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Gazel au fond de la nuit, Aragon et Gnawa diffusion, Bab el oued

Publié le 29 mai 2008 par Emmanuel

Ce jour de pluie me donne envie de braises…

Je suis rentré dans la maison comme un voleur
Déjà tu partageais le lourd repos des fleurs

J’ai retiré mes vêtements tombés à terre
J’ai dit pour un moment à mon coeur de se taire

Je ne me voyais plus j’avais perdu mon âge
Nu dans ce monde noir sans regard sans image

Dépouillé de moi-même allégé de mes jours
N’ayant plus souvenir que de toi mon amour

Mon secret frémissant qu’aveuglement je touche
Mémoire de mes mains mémoire de ma bouche

Long parfum retrouvé de cette vie ensemble
Et comme aux premiers temps qu’à respirer je tremble

Te voilà ma jacinthe entre mes bras captive
Qui bouges doucement dans le lit quand j’arrive

Comme si tu faisais dans ton rêve ma place
Dans ce paysage où Dieu sait ce qui se passe

Ou c’est par passe-droit qu’à tes côtés je veille
Et j’ai peur de tomber de toi dans le sommeil

Comme la preuve d’être embrumant le miroir
Si fragile bonheur qu’à peine on peut y croire

J’ai peur de ton silence et pourtant tu respires
Contre moi je te tiens imaginaire empire

Je suis auprès de toi le guetteur qui se trouble
A chaque pas qu’il fait de l’écho qui le double

Je suis auprès de toi le guetteur sur les murs
Qui souffre d’une feuille et se meurt d’un murmure

Je vis pour cette plainte à l’heure ou tu reposes
Je vis pour cette crainte en moi de toute chose

Va dire ô mon gazel à ceux du jour futur
Qu’ici le nom d’Elsa seul est ma signature

Louis Aragon (Le Fou d’Elsa, 1963)


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