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L’interview: Virginie Galbarini nous parle de l’exposition de photomobile “Ouverture”

Par Jsbg @JSBGblog

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Autrefois, la photographie possédait quelque chose de mystique. L’acte même de presser sur le bouton déclencheur portait en lui une sorte de foi en l’invisible, l’assurance d’une surprise à venir. Un invisible que l’on découvrait ensuite lors du retour de développement de la pellicule, matérialisant enfin, pour le meilleur comme pour le pire, un fugace clic-clac produit bien auparavant. Depuis l’apparition du digital, la donne a changé. On n’hésite plus à faire et à refaire la même prise de vue. Là dessus sont arrivés nos smartphones, dotés de capacités techniques et optiques en constante amélioration. Résultat: tout un chacun transporte en permanence sur soi un appareil photo. Conjuguez cette nouvelle donne à l’avénement des réseaux sociaux, et notamment Instagram, et vous obtenez la photomobile, ou l’art de la photographie mobile. Une nouvelle façon de s’exprimer, désormais largement répandue. Parmi les millions d’adeptes anonymes plus ou moins doués, de véritables talents du genre se sont révélés.

Pourquoi ne pas croiser le regard de ces derniers avec celui de photographes professionnels confirmés? Voilà l’approche que les deux fondatrices de l’association Ouverture, Virginie Galbarini et Pauline De Montmollin, ont souhaité donner à la première exposition de photomobile organisée à Neuchâtel, en Suisse. Cinq photographes amateurs, repérés sur les réseaux sociaux, et six professionnels confirmés exposeront leur vision de la ville de Neuchâtel, dont les rues ont été décrétées terrain de ce jeu urbain, sous le thème “Ouverture. Quand la photomobile capture la ville”. Munis de leur smartphone et affranchis des impératifs techniques imposés par la photographie traditionnelle, tous ne sont réduits ici qu’à leur simple regard à travers un cadrage spécifique et le déclenchement de la prise de vue.

En parallèle à l’exposition qui se tiendra dès demain dans le péristyle de l’Hôtel de Ville de Neuchâtel, des balades photographiques pour adultes et enfants menées par des professionnels de la photographie sont organisées. D’ailleurs, l’exposition physique se prolonge sur les réseaux sociaux, tous les habitants du lieu étant invités à partager leurs propres clichés mobiles sur des comptes Instagram et Facebook spécialement créés pour l’occasion en utilisant le hashtag #expo_ouverture_ne. Là encore, deux règles: leur prise de vue doit avoir été capturée à l’aide d’un smartphone et son objet ne peut être que la ville de Neuchâtel.

Avant l’ouverture de cette exposition, nous avons pu nous entretenir avec l’une de ses instigatrices, Virginie Galbarini. Ce nom vous est sans doute déjà familier: elle honore JSBG de sa plume dans sa chronique, vous l’avez deviné, photographique.

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JSBG – Qu’est ce qui vous a motivées, Pauline et toi, à vouloir faire cette expo de photomobile? Virginie Galbarini – Nous avions envie de travailler autour de la photomobile. C’était le moment de le faire. C’est quelque chose qui est maintenant entré dans les mœurs. Qu’il le partage ensuite ou non sur les réseaux sociaux, tout le monde utilise son smartphone pour faire des photos, un souvenir, son enfant, un moment, un paysage ou même dans un cadre professionnel. Nous avions vraiment l’impression qu’il s’agissait d’un projet novateur dans le sens où justement il y a déjà eu en Suisse romande des expositions de photomobile mais liées aux communautés d’Instagra, toujours avec cet angle réseaux sociaux. Tandis que nous voulons l’aborder d’une autre manière, en mettant en avant le côté artistique de la photomobile et sa sociabilité. Quand tu sors ton portable et que tu fais des photos, tu peux aussi entrer en contact avec les gens. Dans le cadre d’une ville les street photographeurs vont soit à la rencontre des gens ou alors ils capturent les images de manière très discrète, très fugace, ça permet les deux choses. Donc cette approche de la ville via smartphone est intéressante du point de vue de notre propre société, de la manière dont l’on aborde la photographie. Au-delà de ça il y a aussi le fait qu’à Neuchâtel on parle très peu de photographie et qu’on avait envie que l’un de nos projets culturels, puisque nous entendons en mener d’autres avec notre association, soit lié à la photo.

