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Un triple mariage

Publié le 28 juin 2015 par Jean-François Dagenais @lesinjustices

Lundi, 23 novembre 1671. La côte Saint-François (actuel quartier Longue-Pointe à Montréal) est animée d'une procession qui s'achemine vers l'ouest: aujourd'hui a lieu un triple mariage. Drôle de moment qu'un lundi de novembre pour se marier, direz-vous.


Mais en ce siècle dont le rythme est réglé par les travaux des champs et certaines contraintes religieuses, il en va tout autrement. Et ce début de semaine d'un mois automnal est tout à fait conforme aux exigences et coutumes de l'époque.
Voisins, amis et parents se joignent au cortège nuptial qui, avec le recul imposé par le temps, devient pour nous un cortège d'ancêtres.

C'est en la chapelle de l'Hôtel-Dieu (chapelle de l'Immaculée-Conception) de Montréal que seront célébrés ces mariages car la première église Notre-Dame ne sera inaugurée que plus tard. Gabriel Souart et Gilles Perot, ancien et nouveau curés, accueillent les futurs époux qui prennent place à la balustrade : Jean Grou, de Normandie et Marie-Anne Goguet, d'Aunis; Guillaume Labelle, de Normandie également et Anne Charbonneau, d'Aunis comme la précédente, sa cousine. En effet, Louise et Marie-Marguerite Garnier, leurs mères, vivent en Nouvelle-France depuis 1659, de même que Michelle, leur soeur, épouse de Simon Cardinal.

Finalement, Pierre Payet dit Saint-Amour, soldat de Carignan originaire de Gascogne et Louise Tessier, native de Montréal, rejoignent les deux autres couples. Les trois bans réglementaires ayant été publiés, et aucune objection auxdits mariages n'ayant été apportée, on peut procéder à l'échange des voeux et des bénédictions devant une assistance respectueuse mais joyeuse.

On devine aisément le sermon de Messieurs Souart et Perot qui insistent sur la responsabilité des époux à peupler la colonie de descendants fidèles à la foi chrétienne. Heureusement, nul plaisantin ne vient "nouer l'aiguillette", pendant la cérémonie, ce qui entraînerait, selon une croyance remontant au Moyen-Âge, l'incapacité à consommer le mariage.

De qui est constituée l'assemblée? Les actes de mariage des trois couples concernés nous éclairent à ce sujet. Tout d'abord, Pierre Goguet et Louise Garnier, parents de Marie-Anne Goguet. Puis, Olivier Charbonneau et Marie-Marguerite Garnier, parents d'Anne Charbonneau.


Ensuite, Urbain Tessier et Marie Archambault, parents de Louise Tessier. Et finalement, les témoins parmi lesquels nous pouvons entre autres citer Jacques Lebert, marchand, Charles LeMoyne, écuyer et Sieur de Longueuil, Pierre Dagenais dit Lépine, habitant, voisin et partenaire d'Olivier Charbonneau à l'un des moulins sur le Saint-Laurent, Philippe de Carion, écuyer et lieutenant de garnison, Paul Maurel, enseigne, Laurent Archambault, Gilles Lauzon, marguillier, Jean-Baptiste Gadoys, armurier, Laurent Tessier, Paul Tessier. Il est à noter que, parmi les nouveaux mariés, seuls Jean Grou et Louise Tessier savent signer.

Le mariage religieux terminé, on reprend le chemin de la côte Saint-François en direction des maisons familiales car la coutume veut que le père de la mariée convie les invités à une table bien garnie. On peut supposer, bien qu'aucun écrit à ce sujet ne nous soit parvenu, que la fête se déplaça d'une demeure à l'autre, de chez Urbain Tessier à chez Olivier Charbonneau en passant par chez Pierre Goguet, car tous ces gens étaient voisins, amis et même parents.

Tourtières, pain de froment, galettes de maïs, pommes au sucre, bouillon et cervoise connurent un franc succès et surent certainement satisfaire les appétits. Après ces réjouissances, ce fut au tour de l'hiver et de l'Avent à se présenter avec leur cortège de froid et de sacrifices. Mais, heureusement, le souvenir du triple mariage perpétua sa chaleur dans la rigueur du mois à venir de même que dans la mémoire de vous tous de la région qui portez encore ces patronymes.


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