Vous connaissez sans doute l’adage qui dit « Répéter un même mensonge plusieurs fois et il passera pour une vérité !» ? Ça colle parfaitement à la prétention qui claironne que « 80% des gestionnaires ne battent pas leur indice de référence! » . Ce mythe est aujourd’hui déboulonné savamment par l’Académie Edgepoint. Tye Boussada et Geoff MacDonald sont des gestionnaires d’exception qui surclassent aisément leurs indices boursiers de références et la plupart de leurs pairs.
Dans un document d’une grande clarté, rédigé par Rebecca Jan, ils précisent que les comparaisons entre la gestion active et passive se basent toutes sur une méthodologie douteuse. Vérification faite, au Canada 12 fonds sur 20 sont des fonds indiciels. Alors, pourquoi donc les inclure dans les statistiques englobant la gestion active, sinon pour influencer le résultat?
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LA GESTION ACTIVE SOUS LA LOUPE
Le bien-fondé (ou non) de la gestion active est souvent débattu. Et pour cause. Le dossier des gestionnaires qui se servent de cette stratégie n’est pas très reluisant. De nombreuses études ont démontré que la grande majorité des fonds activement gérés affichent un moins bon rendement que leur pendant passif sur de longues périodes, ce qui est effarant puisque les gestionnaires actifs facturent des honoraires plus élevés. Les investisseurs paient alors davantage pour en avoir moins.
En revanche, la gestion passive (indicielle) mise sur le fait que le marché boursier est efficient sur le plan informationnel, c’est-à-dire que les titres des sociétés sont négociés à leur juste valeur parce que tout ce qu’on doit savoir sur elles se reflète dans le cours de leurs titres. Si cela était vrai, il serait quasi impossible de battre constamment le marché, ce qui est la mission du gestionnaire actif. Bien sûr, les mauvais résultats des gestionnaires actifs sont présentés en preuve de cette affirmation. Les fonds indiciels se contentent simplement de reproduire le rendement du marché. (Sans vouloir vendre la mèche, nous croyons que la gestion active, même si elle est loin d’être facile, peut être une approche très fructueuse si elle est réellement active.)
Autre argument en faveur de la stratégie passive : même si on pouvait constamment faire mieux que la plupart des investisseurs, les chances de trouver à l’avance les titres offrant le meilleur rendement sont minces. Certains diraient même que c’est comme chercher une aiguille dans une botte de foin. Puisque l’investisseur moyen n’est pas en mesure de déployer les immenses efforts nécessaires pour trouver le bon gestionnaire actif, la gestion passive semble être la seule solution valable malgré ses limites. Mais cela est-il vrai?
Évaluer la portion active
Deux anciens professeurs en finances de Yale (Martijn Cremers et Antti Petajisto) ont récemment soulevé une lacune fondamentale dans les études sur la gestion active. Il semble que les fonds généralement inclus dans la recherche soient surtout des placements passifs camouflés sous des airs de placements actifs. Au Canada, 12 fonds d’actions sur 20 sont des fonds indiciels déguisés. Vous avez bien lu : plus de la moitié de l’échantillon habituel de fonds dits actifs ne le sont pas vraiment quand on y regarde de plus près.1 Ce problème de classement fausse évidemment la comparaison entre la gestion active et la gestion passive.
MM. Cremers et Petajisto ont trouvé une façon incroyablement simple d’exprimer le caractère actif d’un fonds. La portion active mesure les différences entre les avoirs d’un fonds et ceux de son indice. Plus la portion active du fonds est élevée, plus il diffère de son indice sur le plan du choix des titres de son portefeuille.
Grâce à ceux qui nous ont amené le concept de portion active, il est maintenant relativement facile de trouver et de suivre le rendement des fonds réellement actifs.
Connaître la récompense
MM. Cremers et Petajisto ont également découvert que les fonds affichant la portion active la plus élevée ont généré annuellement un rendement dépassant de 3,64 % celui de leurs indices de références.2 Ils ont permis à leurs investisseurs de faire 1,4 fois plus d’argent sur une période de dix ans (en présumant un rendement moyen sur le marché de 9 %). Évidemment, les fonds affichant la portion active la moins élevée ont été écartés.
