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Les vacances d’été, l’espace-temps du rêve : « Les Géants », de Bouli Lanners (2011)

Par La Nuit Du Blogueur @NuitduBlogueur

En 2011, sort en Belgique Les Géants de Bouli Lanners, un film qui prend pour cadre les vacances d’été. Deux frères, Zak et Seth, respectivement âgés de 13 et 15 ans, sont envoyés pour les vacances d’été dans la maison de leur grand-père, sans aucun adulte pour les accompagner. Le duo devient rapidement un trio puisque Danny, un autre adolescent du coin, les rejoint pour ne pas s’ennuyer seul. Comment vont-ils profiter de cette absolue liberté ? Comment vont-ils se débrouiller sans leurs parents ? 

Les vacances d’été s’inscrivent dans une temporalité et un espace distendus. Bouli Lanners a voulu fixer le cadre de son récit pendant cette période singulière afin de pousser la liberté jusqu’à son extrême limite, de s’affranchir des codes moraux liés à l’adolescence. 

Le film se construit en deux parties. La première partie du film concerne l’exaltation de la liberté, aussitôt contrebalancée par la seconde partie, mettant en scène les contraintes que cela suppose. 

© Versus Production

© Versus Production

Les vacances d’été : un espace-temps hors du réel

D’une part, le temps est suspendu, latent et finalement absent car les personnages n’ont aucun devoir à suivre, ils évoluent hors du temps. D’autre part, l’espace paraît être un terrain de jeu sans limites : le choix des Ardennes est cohérent parce qu’il est composé de très nombreuses forêts. Les trois adolescents abandonnent alors la civilisation pour la nature. Pour autant, deviennent-ils des enfants sauvages ? 

Tous les personnages adultes sont présentés comme des monstres. Le frère de Danny, Angel, est celui qui cristallise le plus cette monstruosité. Véritable bête de violence, il ne fait que frapper son petit frère dès qu’il le voit. Angel est une figure outrancière et caricaturale, à tel point qu’il s’apparente davantage au fantasme qu’au réel. Il est la caricature de la pression exercée par le monde adulte sur l’adolescence. 

Ce monde adulte est constitué de références caricaturales ou absentes. Le seul lien qu’entretiennent Zak et Seth avec leur mère se fait par téléphone. Zak pense que celle-ci va les rejoindre bientôt, mais elle n’est pas là, elle n’est qu’une voix à peine audible, une présence fantomatique et finalement dérisoire. 

Zak, Seth et Danny sont les géants du film. Ils sont les héros d’une histoire marquée par la démesure. Les Géants c’est une aventure initiatique où trois ados doivent faire comme s’ils étaient soudainement devenus plus grands, devenus adultes. 

© Versus Production

© Versus Production

L’écriture du conte

Si le film tend à être hors du réel, c’est parce qu’il laisse place à l’imaginaire. Les personnages subissent une trajectoire qui ne cherche pas à les placer sur une échelle de la morale. Le spectateur n’est jamais invité à les juger ni même à les plaindre. Il n’y a aucune volonté sociale dans Les Géants. Ce sont simplement trois gamins vivant au gré de leurs envies, confrontés à un monde souvent absurde. Le paroxysme absurde du film survient quand Zak et Seth vendent leur maison à un dealer du coin, surnommé Boeuf pour son air apathique. La posture et les expressions du dealer sont à la limite du risible, faisant sourire, sans susciter une quelconque inquiétude chez le spectateur. 

Ainsi, l’écriture du film est en quelque sorte une réécriture contemporaine du conte. La monstruosité et l’animalisation des personnages autour d’eux en est un point révélateur. 

Les actions du trio principal sont envisagées sous le prisme du jeu. Trouver un refuge pour dormir est à chaque fois une nouvelle odyssée. Bien entendu, la seconde partie du film met en exergue les travers de cette liberté atrophiée. Pour autant, les enfants balaient d’un revers de main le fait d’avoir été abandonnés. Ils sont des Hansel et Gretel revus au goût du jour, faisant de la misère de leur situation un moyen de s’approprier le monde. 

S’ils sont des géants, c’est également parce qu’ils apparaissent comme des rois improvisés de la nature qu’ils parcourent. La forêt est un espace souvent utilisé comme élément horrifique du conte enfantin. Cependant, dans le film de Bouli Lanners, la nature ne leur est pas hostile, bien au contraire. Chaque plan filmé de la forêt est un tableau mettant en relief la luxuriance de la nature : par essence, l’espace même de la liberté.

© Versus Production

© Versus Production

Bouli Lanners, connu également pour son goût pour la peinture, n’emprisonne pas ses personnages au sein d’un cadre assommant : il élève de simples enfants au rang de géants de la nature. Ces tableaux cinématographiques sont maîtrisés, notamment celui de la balade en barque. La beauté des plans, l’optimisme des personnages et la forme du conte sont autant d’éléments qui font des vacances d’été une période en effet hors du réel, puisque propice à un univers onirique, où les enfants sont les héros de leurs propres histoires. 

Jean-Baptiste Colas-Gillot

 

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