Qu’est-ce qu’un photographe? se demande Wim Wenders dans le documentaire consacré au photographe Sebastien Salgado. C’est "quelqu’un qui met en lumière".
L’histoire de Sebastien Salgado est singulière.
Expatrié brésilien, il vient faire ses études à Paris, puis devient économiste à Londres. Mais sa passion de la photographie le rattrape.
Avec sa femme, ils vendent tous ce qu’ils possèdent pour aller photographier les autres. Des mines d’or effrayantes de Serra Pelada au Brésil en passant par les corps décharnés ou exilés des terrains de guerres, Salgado comme un auteur de fresques historiques, raconte l’histoire des peuples déchirés et déshumanisés.
Mais paradoxalement dans ce travail de témoignage des trajets de ces hommes en déshérence, il n’y a jamais de vulgarité ni même de voyeurisme. Un peu à l’image des livres de Jean Hazfeld, même les photos les plus morbides, notamment celles des enfants morts dans les années 80 au Sahel ou en Ethiopie, contiennent une incroyable
dignité.
Ces enfants n’apparaissent pas comme des victimes mais comme des guerriers endormis qui ont cru jusqu’au bout qu’il s gagneraient le combat face à l’absurdité du Monde.
http://lexilousarko.blog.fr/2009/10/26/l-air-de-la-guerre-ou-etais-tu-miss-sarajevo-7250087/
Je ne suis pas photographe professionnelle, j’aime pendant mes vacances prendre ici et là quelque clichés. C’est en allant au vietnam en avril que j’ai réfléchi aux photos que je prenais et notamment à celles des enfants des villages.
Avais-je le droit de les prendre en photos ? Pour la première fois, je ne me suis pas sentie très à l’aise pour photographier. J’avais l’impression de voler des clichés à un environnement encore préservé.
Ma vision d’occidentale riche face à ces enfants joyeux aux pieds nus crasseux me posait problème.
Oui, il y avait quelque chose d’exotique et de différent qui m’attirait, mais je ne voulais pas non plus faire dans le sensationnel. J’ai fait donc des clichés de loin, en essayant d’être le moins du monde intrusive.
http://lexilousarko.blog.fr/2015/05/21/traverser-le-monde-pour-se-rendre-au-vietnam-20437830/
Grâce à ce documentaire, j’ai compris que j’aurais sans doute du aller plus près, plus vers eux pour que je confronte mon regard aux leurs.
Sur un pied d’égalité dans le positionnement, sans doute que mes photos auraient été plus sincères dans l’échange entre celle qui photographie et celui qui se fait photographier et donc de citer Salgado "Quand tu fais une photo c'est pas toi tout seul qui prend la photo, c'est l'autre qui prend la photo."
Un puis un jour, comme un trop plein d’horreur, Sebastien Salgado est tombé malade, malade de rendre compte, de témoigner de ces êtres qui n’ont souvent que le photographe pour dire qu’ils existent ou ont existé. Malade d’une terre qui décidément ne tourne pas rond.
Puis Salgado s’est remis à photographier, non plus les hommes, mais une autre forme d'humanité: la terre et ses autres êtres vivants, les animaux. Des forêts brésiliennes, aux dragons de komodo des Galapagos, en passant par les gorilles des collines africaines, ou les morses du pôle sud, Salgado a amené son regard ailleurs.
Empreint d'humanisme, ces clichés donne la force de l'environnement qui nous entoure.
Ils nous obligent aussi à prendre conscience que c'est dans le respect de cet environnement que l'on peut vivre: "les hommes ne sont que le sel de la terre"
"Une petite fille en guenilles marchait nu-pieds dans la poussière et me tendait la main en souriant." Flaubert