C’est logique. Un fonds qui réplique son indice affichera un rendement semblable à celui de l’indice puisque leurs placements sont très semblables. On ne peut pas en attendre plus des fonds dont la portion active est faible. Leurs investisseurs feront probablement moins d’argent parce que les frais et les coûts de négociation créent un autre obstacle au rendement, et les fonds qui sont une copie conforme de leurs indices de référence ne peuvent en faire plus.
La portion active souligne le fait que le potentiel de rendement supérieur descend lorsque la ressemblance à un indice augmente.
Les gestionnaires dont la portion active est élevée ne battent pas automatiquement l’indice de référence. Nous savons seulement que le rendement moyen des gestionnaires fortement actifs a dépassé le rendement moyen des gestionnaires dont la portion active est faible.
Bref, il est très possible qu’en s’éloignant de l’indice, le gestionnaire prenne une mauvaise décision. Si vous vous fiez uniquement à la portion active pour justifier votre choix, il est possible que vous choisissiez un fonds dont le rendement sera mauvais.
Avez-vous embrassé un indice dernièrement?
Ainsi, la portion active du fonds est le meilleur moyen de savoir si le gestionnaire d’un fonds actif est plutôt un gestionnaire de fonds indiciel déguisé et si vous devriez l’éviter. Lorsqu’on paie des frais plus élevés, on s’attend raisonnablement à en avoir plus, ce qui comprend un gestionnaire averti et chevronné qui mène des analyses en profondeur sur chaque société dont il acquiert des titres. Vous devriez également vous attendre à de meilleurs rendements à long terme.
Les gestionnaires qui reproduisent partiellement les indices croient qu’il est raisonnable de facturer des frais pour la gestion active alors qu’ils offrent en réalité la même chose qu’un indice. Leurs investisseurs n’en obtiennent pas beaucoup pour leur argent. Un fonds géré par un gestionnaire indiciel déguisé affiche une portion active entre 40 % et 60 %. Ces imitateurs sont plutôt préoccupés par la gestion de leur carrière et de leur risque d’atteinte à la réputation. Pour eux, il est plus prudent de suivre un indice que de prendre les risques plus élevés associés à la gestion active.
Et ce n’est pas étonnant. Près de la moitié des gestionnaires de fonds qui ont répondu à un sondage ont affirmé avoir peur de perdre leur emploi s’ils affichent un rendement inférieur au marché pendant aussi peu que 18 mois.3 Si le rendement passé n’est pas le meilleur critère pour choisir les meilleurs gestionnaires, alors quelques années de rendement défavorable ne devraient pas non plus justifier le congédiement d’un gestionnaire. Mais les investisseurs délaissent rapidement des fonds lorsque leur rendement est moins intéressant, même s’ils ont offert de forts rendements par le passé.
Leur comportement influence les gestionnaires de fonds, qui s’accrochent alors à leurs indices de référence pour tenter de minimiser le risque que leurs investisseurs reprennent leur argent et s’en aillent. Cela explique pourquoi on voit plus de fonds indiciels déguisés de nos jours qu’à presque tout autre moment dans l’histoire. Soyons francs, avoir l’air fou, ça ne fait pas aussi mal quand tout le monde a l’air fou avec nous.
Mais voilà : investir dans un fonds indiciel déguisé alors que vous pensez qu’il s’agit d’un fonds actif, c’est comme sortir son portefeuille pour acheter une voiture de luxe et obtenir une sous-compacte. Il est essentiel de faire passer le test de la portion active à vos fonds. Vous devez savoir comment votre argent est géré et éviter de payer trop cher pour des placements qui ne sont qu’à moitié avantageux.
