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La stratégie de la Renaissance de la marque Kenzo décryptée dans l’Interview Très Stratégique

Publié le 02 juillet 2015 par Darkplanneur @darkplanneur

Encore quelques semaines et nous pourrons tous basculer en mode ‘vacances’, mais avant cela, Darkplanneur se devait de vous faire un dernier cadeau chers lecteurs, histoire de célébrer l’arrivée des beaux jours, mais surtout de cette double fashion week parisienne de fin d’année (Hommes + Haute-Couture), avec le décryptage raconté de l’intérieur de la renaissance d’une marque mythique: KENZO

Darkplanneur a eu la chance d’interviewer Sophie Metzker architecte du reboot de la marque aux côtés des Directeurs Artistiques stars Humberto Leon et Carol Lim.. voici la pensée Stratégique d’une femme de l’ombre, et qui aime ça!

Darkplanneur: On peut le dire, Kenzo fait son grand retour depuis quelques années. Disposez-vous de quelques chiffres pour en attester ?

Sophie Metzker : Ah mais je n’ai pas le droit de révéler ce genre de choses, même pour Darkplanneur… Je peux seulement vous dire que nous avons doublé le chiffre d’affaires en 3 ans.

D: Hier, un peu endormie, Kenzo est redevenue l’une des marques les plus désirables du groupe LVMH, voire du monde. Comment expliquez-vous ce revirement ?

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Sophie Metzker : Il y a plusieurs facteurs, le premier étant d’avoir su trouver les designers qui ont compris l’ADN de la marque. Kenzo Takada est un personnage extrêmement publique qui a créé le prêt-à-porter avec des contemporains tels que Jean Paul Gaultier, à l’époque où le marché français était aux mains des grandes maisons de couture. Il a apporté un vent de fraicheur et de nouveauté en étant très reconnu pour son espièglerie, le côté « la mode est dans la rue », les imprimés, les couleurs… C’est ce qui a fait le succès de Kenzo pendant 30 ans.
Il y a 10 ans, LVMH a essayé d’en faire une marque de luxe avec un réseau retail, une augmentation des prix mais cela n’a pas été un succès car ce n’est pas l’histoire de Kenzo : Kenzo n’est pas une marque de luxe, c’est une marque populaire au sens pop.

Humberto et Carol sont les enfants spirituels de Kenzo Takada. Avec leurs énergies californienne et new yorkaise très street style, ils ont revu la politique de prix à sa juste valeur (value for money), ont réinjecté beaucoup de fun et d’inspiration puis ont fait venir un gang de talents divers et variés. C’est très américain, ils sont dans cette logique « cross channel ».

Nous avons construit une communauté autour de la marque, autour de notions de fun, d’authenticité et de culture, c’est très contemporain. Kenzo est une marque qui ne se prend pas au sérieux mais qui défile à Paris avec 40 ans de patrimoine. Donc je pense qu’il y a un mix assez intéressant, c’est ce que j’appelle le « Design to wear » qui est LE positionnement de Kenzo et que nous avons d’ailleurs déposé. Nous sommes à la fois créatifs car nous faisons comme les grandes maisons de mode : on défile, on fait des films, de la pub et en même temps « to wear » car nous faisons des créations portables dans la rue et achetables par quasiment tout le monde.
Donc cette tension entre la création et l’efficacité est un modèle assez unique. Cette galaxie qui est en train de se créer reste autour des valeurs d’origine. Donc la marque retrouve ce qu’elle était avec des codes d’aujourd’hui et je pense que c’est cela qui en a fait le succès.

D: Quelles sont les recettes de votre succès ? Expliquez nous le reboot Kenzo?

SM: Je pense qu’il y a le fait de travailler en 360. Au-delà d’embaucher des talents, des patrons, la presse, les boutiques, le online… nous réfléchissons constamment à une organisation cohérente afin que nos différents talents puissent travailler ensemble. Humberto et Carol ont 3 projets à la seconde, mon job est de choisir sur lesquels nous allons capitaliser. Il s’agit de la politique de « few but big ».

Aujourd’hui, cette incroyable manière de travailler tous les projets en 360 (en étant cohérent du défilé au point de vente) nous a permis d’exploser le chiffre d’affaires.

Après Vuitton, nous sommes numéro 2 sur le podium en termes de chiffre d’affaires au Printemps, devant Prada et Gucci : et il faut que j’en vende beaucoup de sweats Kenzo pour atteindre le prix d’un sac Gucci ! C’est une structure unique par rapport à toutes les maisons d’LVMH.