Comme tu l’as souligné, il y a beaucoup d’expositions en ce moment par rapport à la photographie mobile, tout le monde y va de sa petite contribution. Vous n’avez pas peur d’arriver un peu après tout le monde? Non pas du tout. Les expositions dont on entend beaucoup parler sont des expositions de photos pêchées sur les réseaux. De notre côté, parmi nos photographes, nous avons par exemple une participante qui n’a jamais tenu un smartphone dans sa main, qui va devoir se jeter à l’eau, pour qui c’est un vrai défi. Il y a aussi des photographes confirmés qui ont tout leur parcours artistique derrière eux, qui ont débuté avec l’argentique, puis qui se mettent à ce mode de photographie et qui ont été d’accord de se prêter au jeu. En ce sens là, réunir ces regards et ces parcours de vie différents est une originalité autour du projet qui ne s’inscrit pas dans le cadre des réseaux sociaux. On pourrait être en retard si la photomobile avait été un phénomène fugace. Or ça ne l’est pas, et puis ça ne le sera plus désormais. On s’en passera plus de ce nouveau médium photographique, le smartphone remplaçant l’appareil compact qui existait auparavant. Bien entendu ça ne remplacera jamais ce qu’on appelle la “vraie photographie”, mais aujourd’hui on fait autant de photos avec son smartphone qu’avec un appareil photo.

En parlant de vraie photographie, vous mettez sur un même plan ou du moins vous exposez côte-à-côte de parfaits amateurs qui n’ont d’autre titre que celui d’avoir un compte sur tel ou tel réseau social avec des professionnels plus que confirmés. Est-ce que tu ne penses pas contribuer d’une part au lissage des qualités, expérience et talent des photographes professionnels et d’autre part à l’essor d’amateurs qui usent et abusent de leur smartphone et de ses filtres pour se prétendre photographes? Non parce que chacun sait qui il est et ce qu’il fait. Justement, la photomobile ne remplacera jamais la vraie photographie, ce n’est pas pour rien que le matériel photographique coûte si cher, ce n’est pas pour rien qu’il y a des formations tant artistiques que techniques autour de la photographie dans des écoles réputées. Même quelqu’un de très doué en photomobile  et qui ne fait que de la photomobile ne remplacera jamais ce qu’est un réel photographe et sa capacité à manipuler du matériel photographique, ce sont deux choses différentes.

De ce fait quel crois-tu que puisse-t-être l’oeil du spectateur sur cette exposition si comparativement les photos présentés par les amateurs ou les professionnels sont de qualité égale? Premièrement nous ne créons pas une scission, ce n’est pas une exposition où l’on va présenter le regard des photographes affrontant le regard des non-initiés, pas du tout. Ce sont vraiment des regards croisés sur la ville via des personnes différentes qui ont une approche et une expérience différente de la photographie.

Quelle en est la finalité? Celle de montrer comment la photomobile peut être utilisée de manière diverse. Sorte de cahier de croquis pour certains, truc compulsif pour d’autres, où les photos peuvent s’enchaîner. Une participante tient à faire de la photo sans aucun filtre, elle va prendre des images mais ne jamais les recadrer ou les retoucher. D’autres manipulent beaucoup leurs images via des applications sur leur smartphone. Il s’agit donc vraiment de montrer tout ce que cela comporte comme diversité d’approche, de diversité d’usage. Certains vont imprimer leurs photos, certains n’en feront rien du tout, et il y a encore ceux qui vont les partager sur les réseaux.

De notre côté, nous, aimerions mettre en évidence en premier lieu le thème central de l’exposition: la ville, en l’occurrence Neuchâtel, même si cela pourrait être n’importe quelle ville, pour montrer aussi qu’il s’agit d’un sujet qui est dans l’air du temps mais qui a aussi été développé par les plus grands photographes d’hier et d’aujourd’hui. Pour montrer que ces thèmes là peuvent aussi être abordés par des gens qui n’ont pas les compétences ou les connaissances photographiques nécessaires et que la photo s’est démocratisé, que l’on peut désormais pouvoir aborder la photographie d’une autre manière. Mais ce n’est pas pour vouloir mettre au même niveau des photographes de renom ou des amateurs.