Au-delà de la portion active
À elle seule, la portion active ne peut prédire quels fonds brilleront et il reste impossible de connaître à l’avance les meilleurs fonds, mais le succès des placements peut augmenter grâce à certains attributs. Par exemple, les petits fonds plus souples sont mieux à même de surclasser les grands fonds. Cela s’explique par le fait que les grands fonds qui gèrent beaucoup d’argent sont plus encombrants et ont un potentiel de placement limité. Il leur est plus difficile d’obtenir une participation considérable dans de petites sociétés.
En outre, les fonds sont en meilleure position lorsque les gestionnaires y investissent leur propre argent. Leurs intérêts sont alors harmonisés avec ceux des investisseurs. Le fait que les frais sont plus bas est aussi un avantage.
L’erreur de réplication est un autre facteur de la gestion active dont on peut se servir en conjonction avec la portion active. Alors que la portion active compare les avoirs du fonds et ceux de son indice, l’erreur de réplication compare les rendements. Ce concept peut être plus difficile à comprendre, mais il est bon de s’en servir pour révéler ce qui se cache derrière la portion active d’un fonds.
Portion active + erreur de réplication
L’erreur de réplication exprime la différence entre le rendement d’un fonds et celui de son indice. Si l’erreur de réplication est faible, cela indique que le rendement du fonds est semblable à celui de son indice; s’il est élevé, cela indique le contraire.
À elle seule, l’erreur de réplication ne peut être liée au rendement. Toutefois, il existe une corrélation positive entre les fonds fortement actifs et une faible erreur de réplication. Ensemble, ces deux attributs ont permis d’obtenir de meilleurs rendements.4
Les fonds affichant le plus faible rendement étaient ceux dont l’erreur de réplication était la plus élevée à différents pourcentages de portion active, y compris les fonds indiciels déguisés.
Une erreur de réplication élevée est un attribut des gestionnaires de fonds qui misent sur des facteurs ou qui sélectionnent des actions concentrées, des expressions sophistiquées pour désigner des approches fondées sur des placements dans différentes catégories afin de tirer profit des anomalies des cours ou des secteurs robustes sur le marché. Bref, ce sont des approches descendantes du marché. Ces placements se sont révélés relativement plus risqués et tout rendement supérieur à l’indice n’a pu être soutenu. Ceux qui avaient recours à la sélection d’actions concentrées ont battu leur indice de référence, mais uniquement avant les frais. Les fonds misant sur des facteurs ont affiché le pire rendement et ont « détruit » la valeur pour leurs investisseurs.5
En comparaison, ceux qui ont recours à l’approche de sélection d’actions diversifiées se servent d’une approche ascendante. Ils investissent en choisissant des titres particuliers qui, selon eux, afficheront un solide rendement. Les fonds qui avaient recours à la sélection d’actions diversifiées étaient les seuls à générer des rendements supérieurs après les frais et dépenses, et ils étaient exposés à moins de risques. Cela indique qu’une portion active élevée est souhaitable si elle résulte de la sélection des actions, et qu’elle l’est moins si elle résulte d’une approche descendante du marché qui se constate par une erreur de réplication élevée.
L’évaluation du rendement passé n’est pas aussi constructive que connaître la façon dont votre argent est investi. Plus particulièrement, la portion active et l’erreur de réplication donnent ensemble un indice sur le style de gestion du fonds et vous aident à reconnaître le type de gestion active que vous obtenez. Selon la recherche, vous devriez chercher les gestionnaires qui procèdent à une sélection des actions, puisqu’ils ajoutent potentiellement plus de valeur.