D: Saint Laurent – Kenzo – Céline – Chanel, etc… quelles sont les recettes pour survivre à son créateur ? (Survivre au sens où le créateur n’est plus là). Quelles pourraient être les recettes du succès ?

Sophie Metzker : Je pense qu’il faut rester fidèle à l’essence de la marque.
L’intelligence d’Hedi Slimane chez Saint Laurent a été de revenir à un ADN non connu de tous, de se reconnecter à l’univers de la musique mais en y ajoutant ses goûts personnels à savoir la scène rock. Il faut se concentrer sur le mythe fondateur de la marque et savoir inventer la sauce, c’est à dire comprendre la marque, la percevoir et l’aimer pour ce qu’elle est sans essayer de la pervertir. Tout le monde connait Kenzo donc nous bénéficions d’une notoriété, il y a un vrai goodwill derrière cette marque dont il ne faut surtout pas perdre l’essence.

D : Comment travaille le duo Humberto Leon et Carol Lim ?

Sophie Metzker : Ils sont ensemble depuis qu’ils sont nés. Elle est la grande papesse de la communication et du business ; c’est une grande manageuse. Lui est le designer ultra créatif mais sans contrainte de timing. Leur duo fonctionne très bien car ils sont complémentaires.

Le premier enjeu est de trouver les bons produits qui correspondent à la marque mais aussi au style qu’ils apprécient. Il faut que chacun fasse son chemin l’un vers l’autre. Mon équipe et moi avons un rôle de chef d’orchestre. Carol va me dire « ça serait sympa que l’on crée une fête chaque année, un rdv Kenzo parce que c’est important que l’on fasse venir nos amis de la maison et que l’on donne vie à cet esprit communautaire pour qu’il ne soit pas seulement virtuel ». Mon job est alors de trouver une solution.

C’est la raison pour laquelle il y a deux ans, je lui ai dit que nous allions faire un 4 juillet Américain à Paris : 800 personnes, barbecue, Big Fernand, feux d’artifice. Nous avons fait une soirée canon, c’était vraiment sympa et ils ont adoré parce que personne ne l’avait encore fait.

D: Le fait de posséder Opening Ceremony apporte t-il un plus ?

Sophie Metzker : Evidemment ! Cela apporte un énorme plus car ils sont acheteurs.

C’est à dire qu’ils voient toutes les collections des marques les plus hype un an avant tout le monde, ils sont au coeur des tendances, ils sont à la fois en amont et en aval. Ils ont l’occasion de se nourrir de tendances différentes, parfois je me dis « c’est dingue, cette robe est pile dans l’air du temps », mais c’est normal car ils sont immergés dans un tel terreau de créativité ; ils voient tellement de choses qu’ils sont toujours justes.

La deuxième chose qui nous aide beaucoup c’est qu’ils n’ont pas honte de faire du business. Ils sont à la fois américains et chefs d’entreprise. Si ça ne marche pas, ils passent à autre chose. Ils ont une notion de la performance que l’on ne trouve pas sur des designers européens.

D: Comment votre travail s’inscrit-il dans leur vision ? Comment marche votre trio finalement ?

Sophie Metzker : Je suis l’homme de l’ombre. Je mets en oeuvre leurs idées, il m’arrive d’en proposer mais ce n’est pas pour cela que je suis là. Je ne suis pas là pour faire de la création mais pour évaluer laquelle sera la plus pertinente pour la marque et je dois les aider à garder le cap. Lorsque nous définissons une stratégie, nous devons nous y tenir. Je suis à la fois le partenaire, l’arbitre et le « make it happen » jusqu’au bout.

Dans la mode, nous changeons de collection tous les 6 mois, mais une de mes convictions était de garder un axe de communication spécifique et fort. Voilà pourquoi j’ai suggéré à Humberto et Carol de garder sur plusieurs saisons ToiletPaper comme créateur de nos campagnes de communication. Un succès depuis puisque quand nous interrogeons les gens lors de focus group, ils parlent encore de la pub d’il y a 5 ans.

D: Quel est le positionnement de Kenzo ?

