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UNFRIENDED : The blue screen of death ★★★★☆

Publié le 04 juillet 2015 par Le Cinéphile Anonyme @CinephilAnonyme

Un film d’épouvante qui va au bout de son concept. Réjouissant et intelligent.

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Le film s’ouvre sur une page Internet. Le pointeur souris suggère une main hésitante, qui finit par cliquer sur un lien amenant vers une vidéo, filmée par un téléphone portable. Elle montre le suicide violent d’une étudiante, Laura Barns, suite à la publication d’un post dégradant dont elle fut la victime. En à peine deux minutes, Unfriended a réussi à exposer sa situation initiale (sans aucune ligne de dialogue), mais aussi à exprimer la particularité de son concept et ses enjeux. Car le long-métrage ne se compose que d’un unique plan-séquence d’une heure vingt, un partage d’écran en tant réel de l’ordinateur portable de Blaire, une ancienne amie de la défunte. Comme tous les soirs, elle retrouve ses amis sur Skype pour discuter de tout et de rien. Sauf que cela fait un an jour pour jour que Laura est morte, et qu’un utilisateur anonyme omniscient, omnipotent et particulièrement inquiétant, rejoint leur salon…

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La réussite d’un bon film de genre repose avant tout sur une parfaite connaissance des codes du septième art, afin de les utiliser avec habileté dans le but de transmettre une certaine émotion dans un certain type d’univers. Le risque, c’est que cette manipulation souvent maline de la grammaire cinématographique crée un recul avec le spectateur, conscient qu’il fait face à un objet filmique, et empêchant ainsi toute immersion. Fort heureusement, Levan Gabriadze trouve un très juste équilibre entre l’inspiration et l’innovation, prenant les fondements du found-footage en le modernisant à l’heure de la connectivité 2.0. Plutôt que de chercher obstinément à se rendre universel, Unfriended accepte sa condition de film générationnel, et fait preuve d’une excellente compréhension de son temps et de l’utilisation de l’outil informatique. Il trouve son rythme par cette accumulation d’onglets qui se superposent (Facebook, Gmail, Spotify, IMessage, tout y passe), ne créant aucune lassitude malgré l’unique cadrage du métrage. Cet objet de savoir qu’est l’ordinateur agit également sur la vie privée des personnages, et même sur leurs sentiments, notamment par les hésitations et les corrections dans l’écriture d’un message. La dénonciation des dangers d’Internet par rapport à l’absence de secrets et aux possibilités (souvent cruelles) offertes par l’anonymat est alors plus factuelle que moralisatrice.

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Mieux encore, le film accentue cette critique par son aspect méta, qui conjugue avec intelligence les deux médias qu’il utilise. L’écran de l’ordinateur est liée à une interaction, contrairement à celui d’une salle de cinéma. Nous sommes alors voyeurs de ces vies déballées, et nous refusons de détourner le regard, à l’instar des personnages, qui sont dans l’impossibilité de quitter leur Mac. Cette perte de contrôle d’un objet reposant uniquement sur la logique d’un langage en code binaire les transforment eux aussi en spectateurs. Il s’agit d’ailleurs de l’une des meilleures idées d’Unfriended, qui permet l’évolution des protagonistes. Si l’on pourra reprocher au film quelques mécaniques d’écriture un peu prévisibles, il ne tombe pas dans l’écueil d’une description unidimensionnelle de son groupe d’amis, malgré sa base de slasher movie qui s’y prête malheureusement trop souvent. L’intrigue avance grâce à cette carotte qui donne envie de savoir les petits secrets de chacun, et la façon dont l’utilisateur mystérieux va les révéler. Personne n’est à l’abri, et c’est bien cette sensation d’insécurité inexplicable qui rend le métrage efficace. Unfriended est avant tout un immense travail de montage et de son, créant une véritable tension par sa perversion d’un outil qui appartient désormais à notre quotidien. Les jump scares ont beau être de la partie, ils s’avèrent finalement assez minoritaires dans la construction de la peur. Là encore, celle-ci prend grâce à la compréhension de son réalisateur de la technologie informatique et des opportunités offertes par son concept. Tout comme son vengeur malfaisant, il appuie la forme ludique de son procédé, nous définit les règles à partir de ce que l’on connaît. C’est le familier qui devient soudainement inquiétant, c’est l’attente qui rend insupportable les bruits de notification Facebook et autres manifestations provenant des comptes de Laura Barns. Le build-up est alors accentué par l’esthétique froide de systèmes d’exploitation, contrastée par les lags qui engendrent une pixellisation des webcams, impressionniste voire psychédélique. C’est par cette multitude d’inspirations et par la passion de son cinéaste pour son sujet qu’Unfriended parvient à innover dans un genre en roue libre depuis quelques années. Reste à espérer que son idée ne sera pas copiée au point d’être vidée de son sens…


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