Par rapport à votre association nouvellement créée et à votre volonté de rendre ce festival annuel ou bi-annuel, quel sera votre baromètre de jugement du succès ou de l’insuccès de cette exposition, et qu’est ce qui vous encouragera à continuer ou à en faire un événement unique? La fréquentation du public et la participation aux activités qui se dérouleront en marge de l’exposition, balades photographiques pour enfants ou pour adultes, seront prises en compte. Nous mesurerons aussi la répercussion de l’exposition dans la presse et sur les réseaux sociaux. Déjà, la page facebook et le profil Instagram d’Ouverture ont été partagées assez rapidement et nous y voyons régulièrement des nouveaux abonnés. Ils nous posent des questions, démontrent en tout cas une certaine forme de curiosité. On voit que l’on répond à quelque chose qui est dans l’air du temps, que ça intéresse un large public, que ça interpelle. Il y a des gens qui ne savent pas encore ce qu’est la photomobile, qui ne connaissent même pas le terme. Pour répondre encore à une précédante question, c’est là que nous voyons que l’on n’arrive pas trop tard avec un tel projet.

Au non-initié, à celui qui ne connait pas la photomobile, à quoi est-ce que tu lui demanderais d’être attentif pour qu’il saisir de quoi il s’agit lorsqu’il viendra à cette exposition? Il fera peut-être tout simplement abstraction du medium photographique et puis il aura du plaisir à apprécier les photographies exposées. Ce sera tout ça de gagné finalement. Après si c’est quelqu’un qui est intéressé à ce qu’est la photomobile, il réalisera que ce sont des photos extrêmement instinctives, ou encore très réfléchies ou d’autres très spontanées, mais finalement il verra que la démarche photographique, la démarche artistique, n’est elle pas différente de celle que l’on peut avoir lorsque l’on a un appareil photo en main. Je me dis que lorsqu’un Cartier-Bresson se baladait dans les rues de Paris il repérait un endroit, une lumière, un instant, et puis il attendait ce qu’il appelait le moment décisif. Bien sûr il avait un Leica en main. Ce n’est pas la même technique qu’un smartphone mais je me dis que l’intention qu’il y a derrière cette démarche est la même que celle de beaucoup d’amateurs qui ont la photographie mobile comme passion ou centre d’intérêt. Personne ne dira que d’avoir un iPhone 6 est la même chose que d’avoir un Leica en main et le talent de Cartier-Bresson est inégalable, mais l’intention du photographe de prendre une image, de capturer un instant, cette intention là peut être la même.

Est ce qu’il y a des gens qui viennent d’ailleurs de Neuchâtel parmi les invités photographes de ton exposition? Oui, il y a des regards externes à la ville bien sûr. Certains participants parmi les locaux n’étaient pas forcément très enthousiastes à l’idée de photographier leur propre ville, qu’ils ont l’impression de déjà beaucoup connaître. Finalement ils ont quand même relevé le défi. C’est très intéressant de voir que l’on peut quand même s’émerveiller devant quelque chose de pourtant très familier. Pour moi c’est beaucoup ça la photomobile. Avoir sur moi quelque chose qui va me permettre de photographier à un moment donné parce que la lumière est à propos, parce qu’il se passe quelque chose, parce que c’est un moment que j’ai envie de capturer.

(c)Yannick  Chautems

© photo Yannick  Chautems

UN PERTINENT QUESTIONNAIRE SELON JSBG

Quel est ton plus grand vice? Le tabac

Qu’est ce qui te fait peur? Qu’il arrive du mal à mes enfants

Vivre au 21 ème siècle plus facile ou plus difficile qu’avant?  Même chose

Plutôt Facebook ou Twitter? Instagram

Qu’est ce que tes parents t’ont légué de plus précieux? La curiosité

Qu’elle serait la bande son de ta vie? La musique du film Respiro

Où te vois-tu dans 10 ans? Près de mes enfants qui grandissent

Merci Virginie.

Jorge S. B. Guerreiro

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INFORMATIONS PRATIQUES

“Ouverture. Quand la photomobile capture la ville”

Hôtel de Ville, Neuchâtel, Suisse

Du 4 au 21 juin 2015 

Instagram : @ouverture2015
Facebook : facebook.com/ouvertureneuch

(c) Nicolas Barth Nussbaumer

© photo Nicolas Barth Nussbaumer


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