Cet entretien a eu lieu dans le cadre du numéro des Enquêtes du contribuable de juin/juillet 2015, «SNCF, ça déraille!». En kiosque. Numéro disponible sur notre boutique en ligne.
➜ Que pensez-vous du regroupement de la SNCF et de Réseau Ferré de France ?
Ce mouvement, qui a été engagé sous la présidence de Nicolas Sarkozy, s’est achevé en 2014 sous celle de François Hollande et le gouvernement Ayrault. Je ne suis pas favorable à ce regroupement.
➜ Pourquoi ?
Parce que je pense qu’il risque d’être utilisé comme une sorte de paravent destiné à masquer les difficultés financières de cette entreprise tant en termes de transport que d’infrastructures.
En tant que parlementaire, j’ai publié plusieurs rapports portant sur la SNCF, directement ou à travers le schéma national d’infrastructures de transport. Si je suis parvenu à mener ces analyses à leur terme, c’est précisément grâce à la distinction entre la SNCF, chargée du transport et RFF, en charge des infrastructures. Elle permettait de sérier les problèmes et les chiffres. Il aurait évidemment été absurde de conserver cette partition dans le seul but de rendre ces analyses possibles, mais je crains que le rapprochement opéré en 2014 ne les complique singulièrement et qu’au final le contribuable ne soit lésé par cette opacité.
➜ Pensez-vous, comme l’affirment certaines associations d’usagers, que la SNCF ait raté le virage du transport quotidien ?
Si vous faites allusion aux difficultés que rencontrent les usagers qui prennent le train tous les jours pour se rendre à leur travail, notamment en Île-de-France, ma réponse est oui.
La SNCF a raté à la fois le virage des Intercités et celui des trajets quotidiens. Sur beaucoup de tronçons, les infrastructures sont en mauvais état. Cette dégradation du réseau ne se limite pas à la région parisienne. Les régions financent les rames TER et l’on observe un décalage entre ces matériels roulants, neufs, en bon état, et le réseau de la SNCF, ancien, vétuste qui empêche les trains de rouler à pleine vitesse. C’est un vrai problème pour les usagers.
Toutefois, je pense qu’il ne faut pas sombrer dans la démagogie et que certains signaux envoyés, comme la gratuité ou la quasi-gratuité du transport sur certaines lignes de TER, sont néfastes. Le transport ferroviaire a un coût qui doit être, en partie, assumé par les voyageurs. En donnant, en quelque sorte, des billets gratuits aux voyageurs, on demande aux contribuables, déjà très sollicités, de financer ces voyages. Ce n’est pas acceptable.
➜ On parle beaucoup du délabrement du réseau en Île-de-France, une région qui concentre environ 70 % du transport ferroviaire. Comment financer sa rénovation ?
Ce réseau est effectivement en mauvais état, tout au moins par endroit, et il faut accélérer les investissements pour le rénover. Ce but sera atteint en améliorant l’efficience du système ferroviaire, mais aussi grâce à la contribution financière de ceux qui l’empruntent. Il faut arrêter de baisser le prix des abonnements et faire payer ce service à son juste prix.
➜ Ce prix n’est-il pas alourdi par le régime spécial de retraite dont profitent les salariés de la SNCF ?
Si. De façon générale, je suis favorable à la disparation de tous les régimes spéciaux de retraite, dont celui de la SNCF, car ils retardent la possibilité d’instituer une véritable concurrence. Cette concurrence sera profitable aux usagers, car une efficience accrue fera baisser les prix. C’est une perspective qui est également favorable aux contribuables qui seront moins sollicités pour boucher les trous.
Malheureusement, le calendrier qui doit mener à cette situation de concurrence, qu’il s’agisse du rail ou de la RATP, est flou et freiné par l’existence de ce régime spécial qui n’a plus lieu d’être et qui rend la rationalisation du système plus difficile.
➜ Un train japonais vient récemment de rouler à plus de 600 km/h. Pensez-vous que la SNCF soit toujours au top, en matière technologique ?
La technologie n’est pas seulement l’affaire de la SNCF, mais aussi celle des fabricants de matériels roulants, dont Alstom.
Même s’il est vrai que depuis 40 ans, le réseau TGV a bénéficié d’une priorité absolue qui a pu être excessive, il ne faut pas le négliger pour autant. Il faut améliorer la performance des matériels afin que la France conserve l’avance qu’elle a acquise en matière de déplacement à grande vitesse.
➜ Certains élus de région regimbent à financer le développement des nouvelles lignes TGV. Les comprenez-vous ?
Bien sûr. Comme l’a récemment indiqué la Cour des comptes, il est légitime de rechercher la rentabilité des lignes et la multiplication des lignes nouvelles peut jouer de façon négative. Toutefois, en lançant la construction de ces lignes, l’État a demandé aux régions de participer à leur financement en contrepartie d’une desserte locale améliorée. Il revient aujourd’hui sur sa parole et les régions hésitent à tenir leurs engagements. C’est tout à fait logique.
➜ Les usagers de la SNCF sont régulièrement pénalisés par des grèves à répétition. Que préconisez- vous pour que cette situation cesse ?
Je pense que le texte de 2007 instituant un service minimum, au sens d’une obligation de moyens, est un bon départ, mais qu’il faut aller plus loin en imposant une obligation de résultat à la SNCF, quitte à braver la fronde syndicale.
Propos recueillis par Didier Laurens
Nouveau numéro ! «SNCF, ça déraille !», Les Enquêtes du contribuable de juin/juillet 2015– 5,50€. En kiosque Vous pouvez commander en ligne ce numéro. Également sur abonnement.Le magazine des contribuables
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