Série TV : « The White Queen » (BBC)

Par Ellettres @Ellettres

Angleterre, 1464. La Guerre des Deux Roses oppose les partisans des Lancastre, anciens monarques d’Angleterre, à ceux des York qui ont conquis le trône. La jeune et belle Elizabeth Woodville est veuve depuis que son mari, appartenant aux Lancastre, a été tué par les York. Pourtant, elle profite d’une rencontre « fortuite » avec le nouveau roi Edouard York pour se faire aimer de lui au point qu’il l’épouse en secret. Quand Elizabeth rejoint la cour en tant que nouvelle reine d’Angleterre elle doit faire face à l’hostilité des plus grands : celle de George, frère cadet d’Edouard, de la reine mère, mais aussi de Richard Neville, le « faiseur de roi ». Enfin, les York doivent sans cesse guerroyer contre ceux qui veulent s’emparer du sceptre et de la couronne, en particulier la « mauvaise reine », femme du dernier roi Lancastre, et lady Margaret Beaufort, mère d’Henri Tudor, prétendant légitime au trône. Or Elizabeth, la « reine blanche » (couleur des York) commence à ne mettre au monde que des filles, soit aucun héritier mâle pour la Couronne…

C’est donc dans un monde de rivalités mortelles pour le trône d’Angleterre, en ce XVe siècle houleux, qu’Elizabeth mène sa barque pour assurer le trône à sa descendance, avec comme seules armes sa beauté légendaire et les pouvoirs hérités de sa célèbre aïeule, la fée Mélusine. Mis à part ce détail romanesque (un chouïa cucul), cette série  de 10 épisodes suit d’assez près l’histoire anglaise d’un siècle qui se prête bien aux intrigues ! Trahisons, disparitions mystérieuses, vengeances, et un véritable combat de reines, qui au-delà de la politique des hommes, tirent les ficelles de leurs destins : l’Histoire ne cède en rien aux histoires sorties de l’imagination la plus débridée. C’est dire si cette période de l’histoire de l’Angleterre – que je connaissais mal – se prêtait bien à la narration romanesque. La série s’inspire d’ailleurs de romans historiques écrits par Philippa Gregory.

C’est encore une fois grâce au site N**flix que j’ai pu y avoir accès : je conseille ce site à tous les amateurs des productions de la BBC (non je n’ai pas d’actions chez eux).

Elizabeth, the « White Queen »

L’actrice jouant Elizabeth est véritablement très belle : c’est un plaisir de la regarder dans ses tenues chamarrées, parfois ourlées d’hermine, le port de tête gracieusement souligné par de savants jeux de tresses et le regard bleu résolu. Sa mère, lady Jacquetta, ancienne dame d’atour de Marguerite d’Anjou, la « mauvaise reine », est aussi remarquable de grandeur et d’autorité. Son regard est celui d’une louve. Mère et fille auront de très nombreux enfants dont elles veillent jalousement sur le destin. Elles parviendront à transmettre la couronne à leur lignée… mais pas de la façon dont elles l’imaginaient. Là encore, l’histoire rejoint la fiction dans l’épilogue de la série… Et pourtant, les faits historiques corroborent l’incroyable méli-mélo qui clôt la mort du roi Edouard : accession du fameux Richard III immortalisé par Shakespeare (un personnage complexe et assez émouvant), puis accession de… Je vous laisse voir la série ou ouvrir un livre d’histoire pour percer le fin mot de l’histoire (« fin mot », façon de parler, puisque les conséquences de cette histoire s’étendent jusqu’au fameux règne d’Henri VIII Tudor au siècle suivant ; ce qui est une transition idéale pour vous signaler l’exposition sur les Tudors qui a lieu en ce moment au Palais du Luxembourg décrite ici). Ça peut être utile de consulter de temps en temps un arbre généalogique des dynasties royales d’Angleterre, parce qu’on s’y perd un peu entre tous ces Edouard, Henri, Richard, qui sont tous cousins de surcroît.