Sophie Metzker : C’est le « Design to wear » comme expliqué plus haut… J’aimerais bien faire de Kenzo l’équivalent français d’un Ralph Lauren aux États-Unis, d’un Burberry en Angleterre ou d’un Armani en Italie, même si ces marques ont un peu vieilli. En France, c’est vraiment la seule marque à pouvoir porter ce côté libre, borderless, inviting, cool-chic à la française qui peut à la fois parler aux hommes, aux femmes, aux enfants et se développer sur la maison comme une mega marque. C’est la créativité au service du business. L’image au service de l’efficacité.

Ce qui est magique, c’est lorsque les deux cohabitent et se nourrissent mutuellement.
Chez LMVH il n’ya jamais vraiment d’opposition, il y a toujours de jolis duos CEO / DA, cette tension là, nous l’appelons « Deal with ambiguity » parce que c’est à priori des choses qui s’opposent alors que ce sont des choses qui se nourrissent.

D: La communication de la marque est un vrai élément distinctif dans l’univers de la mode. Comment définiriez-vous l’écriture publicitaire Kenzo ?

SM : Elle est volontairement décalée, surréaliste au sens littéral du terme. Ce que je trouve intéressant dans le surréalisme, c’est qu’il y a une première lecture interpellante et une seconde plus stimulante intellectuellement. Il y a un côté à la fois immédiat/facile et un côté plus référent à des films, des univers.
Nous n’avons pas d’égéries, c’est l’image qui doit parler. La marque n’est pas dans cette aspiration du mannequin du moment. Il y a également une référence nette aux années 50, à l’univers d’Hitchcock, aux jeux visuels, c’est du coquin. Il était donc très important pour nous de se démarquer des codes traditionnels de la mode.
Pour notre première campagne de retour, nous avons rencontré Jean Paul Goude, nous souhaitions relancer une marque communautaire, mixte, cool, jeune et qui ne s’exprimerait pas comme les autres…

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Il est tout de suite revenu avec une idée créative qui a immédiatement remporté l’adhésion, avec ce petit côté asiatique, cette DA graphique : un « upside down » qu’on ne sait pas dans quel sens regarder. Cela a créé un univers riche : ça dit le X, le tribal, la transgression.. et je pense que Jean Paul Goude et l’équipe de ToiletPaper par la suite nous ont aidés à exprimer en une seule image toutes les valeurs de la marque.

D: Comment s’effectue le processus créatif d’une campagne Kenzo ?

SM : Il s’agit de trouver le bon artiste comme Jean Paul Goude, Maurizio Cattelan ou PierPaolo Ferrari… Au démarrage, nous avions trouvé intéressant de faire appel aux anciens avec beaucoup de talents pour rendre hommage à ce qu’était Kenzo. Et c’est une discussion à bâtons rompus dans une pièce qui démarre. « J’imagine cela et cela. Et toi ? Etc… »

D : Après Jean Paul Goude, vous collaborez depuis quelques années avec le duo artistique de ToiletPaper. Maurizio Cattlan et PierPaolo Ferrari. Comment s’effectue le travail ?

SM : Tout démarre généralement en mars au défilé femmes. La stratégie est faite en amont. Nous tenons compte de l’image de la marque et du ton de la saison. Le thème n’est jamais très loin de la marque.

Arrive par la suite l’étape des dossiers de presse, la façon dont Humberto et Carol expliquent la collection, le mood, l’idée, les clients derrière, ce que l’on projette à travers l’histoire d’une collection… J’explique le positionnement et les valeurs de la marque dans un premier brief par écrit, puis il faut que les campagnes expriment cela. Et notamment ces notions de surprise/émerveillement/inattendu qui doivent venir se chahuter.

Ensuite, une autre équipe repart griffonner pendant 2/3 semaines. Comme ils sont photographes, ils shootent des maquettes. Ils arrivent avec les campagnes improbables quasiment prêtes et il ne manque plus que les mannequins.

D: Quelle est l’histoire de la campagne publicitaire 2015 Spring – Summer Paris New York ?

SM : La vision des américains à Paris est un hommage à la couture et la culture française ; les codes couleurs sont très pastels et macarons.

Nous avons plusieurs temps forts : la pré-collection commerciale que l’on présente à New York, puis le défilé hommes et le défilé femmes. Il s’agit de « 3 histoires dans l’histoire ».

La pré-collection portait sur la Bretagne, très french britannique avec des trucs découpés un peu bizarres, du bleu marine et du blanc mais pas du tout la façon dont petit bateau et Gaultier l’exprimeraient. La presse a apprécié ce côté caban marin. Ils ont créé un nouveau sweat avec la tour Eiffel ou la statue de la liberté à la place du tigre.

