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Le Sarko- berlusconisme existe-t-il ?

Publié le 03 juin 2008 par Danielriot - Www.relatio-Europe.com
Silvio Berlusconi
Crédit photo :  Roberto/FlickR

L'éditorial de Daniel RIOT

Aujourd'hui, à Rome, en marge du sommet de la FAO (l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture), Silvio Berlusconi et Nicolas Sarkozy vont dans une bonne humeur non feinte s'auto-congratuler mutuellement plus que se saluer officiellement. Première rencontre entre deux « politique-people » qui disent haut et fort leur joie d'avoir à travailler ensemble.

Sarko est ainsi le premier visiteur officiel  de « il Cavaliere » de retour au pouvoir. Il avait d'ailleurs été le premier à le féliciter après sa victoire du 14 avril. Et la presse italienne est pleine d'analyses prophétiques sur l'axe Paris-Rome.

Cohn-Bendit ne dit-il pas lui-même que « les deux hommes ont la même vision de la société » ? Des analyses de textes montrent d'ailleurs de belles similitudes...sur le fond et dans la forme entre les discours des deux hommes à propos de maints sujets.

Ils s'apprécient mutuellement, paraît-il... Sans doute. Puisqu'ils se ressemblent sans être semblables...Tous les deux jouent (bien) dans des registres qui en font des dirigeants politiques atypiques. Comédiens, ils savent s'adapter (un peu trop même) à ce qu'ils croient être les attentes de leurs publics. Ils affichent un parler franc (qui n'est pas forcément un parler vrai). Ils se veulent séducteurs   et affichent un besoin d'être aimés...en méprisant ceux qui osent   ne pas tomber sous leurs « charmes ». Ils adorent ce qui brille, les paillettes, le style « bling bling », la frime-fric. Ils sont maîtres dans l'art du « moi, je ». Chez l'un comme chez l'autre, la communication politique est d'abord... une politique de communication. Qui les incite à s'auto-valoriser à propos de tout ce qui va (à peu près) et à trouver des boucs-émissaires pour tout ce qui ne va pas.

Ces deux artistes de la politique ont d'autres points communs. Ils sont meilleurs dans la conquête du pouvoir que dans son exercice. Ils sont fascinés par le modèle américain   de la compétition et de l'individualisme triomphant. Ils n'ont pas une doctrine économique très claire, mais hybride, avec des excès de capitalisme et .d'interventionnisme. Ils adorent avoir la presse et les médias à leurs bottes ou sous leurs influences. Ils se disent très « européens » tout en ne cessant pas de critiquer les instances européennes. Ils parlent au nom du peuple « qui travaille » et « qui se lève tôt » tout en favorisant ceux qui font d'abord bien travailler leur argent. Ils se veulent   hyperactifs et omniprésents, au risque de manquer de cette distance qui fait le bon « manager ». Et de jouer les surfeurs du présent plus que les cultivateurs de l'avenir.

Sarkozy's meeting in Toulouse for the 2007 French presidential election 0226 2007-04-12 cropped
Crédit photo : Guillaume Paumier/FlickR 

Pour le reste, ils appartiennent à des générations différentes. L'Italien   trouve dans le pouvoir politique le couronnement d'une carrière d'homme d'affaires qui l'a rendu richissime. Le Français est fasciné par une richesse qu'il connaît plus par procuration (jusqu'à présent) que par réussite entrepreneuriale. Et face aux défis de leurs droites extrêmes respectives, ils sont dans deux positions opposées : Nicolas a réussi (provisoirement) à affaiblir la sienne. Silvio doit composer avec la sienne (ce qui ne le gêne guère). Et leur « sans gêne » ne sont pas les mêmes. L'humour et les humeurs de Berlusconi sont plus « impudique » (pour reprendre un qualificatif du « Monde ») que ceux de Sarkozy, plus calculateur et moins provocateur.

Reste la question que se posent bien des partenaires de la France et de l'Italie : Le « Sarkoberlusconi » existe-t-il et si oui quelles conséquences son succès peut-il avoir sur la vie de l'Union européenne (et sur l'union pour la Méditerrané) ?

SARKOBERLUSCONISME. Le néologisme est de Pierre Musso, professeur de Sciences de l'information et de la communication à l'université de Rennes II, et chercheur associé au Centre de recherches et d'études sur la décision administrative et politique (CRÉDAP, université de Paris I). Dans son livre intitulé « Berlusconi, le nouveau prince », il estime que ce premier ministre italien est en passe d'inaugurer une nouvelle manière de faire de la politique. Dans son essai sur le « Sarkoberlusconisme » (éditions de L'Aube) il compare ces deux personnalités qui manient les mêmes technologies de gouvernement « Le sarkoberlusconisme est un américanisme latinisé plastique, capable de s'adapter à des réalités nationales différentes. Ce nouveau modèle politique néolibéral euro-méditerranéen, de type bonapartiste, combine l'autorité de l'Etat, la révérence à la catholicité et la référence à l'entreprise. »

Une chose est sûre : Il ne faudrait pas que Sarkozy se laisse influencer par son ami Berlusconi dans sa manière d'assumer la Présidence du conseil de l'Union européenne : Il Cavaliere dans ses expériences européennes précédentes n'avait brillé que par son bronzage permanent. Sa bonne mine apparente ne l'avait pas empêché de faire mauvaise figure : sa présidence fut sans doute la plus négative (à tous points de vues)  de l'histoire de l'Union.

Daniel RIOT



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