Portion active + roulement
Une période de détention des titres plus longue constitue une autre caractéristique courante des gestionnaires fortement actifs ayant permis d’obtenir un rendement avantageux. Aussi appelée le roulement, cette mesure reflète la période pendant laquelle les actions demeurent dans le fonds. En plus du lien entre la portion active et l’erreur de réplication, M. Cremers a découvert que les fonds affichant le meilleur rendement relatif avaient à la fois une portion active élevée et une période de détention d’au moins deux ans.6
En fait, M. Cremers a trouvé que les fonds fortement actifs dotés de périodes de détention plus longue étaient le seul groupe qui a enregistré par le passé un solide rendement relatif. Ces fonds avaient surclassé de 54 % leur indice sur la période de 19 ans étudiée, ce qui est remarquable sur le plan économique. M. Cremers n’a trouvé aucune preuve selon laquelle les gestionnaires les plus actifs qui se servent d’une période de détention courte ou dont les opérations sont fréquentes battent leur indice de référence. En réalité, les fonds actifs dont le roulement était élevé étaient en moyenne moins rentables.7
Il est vrai que les participants au marché actuel semblent de plus en plus porter des œillères : ils se concentrent sur ce qui vient tout juste de se passer, sur ce qui se passe actuellement et sur ce qui est sur le point de se passer. Dans ce contexte, un gestionnaire actif qui dispose d’une perspective à long terme possède un fort avantage concurrentiel.
La vérité sur le faible roulement
Imaginez que vous dépensiez toutes vos épargnes sur une entreprise qui vaut un million de dollars dans le but de subvenir aux besoins de votre famille, puis que vous l’échangiez contre une autre entreprise peu après, et ainsi de suite. Aussi fou que cela puisse paraître, c’est exactement ce que font les investisseurs à court terme. De 1980 à 2013, le taux de roulement annuel moyen des fonds d’actions aux États-Unis était de 61 %, ce qui signifie que les actions étaient détenues en moyenne pendant 18 mois.8 Ainsi, un grand nombre de gestionnaires ne font pas assez confiance aux sociétés dont ils acquièrent les titres, ce qui se reflète dans leurs rendements.
Une période de détention plus longue permet de connaître une société d’une façon qui ne se reflète pas dans le cours de son action. Un des désavantages du
fort roulement est qu’il peut couper l’herbe sous le pied des idées de placements les meilleures et les plus durables. Ceux dont l’horizon est à long terme comprennent que le marché reconnaîtra un jour le potentiel des sociétés dont ils acquièrent des titres si l’opinion qu’ils en ont est exacte. Cette différence de perspective temporelle permet aux gestionnaires actifs d’ajouter de la valeur.
Plus on en sait, plus on en obtient
La recherche sur la portion active a indiqué clairement que les fonds actifs ne peuvent pas être tous jugés de la même façon, que les gestionnaires chevronnés qui sélectionnent des actions et les détiennent à long terme peuvent battre les indices de référence, et que ceux qui suivent les indices comme des chiens de poche réussissent rarement à les battre. Il est certain que la portion active a sa place dans le coffre à outils de chaque investisseur, tout comme l’erreur de réplication et le roulement. Un fonds très actif dont le roulement et l’erreur de réplication sont faibles a tout simplement plus de chances d’afficher un meilleur rendement qu’un fonds qui n’a aucun de ces attributs.
Toutefois, en fin de compte, toutes ces mesures ne sont pas une boule de cristal et ne permettent pas de prédire exactement la façon dont un placement réagira et les facteurs quantitatifs et qualitatifs qui joueront un rôle. En réalité, pour évaluer un gestionnaire de fonds, il faut comprendre comment il investit, veiller à ce qu’il réponde à vos besoins et à vos attentes en matière de placement, et vérifier s’il fait réellement ce qu’il dit, ce qui est la mesure la plus importante.
Source:
1Cremers, M., Ferreira, M., Matos, P. et Starks, L., « The mutual fund industry worldwide: explicit and closet indexing, fees, and performance », Social Science Research Network, 2013.
2Ibid.
3Sullivan, P., « The Folklore of Finance: Beliefs That Contribute to Investors’ Failure », New York Times, 14 novembre 2014.
4Cremers, M. et Petajisto, A. « How Active is Your Fund Manager? », Yale School of Management, 2006.
5Ibid.
6Cremers, M. et Pareek, A., « Patient Capital Outperformance: The Investment Skill of High Active Managers Who Trade Infrequently », Social Science Research Network, 2014.
7Ibid.
8Investment Company Institute, « 2014 Investment Company Fact Book. A Review of Trends and Activity in the Investment Company Industry », 2014.
Ce texte a d’abord été publié sur le site de l’Académie Edgepoint