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Le défilé hommes que l’on a fait sous le pont Alexandre III était axé sur la couleur du macaron : pastel, vert pale, jaune pale, rose pale… comme Ladurée mais dans des coupes très radicales.

Le défilé femmes était autre chose, avec une partie de la mode française de Pierre Cardin des années 70 qui est une vision rétro futuriste de la mode un peu à la Courrèges avec des formes très simples. Les filles défilaient comme dans Mars Attack avec des globes, des scaphandres, costumes d’astronautes. Ils ont trouvé ça très intéressant et ils s’en sont servis dans un skate park dans le 18e avec des écrans géants et un avatar qui disait qu’il fallait protéger notre planète.

Tout tournait autour de l’interprétation du retro futurisme qui est à la mode en ce moment mais à la sauce Kenzo. Du coup, ToiletPaper a choisi le ton du défilé femmes entre métissage et côté futuriste. Ils ont créé cette ville artificielle en 3D blanche et bleue avec une lune. C’est ni plus ni moins que du story telling.

D: Le renouveau de Kenzo est aussi passé par le digital. Quelle est votre philosophie digitale ?

SM : J’ai envie de dire que cela coule de source. Je ne me pose pas la question du digital. C’est totalement intégré à la façon dont une marque doit s’exprimer aujourd’hui. 80% des clients Kenzo ont moins de 40 ans et 60% ont moins de 30 ans. Ils sont des digital natives et allument leur portable comme nos parents allumaient la radio. Dans une stratégie de prise de parole, le digital est pour moi un canal au même titre que la presse ou les magasins. C’est un canal de communication qui, parce qu’il est de plus en plus utilisé, demande une gestion spécifique.
Il y a donc une partie business intégrée dans la structure digitale avec le e-commerce, le CRM et les bases de données spécifiques. Une personne est en charge de la couverture des réseaux sociaux. Nous nous sommes beaucoup challengés pour savoir comment nous devions prendre la parole sur les réseaux sociaux, quel message nous devions faire passer, sur quel produit, etc… Je pense que les photos, l’iconographie et les mots ne sont pas les mêmes en fonction du réseau social.

D: Quelle est la mission de chaque outil ? Le site, le Facebook, l’Instagram, le blog, le Tumblr, etc.

SM : Le site a totalement été refondu. Quand vous vous rendiez sur le site kenzo.com, vous étiez immergé(e) dans un bloc image (le blog etc.) et une partie e-shop. Les deux étaient bien séparés et c’était la réalité de l’équipe. Le site est aujourd’hui « design to wear », 100% au service du business avec la partie e-commerce totalement intégrée….
à l’image de mes équipes.

Sur Facebook, nous avons 2 millions de fans. C’est un relai d’informations sur nos produits stars qui nous redirige directement sur le site kenzo.com. À nous de définir les produits du moment et le rythme de la prise de parole. Nous ne faisons pas de campagnes payantes pour éviter de nuire à la vie privée de nos internautes car ils n’aiment pas cela et ce n’est pas l’esprit de la marque. En revanche, nous avons un ton de communication assez sympa : nous parlons de nos égéries, nous diffusons de nouveaux films… C’est un genre d’éclectisme mais pour moi, Facebook est similaire à la presse offline.

Instagram, c’est de l’image pure et des vidéos pour voir le côté le plus cool de la marque. J’ai embauché quelqu’un car c’est un vrai canal et nous avons gagné 850 000 followers en un an. C’est monstrueux en terme de gains. Il faut continuer à diversifier la prise de parole.
Pour finir, nous n’avons pas de Tumblr. Nous étions sur Pinterest mais nous allons en sortir.
Je pense qu’il y a des sites qui ont assez peu d’intérêt.

D : Pourquoi partir de Pinterest ?

SM: Parce que je peux exprimer tout mon univers sur Instagram et de manière beaucoup plus maitrisée en termes d’image. L’interface est plus belle et je m’en moque de tomber sur une recherche sweatshirt avec une photo de Kenzo. Je trouve que c’est trop éclectique en termes de maitrise de l’image, nous ne sommes pas chez nous.

D : Blogueurs or not blogueurs ?

