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Dire du mal des frontaliers et des français, c’est fun

Publié le 30 juin 2015 par David Talerman
 french bashingAprès avoir écrit qu’il n’était plus possible de parler des relations franco-suisses sans s’attirer des ennuis, je persiste et vais vous dire ce que je pense du dossier de l’Hebdo, qui me laisse un goût amer. L’article central « Au secours, mon chef est Français » donne, à mon sens, la réalité de situations parfois vécues par les uns et les autres, et il met l’accent sur des différences culturelles effectives, ainsi que sur les difficultés pour les Suisses d’avoir un manager Français. Je suis très réservé sur la forme de l’article : je suis fondamentalement persuadé de la réalité du fond et des difficultés des relations franco-suisses. Je le suis moins par les nombreux témoignages qu’on y trouve, qui tiennent plus du café du commerce qu’autre chose. Ce que Thierry T. pense de son beau-frère qui est Français et frontalier n’a, en soi absolument aucun intérêt, et vient accréditer de fort mauvaise manière une façon de voir les choses qui ne repose sur rien de concret hormis… quelques témoignages. Comme me le disait une amie, un article sur les différences culturelles entre la Suisse et la France aurait été intéressant, mais la manière dont cela est fait discrédite totalement le propos.Ce qui me dérange également, c’est que ce dossier est pratiquement intégralement tourné sur frontaliers français. Il dérange également par le contexte : cela fait plusieurs mois, voire plusieurs années qu’on entend des incivilités sur les Français et les frontaliers, et ce de manière parfois totalement décomplexée. Ce qui dérange surtout, c’est précisément que cela vienne de l’Hebdo, un magazine pas franchement réputé pour soutenir les thèses du MCG. Et le dossier de l’Hebdo arrive à un moment où on n’avait probablement pas besoin de tout ça. Et en tout état de cause, la couverture de l’Hebdo est totalement scandaleuse.Dire du mal des frontaliers français, c’est fun, mais pas sans risqueDepuis quelques années, en Suisse romande, on a le sentiment qu’il est devenu fun de dire du mal des frontaliers et des Français. C’est un peu le sujet de blagues, et ça tourne parfois à l’humour potache. L’air de ne pas y toucher, on contribue à diffuser dans l’opinion publique l’idée selon laquelle être frontalier ou français, c’est mal. C’est en  général pas très méchant, mais ce n’est pas très gentil non plus. Surtout, c’est usant, notamment quand on a l’impression d’être bien intégré, d’avoir de bonnes relations, et d’être utile pour la société au sens large, ce qui est le cas de la plupart des frontaliers. On dirait que le fameux « Vivre ensemble helvétique » a été un peu vite oublié. Que les frontaliers ne soient pas toujours très bien intégrés, c’est vrai. Que les Français soient, pour certains, forts en gueule, je l’entends. Mais tout ceci ne mérite pas un tel traitement.Ce que décrit l’Hebdo est probablement une réalité, mais pas la réalité. Ici, sur nos différents sites, nous avons de nombreux retours et témoignages d’actes plus ou moins xénophobes et anti-frontaliers voire anti-français, et aussi de Suisses qui se sentent mal à l’aise dans leur entreprise à cause d’un management à la française, mais le Web et les réseaux sociaux sont en général très polarisants.Le 1er risque pour les entreprises suisses est économique : petit à petit, de tels propos mettent mal à l’aise les frontaliers qui, d’une manière ou d’une autre, seront moins efficaces au travail, moins agréables, moins à l’aise. Et donc moins productifs à l’échelle de l’entreprise et pour l’économie suisse. Le 2ème risque est lié à l’image que la Suisse donne à l’étranger, et notamment aux talents. Une personne qui a le choix de travailler n’importe où dans le monde, y réfléchira à deux fois avant d’accepter un poste dans un pays qui traite de telle manière certains de ses travailleurs étrangers.Nous en avons marreJ’ai apprécié les témoignages de sympathie de certains suisses sur notre page Facebook, ainsi que les retours spontanés de certains pas « tout à fait » d’accord avec la manière de faire de l’Hebdo. Ca fait du bien, on se dit qu’on n’est quand même pas complètement à côté de la plaque, et que ce n’est pas normal.Je crois qu’il est temps à présent d’arrêter le « frontalier et le french bashing » et de reconnaître enfin l’importance et l’apport des frontaliers pour l’économie suisse. Genève sans frontalier n’existe pas. La Suisse sans étranger ne tourne plus. Il n’est pas possible de tourner le dos à une communauté qui contribue tant pour l’économie, encore moins de la traiter de la sorte. Alors c’est vrai : certains frontaliers et certains français n’ont pas encore franchement compris qu’ils n’étaient pas chez eux en Suisse, avec tout ce que cela peut représenter, et tous les agacements que cela peut engendrer. Mais il s’agit d’ignorance, une crasse méconnaissance de la culture suisse, et parfois un refus d’ouverture culturelle. Mais nous ne méritons pas ça. Du moins pas comme ça. Alors s’il vous plait messieurs les journalistes, évitez le sensationnel la prochaine fois que vous ferez un article de la sorte, et réfléchissez aussi à ce que vous pourriez dire de vos collègues frontaliers dans les entreprises.Comme elle me semble loin l’époque où l’Hebdo titrait « Et si les étrangers partaient tous« … Dire du mal des frontaliers et des français, c’est fun 5.00/5 (100.00%) 1 vote PARTAGEZFacebook0Twitter0Google+2LinkedIn0

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