Longtemps réservés aux ados et à la culture populaire, les émoticônes envahissent nos vies en s’immisçant dans nos relations professionnelles, dans la mode (emotiKarl), au cinéma et même en politique ! Il en existerait d’ailleurs aujourd’hui environ un milliard et 6 milliards seraient envoyés chaque jour sur Terre ! D’où viennent les emojis ? Que signifient-ils ? Quelles polémiques soulèvent ces petites icônes expressives ? Et quels messages permettent-ils de faire passer ? Revenons sur cette folie des emojis.
Les emoticons améliorent la communication
Les émoticônes (en français, emoticons en anglais et emojis en japonais) sont des pictogrammes symbolisant un état d’esprit, un sentiment ou une sensation en y ajoutant un caractère d’intensité. Au départ réalisé en combinant des caractères typographiques dans les mails ou les sms, ils ont bien évolué graphiquement. On est désormais loin du basique smiley :-) ou frowney :-(
Les emojis apportent de la subtilité au langage « sms », c’est d’ailleurs pour cela qu’elles ont envahis nos conversations virtuelles quotidiennes jusqu’à investir… le monde du travail. Quel intérêt ? Les emoticons permettent de faire passer le second degré à l’écrit –ce qui n’est pas chose aisé, vous en conviendrez – en complétant nos texte par un élément visuel. En traduisant visuellement une onomatopée et en rendant nos « propos » plus expressifs, il permet d’éviter les malentendus, facteur de nombreux conflits en entreprise. Finalement, les emojis sont pacifistes, on peut les utiliser comme un outil de communication non violente.
BFM Business s’était d’ailleurs amusé à mettre en image les subtilités apportées par les emojis. On peut observer à quel point notre communication en est bouleversée.
French lovers
Qu’on se le dise, les Français aiment les emoticons. Selon une étude d’Instagram (du 2 mai 2015), 50 % des messages Instagram de nos concitoyens utilisent des emojis ce qui nous place en tête de podium des utilisateurs.
Fidèle à leur e-réputation de lovers, les Français utilisent d’ailleurs massivement le cœur (selon une étude The Atlantic, 55 % des emojis envoyés par les Français). L’utilisation des émoticônes est d’ailleurs étudiée par les linguistes du monde entier. Une équipe de chercheurs en psychologie composée de Japonais et de Canadiens a d’ailleurs décrypté les différences culturelles de déchiffrement des expressions faciales. Ainsi, ils ont mis en évidence que les occidentaux se concentrent plus sur les expressions du bas du visage (la bouche) tandis que les japonais se concentrent eux sur l’expression du regard.
Et les emoticons et emojis qui en découlent le prouve !
Emoticons : :) :( :/ :D :P
Emojis : ^_^ n_n ô_O -_- >_< x_x
Politicône : les emoticons font de la politique
Pionnière dans l’usage (massif) des emojis, la présidente du Conseil de sécurité des Nations unies, Julie Bishop a introduit ce langage informel en politique. Notamment hyper active sur son compte Twitter, elle a carrément donné une interview à BuzzFeed en répondant intégralement en emojis. Un coup de comm’ réussi qui lui a permis de gagner 20 000 followers supplémentaires sur Twitter tout en rendant la politique plus accessible.
Inspiré par cette nouvelle tendance, c’est dernièrement le Guardian qui a traduit le discours sur l’état de l’Union de Barack Obama (the State of Union où le président fait le point sur son programme) intégralement en emojis.
Etait-ce un clin d’œil du média au discours du président américain lors de sa visite au Japon en mars dernier, où il a salué « le karaté, le karaoké, les mangas et les animés, et bien sûr, les emojis » ?
Les emojis inspirent les artistes
Cette nouvelle forme de langage n’a pas manqué d’inspirer les artistes. En quelques années, designers et auteurs ont détourné des œuvres majeures à l’aide des emojis. Récemment, c’est le scénario du film culte des frères Cohen « The Big Lebowski » qui a été retranscrit avec ces petites icônes expressives et immédiatement renommé The Big Lebowskemoji.
par Matthew Haughey
Mais ce phénomène n’est pas récent puisque déjà en 2009, un auteur avait lancé le projet de traduire Moby Dick, le roman d’Herman Melville, en emojis. Un projet participatif réalisé grâce au concours de milliers d’internautes « traducteurs ».
Encore plus ambitieux, le designer chinois Xu Bing a écrit le premier roman intégralement rédigé en émoticons. Son ambition était d’écrire « le premier livre qui ne nécessiterait pas de traduction », c’est surtout un exercice de style, un peu comme l’avait fait Raymond Queneau à son époque.
Les emojis pour tous
Les emojis sont également détournés pour faire passer un message en créant le buzz. En février 2015, Apple a ainsi conçu 300 nouvelles icônes permettant de traduire la diversité des ethnies et des orientations sexuelles. Ce lancement a créé la polémique entre les pros (favorables à la représentation des différentes couleurs de peau) et les contres (jugeant que l’emoticon « jaune » était porteur d’un message universel dépassant les couleurs de peau).
En mars 2015, c’est Facebook qui a essuyé une vague de polémiques suite à la création de l’emoji « se sentir gros ». Le géant a plié devant une pétition arguant que « gros n’est pas un sentiment ».
Actuellement, c’est un lobby étonnant, le lobby des roux, qui milite pour la création d’un emoticon roux (2 % de la population mondiale aurait les cheveux roux).
Les emoticons libèrent la parole des enfants maltraités
En mars 2015, une association suédoise a créé des emojis pour aider les enfants maltraités à s’exprimer sur le sujet et à le dénoncer. L’objectif n’étant pas de l’utiliser dans un cadre légal mais d’initier une conversation sur un sujet délicat, puisqu’il leur est difficile de mettre leurs souffrances en mots. Les emoticons peuvent ainsi leur permettre d’exprimer plus aisément leur ressenti.
Féministe jusqu’au bout du clavier
Le site Makers a créé une série d’émoticônes féministes, les femojis, visant à lutter contre les clichés sexistes : policières ou astronautes sont désormais représentées, de même que des personnalités réputées féministes comme Oprah Winfrey, Beyoncé ou Val Demings, la première femme chef de la police (Orlando).
Les emojis ecolo
Enfin, le WWF (World Wide Fund for Nature) a créé des emojis pour sensibiliser de façon ludique l’opinion à la disparition d’espèces animales. L’objectif était de récolter des dons pour sauver ces animaux (0.10 centimes reversés). #EndangeredEmoji