverrait à un mauvais lifting et appartiendrait au 19ème ou au 20ème siècle, ne portant pas en son sein de dimension de renouvellement. Lorsque des références au RPR ou à l’UDR sont énoncées, elles comportent plutôt un jugement négatif. Le changement de nom est alors perçu comme détournant les responsables de la formation politique de la réflexion nécessaire pour l’avenir du pays, y compris à Droite.

« Droite rétrograde, passéiste. » (Sympathisant PS)

« Cela fait un peu » vintage », je pense que l’on aurait pu trouver mieux, beaucoup mieux. » (Sympathisant UMP)

« Une connotation de vieille République, fin 19ème ou début 20ème siècle. » (Sympathisant FN)

« Personnellement je n’aime pas ce mot mis à toutes les sauces dans le discours des hommes politiques et qui de ce fait perd toute valeur. Quant à la formation politique concernée, je pense qu’elle a fait preuve de manque d’imagination en choisissant ce nom, manque d’imagination qui fait peur pour l’avenir. Le mot républicain est peut-être le seul nom commun qui les regroupe. Les Républicains = flou artistique, cache misère pour les turpitudes passées, combat des chefs, étouffoir pour quelques hommes ou femmes de valeur. » (Sympathisant centriste)

« Ils ont le droit d’utiliser ce nom, puisqu’il y a eu le RPR ….   Mais pourquoi changer et payer pour changer en ce moment l’argent pourrait être utilisé à d’autres choses plus utiles. Ça n’a rien d’original ni de nouveau. » (Sans préférence partisane)

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En outre, ce changement de nom ne cache pas l’absence de renouvellement du personnel politique. Tant que les responsables politiques en charge seront les mêmes, ces Français percevront ce changement de nom comme une « mascarade », dénonçant la tentation de « faire du neuf avec du vieux ». Cet argument est particulièrement mis en avant par les sympathisants du Front National, qui voient ici une nouvelle preuve de la sclérose frappant le monde politique.

« Pas grand-chose, on prend les mêmes et on recommence. » (Sympathisant FN)

« Ce n’est pas parce que l’on change le flacon que l’on change le contenu. Donc résumons, comme les autres partis en France, ils sont liberticides, sclérosés, étatiques, conservateurs, cumulards, dépensiers, arrivistes, élus à vie, aucune connaissance économique, gestionnaires pitoyables, démagogiques, interventionnistes, spoliateurs au détriment des entrepreneurs, des créateurs, des freins à l’évolution, une plaie depuis plus de deux siècles ! » (Sans préférence partisane)

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Pour d’autres, essentiellement dans les rangs de l’UMP mais également de manière éparse parmi le Centre-Droit ou l’Extrême-Droite, cette nouvelle appellation est au contraire tournée vers l’avenir, véhicule une idée de « modernité » et « d’espoir ». Pour eux, le changement permet de signifier la volonté de Nicolas Sarkozy de remettre le parti en ordre de bataille, notamment dans la perspective de l’élection présidentielle. Et permet de sortir de l’ornière d’opposition Gauche-Droite.

« Crédible, porteur d’espoirs. » (Sympathisant UMP)

« Renouveau, renaissance, opportunité, une chance pour la France, libéraux, nouvelle garde. » (Sympathisant FN)

« Futur. Reconquête. Avenir. Espoir. » (Sympathisant centriste)

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L’impact sur l’image de Nicolas Sarkozy : signe de sa « mégalomanie » ou re-présidentialisation ?

Enfin, même si le débat semble avoir largement dépassé sa personne, le lien est souvent fait avec l’actuel dirigeant du nouveau parti « Les Républicains ». Et dans ce contexte, le changement de nom vient principalement renforcer des traits d’image décriés de l’ancien Président de la République : ce dernier est crédité d’une « folie des grandeurs » ou d’une « mégalomanie », le nouveau nom apparaissant comme « prétentieux », « ronflant », à l’image du leader politique. Certains répondants raillent un Nicolas Sarkozy attiré par un « bling-bling à l’américaine », se rêvant un destin trop grand. Dans ce contexte, la référence américaine, qui pouvait renforcer l’idée de modernité pour les défenseurs du nouveau nom, est le plus souvent utilisée en sa défaveur.

« Récupération du nom du parti américain. Encore du bling-bling. il ne manque que les pompom girls pour faire un show à l’américaine!! On change de nom quand on veut faire oublier son passé, changer de nom pour ne pas montrer qu’on n’a pas d’idées. » (Sympathisant MoDem)

« Sarko a la folie des grandeurs, il se « vit  » américain. » (Sans préférence partisane)

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Plutôt que de renforcer la perception de ses qualités ou d’asseoir sa stature présidentiable, plutôt que de lui permettre d’apparaitre comme un rassembleur, le changement de nom semble ainsi conforter le rejet dont souffre Nicolas Sarkozy dans une large frange de l’opinion. Seuls quelques sympathisants UMP ou de Droite apprécient cette référence américaine et perçoivent dans ce changement une stratégie de rassemblement, susceptible de favoriser l’alternance en 2017.

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Au final, l’analyse des propos spontanés semblent confirmer l’analyse des chiffres qui mesurent un rejet du nouveau nom « Les Républicains » au sein de l’ensemble de la population française (73% y voient une  mauvaise chose) et une adhésion « molle » parmi les sympathisants UMP (54% « bonne chose »). Il est peu probable que ce nouveau nom permette seul à Nicolas Sarkozy d’engranger des voix au centre ou à l’Extrême-Droite tandis qu’en revanche, il fournit de nouvelles armes à ses opposants critiquant son opportunisme et son arrogance. Toutefois, si ce nom ne fait pas bouger les lignes, il montre que Nicolas Sarkozy dispose d’une importante latitude d’action, les militants et sympathisants de sa formation politique le suivant, même sans enthousiasme. De plus, certaines évocations spontanées permettent de faire l’hypothèse que le nom « Les Républicains » peut participer à redonner une forme de fierté et d’élan aux sympathisants de Droite, trouvant là une occasion de réaffirmer leurs valeurs. Dans ce cadre, le changement de nom serait alors une étape dans l’affermissement et l’unification de la Droite, dans une stratégie à plusieurs temps de Nicolas Sarkozy, en vue de l’échéance majeure de 2017.


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