Nous nous trouvons dans l’ère de la communication. Si nous négligeons l’aspect technique de la communication, considérablement étendu avec le développement de l’Internet, la communication est fondée sur une relation établie entre deux entités. Cette définition implique que les deux parties disposent dans cet échange des mêmes possibilités, qu’ils se trouvent ainsi à égalité. Vous avez sans doute remarqué que bien souvent il n’en est rien. Il n’y a guère de symétrie dans les échanges entre les gouvernants et les citoyens, une entreprise et ses employés, un commerçant et ses clients. Ce déséquilibre est poussé à l’extrême dans les applications informatiques qui fleurissent sur l’Internet. Si l’émetteur peut submerger le receveur d’une foule d’informations arrangées comme il l’entend, le destinataire a les plus grandes difficultés à faire connaître son sentiment. C’est tout juste si, parfois, on lui permet de choisir entre quelques phrases prédéfinies. Avez-vous déjà tenté de trouver sur le site d’un fournisseur ne serait-ce que son adresse postale ? Les chantres de ce mode d’échange en célèbrent l’interactivité, comme si chaque partenaire pouvait à tout moment en modifier le cours. En réalité, il ne s’agit que d’une conversation dont le déroulement est réglé par l’émetteur.
Ce mode de communication est poussé à l’extrême par les médias. Ainsi, début juin, les statistiques officielles ont fait apparaître qu’au mois d’avril le nombre de demandeurs d’emploi sans aucune activité (catégorie A) avait connu une hausse de 26 200 personnes. Des journaux titrent alors : « 26 200 nouveaux chômeurs en avril », ce qui est tout simplement inexact. Il est en effet vraisemblable que l’on puisse trouver, parmi ces chômeurs, des personnes qui, ayant été précédemment au chômage, avaient fini par retrouver un emploi avant de le perdre en avril. On ne saurait les qualifier de nouveaux chômeurs puisque, malheureusement, ils avaient déjà fait l’expérience de cette situation. D’autre part, retrouvant un travail, certains chômeurs sont venus diminuer le nombre des demandeurs d’emploi. De même que, sans connaître semblable changement, d’autres se sont vus radiés. Si la croissance du nombre de chômeurs est bien de 26 200, le nombre des nouveaux inscrits au chômage est inévitablement supérieur à cette valeur. Premier exemple des méfaits de la communication qui a tendance à arranger l’information à sa guise.
Il y a pire. Le 15 juin, AbdelazizBouteflika, président de la République algérienne, a reçu dans sa résidence François Hollande. À cette occasion, notre président a déclaré : « C’est rare de rencontrer un chef d’Etat qui a cette alacrité, cette capacité de jugement », ajoutant « Ce que je peux vous dire c’est que la qualité de la discussion que nous avons eue pendant près de deux heures était particulièrement intense et particulièrement élevée ». Il n’a pas craint de souligner encore davantage les performances intellectuelles de son hôte : « Il a toutes les capacités, et il l’a montré, pour apporter sa sagesse et son jugement pour régler les crises du monde ». Voilà de la com’, et tant pis si elle s’apparente plutôt à une manifestation de charité.