Bref, on se rend compte qu’on se trouve à un véritable carrefour de l’histoire de l’Angleterre, marquée par la fin de la Guerre de Cent Ans et des prétentions territoriales en France, et que tous ces Grands doivent sacrément s’ennuyer pour se faire ainsi la guerre entre eux. Du coup je comprends mieux un Hobbes qui déclare au siècle suivant que « l’homme étant un loup pour l’homme », l’état de guerre perpétuelle est inévitable (à moins de mettre en place un Super Etat).

Amis ou ennemis ?

Les décors de la série sont aussi à signaler : tournée pour l’essentiel dans des châteaux belges (!) ou dans l’hôtel de ville de Bruxelles pour la tour de Londres, la série nous introduit de plain pied dans ce siècle de fer et de pierre, adouci par les feux qui rougeoient dans les âtres, les lourdes tentures pourpres, émeraudes ou d’or et les bons festins donnés à la cour. Les personnages secondaires sont foison, certains très bien campés. Mention spéciale à Margaret Beaufort, personnage le plus énigmatique du film : à la fois illuminée, persuadée contre toute espérance, du destin royal de son fils, et en même temps capable de la plus grande duplicité, elle est un personnage sombre et ardent, véritable contrepoint de la blanche reine Elizabeth.

Venons-en maintenant aux aspects qui m’ont moins plu :

– Le roi Edouard tout d’abord : l’acteur semble sorti tout droit d’un teen movie de série B. Chef de l’équipe de rugby de son lycée, d’accord. Roi d’Angleterre ? Moins sûr.

« Non, non, je ne suis pas l’ailier droit de l’équipe de rugby locale, mais bien ton Roi en armure, my dear Elizabeth ! »

– Des scènes érotiques assez complaisantes et qui n’apportent pas grand chose au récit. Je ne suis pas contre la représentation de l’amour à l’écran, mais quand ces scènes reviennent à tous les épisodes de façon crue et/ ou mielleuse, je trouve ça lassant. Une seule scène de ce genre est réussie car très émouvante : la rencontre entre Anne Neville et Richard jeunes mariés.

– La répétitions des scènes de guerre, de meurtres, d’exécution… A la moitié de la saison, ça s’emballe tellement que le rythme des épisodes ne repose plus que là-dessus.

– Enfin, il ne faut pas s’attendre, malgré le soin apporté aux décors (ou peut-être à cause de cela ?) à une reconstitution historique minutieuse. J’ai en particulier été déçue du peu de place accordé à la religion à une époque où Eglise, pouvoir politique, vie sociale et culturelle étaient tellement imbriqués. A part dans les scènes de couronnement et de demande de refuge, on ne voit passer aucun ecclésiastique. De même, le « petit peuple » est très peu présent. Mais le « bruit et la fureur » des grands prennent déjà tellement de place dans le récit qu’il était peut-être compliqué d’ajouter des scènes de genre, ces scènes qui me plaisent tellement chez un Alexandre Dumas par exemple (Le siège de la Rochelle, ah ! Je lui dois une partie de ma culture historique, même s’il n’est pas bon de trop se fier aux romans de Dumas pour cela !).

Enfin, il ne faut quand même pas prendre The White Queen pour une bête romance sentimentale comme je l’ai lu dans Télérama. Monsieur Illettres et moi avons eu l’occasion de disserter de théorie politique et notamment de l’intérêt d’un roi (ou d’une reine !) pour incarner la communauté politique de façon vivante et (relativement) accessible. Il n’y a qu’à voir l’emballement actuel autour de la naissance de Lady Charlotte de Cambridge, je-ne-sais-plus-combientième dans le rang de succession au trône du Royaume Uni de Grande Bretagne et d’Irlande du Nord (ouf, tout y est ??), pour se rendre compte du besoin de concret et de mythe de la plupart de nos concitoyens ;-)

Cet article est publié dans le cadre de la journée « rois et reines » du Mois Anglais !