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SM : Blogueurs à fond ! Ils sont dans l’immédiateté, l’instantanéité et plus « relevant » pour leurs followers que des médias classiques. Tout le monde s’improvise blogueur mais il y a ceux de qualité, ceux qui sont influents dans le métier, ceux qui ont une quantité intéressante de gens qui les suivent et qui ont une vraie sincérité quand ils approchent Kenzo. Quand je vois Garance Doré assise sur les escaliers de Kenzo avec Humberto et Carol en pleine discussion informelle, c’est vraiment cool. Nous choisissons des blogueurs influents certes, mais autant cultivés et fans de la marque que nous.

D : Qu’est-ce que l’influence et qui sont les influenceurs d’aujourd’hui ?

SM : Tout dépend de la marque : par exemple chez Kenzo, nous n’avons pas besoin de grandes célébrités. En revanche, Madonna chez Versace, on est totalement dans le juste… Chez Kenzo, nous croyons beaucoup à la communauté de talents, nous recherchons des personnalités au discours « vrai » et « singulier ».

Les personnalités que j’ai intérêt de promouvoir autour de Kenzo sont des personnages tels que Woodkid, Christine and the Queens ou Stromae qui viennent s’habiller chez nous et aiment Kenzo. C’est une solidarité intellectuelle et créative qui nourrit la marque et les célébrités dans une logique de « win-win ». Il y a ce côté « tu viens chez moi-je t’habille, j’ai une soirée-je te fais venir ». Kenzo est une marque cool et sans prétention. C’est cela qui donne envie d’être dans cette marque et de porter son logo.

Au-delà des gens qui font la mode, je pense que des magazines un peu transgressifs comme Grazia ont encore un rôle à jouer, car il existe un ton, une patte, un point de vue… sinon le reste est trop fade. C’est pour cela que les blogueurs ont autant d’audience  et d’influence.

La marque peut aussi être source d’influence mais cela dépend de l’angle dans lequel nous nous adressons aux différentes cibles. Et je pense qu’être sur différents sujets donne envie d’aller voir de plus près. Il faut avoir de belles histoires à raconter, les gens adorent les belles histoires.

D: Kenzo semble être la marque plébiscitée par les jeunes, et pourtant, Humberto et Carol ont toujours affirmé qu’ils ne faisaient pas de la mode pour les jeunes. Comment expliquer cette dichotomie ?

SM: Historiquement, c’est une marque transgénérationnelle qui habille les gens de 20 à 60 ans. Donc lorsque l’on se rend dans une boutique Kenzo, toute la famille peut s’habiller, il y en a pour tous les goûts.

En revanche, la collaboration avec Vans était une vraie idée de génie : mettre un sweat avec le tigre historique (Kenzo Jungle), cela permettait de dire « Je suis américain, le street style et le hip hop sont ma culture mais en même temps je respecte la marque et je mets ce sweat brodé avec un icône des années 80 sur une robe de soirée ».

Ce n’est pas grave d’être une marque jeune. Par contre, dans ce cas il faut un vrai effort sur le recrutement car la clientèle jeune  est moins aisée et surtout peu fidèle. Nous n’allons pas laisser tomber les plus de 40 ans, mais nous allons nous adresser à ceux qui ont réagi les premiers… Lorsque je suis arrivée il y a 3 ans, 80% des clients avaient plus de 40 ans et 3 ans plus tard, 80% ont moins de 40 ans. Je pense que le pari d’avoir inversé la pyramide générationnelle est réussi. Et il ne faut pas oublier que tous ces jeuens de 20 ans, dans 20 ans en auront 40…. De plus, il ne faut pas non plus négliger l’effet « djeun’s » désirable: parce que si le jeune porte Kenzo, la personne plus âgée va se dire « ah c’est une marque qui plait à la jeunesse et qui est donc dans l’air du temps ». Et c’est vrai qu’au bout de 3 ans et demi, nous commençons à voir arriver les mères et les pères.

Mais nous ne pouvons pas courir tous les lièvres à la fois. À un moment donné, nous ne pouvons pas nous adresser à la jeune de 25 ans de la même façon que la femme de 45 ans…même si elles peuvent s’habiller en Kenzo toutes les 2. Il faut garder le cap. Nous avons ce concept génial avec le tigre, et nous allons tirer sur le fil et voir ce qui se passe, Pour l’instant, cela semble en tout cas cartonné. C’est un peu comme le crocodile de Lacoste. 

C’est une icône qui est « design to wear », qui symbolise l’efficacité du reboot Kenzo. Ce tigre c’est le même depuis 40 ans mais ici brodé sur un sweat. Un beau clin d’oeil à la maison et à l’histoire Kenzo.


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