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GUIGNOLS DE L’INFO : Jeu de pouvoir, de communication et de politique

Publié le 05 juillet 2015 par Misteremma @misteremma

GUIGNOLS DE L’INFO : Jeu de pouvoir, de communication et de politique

La France était en émoi durant cette première semaine de vacances 2015 : au lendemain de la mort d'Alain De Greef, le patron historique de Canal+, Vincent Bolloré voulait tuer Les Guignols de l'Info (nés en 1988).

Cette annonce a fait l'effet d'une bombe, on avait l'impression d'être revenu à l'époque de l'attaque de Charlie Hebdo. Très vite, les internautes se sont mobilisés pour sauver les marionnettes impertinentes, Cyril Hanouna (se prenant pour le patron de D8) et France Télévision leur ont offert un hébergement sur leur chaîne respective. Jean Dujardin a publié un cliché sur lequel il tenait une feuille sur laquelle il avait écrit " je suis un Guignol " (#TouchePasAuxGuignols) et toute la classe politique s'est levée tel un seul homme pour déclarer leur amour pour le programme de la chaîne privée :

La dérision et la caricature font partie du patrimoine de la télévision. (François Hollande, Président de la République)

Je respecte l'indépendance des chaînes et notamment des chaînes privées mais nous sommes un pays où la caricature, l'impertinence, sont nécessaires. (Manuel Valls, Premier Ministre)

Le droit à la caricature doit être défendu. (François Bayrou, Modem)

Six mois après les balles des terroristes contre le droit de caricaturer, voici une tout autre arme qui est employée contre la liberté à l'expression dans notre pays. Contre la tentative de Bolloré d'imposer le silence de la critique, faisons entendre notre indignation. (Olivier Dartigollles, porte-parole des communistes)

C'est important de les défendre même si mes amis sont parfois maltraités. (Christian Eckert, Secrétaire d'Etat au Budget)

J'aime me voir dans les Guignols. (Alain Juppé, maire de Bordeaux, qui a même changé sa photo de profil Facebook pour y mettre celle de sa marionnette)

Oublié la crise grec, la France vivait au rythme de ce nouvel attentat. Certains y voyaient même un complot politique de Nicolas Sarkozy, ami proche de Bolloré.

Toute la dramaturgie était présente mais, vendredi 3 juillet 2015, après 4 jours de silence, Vincent Bolloré a pris la parole lors d'une réunion du comité de groupe de Vivendi. D'après une source syndicale, il aurait affirmé qu'il n'était pas question de supprimer Les Guignols de l'Info, des propos confirmé par l'intéressé via message AFP :

'Les Guignols' font partie du patrimoine de Canal+ qui a été, je le rappelle, créé par Havas il y a 30 ans. (...) Il est hors de question de se priver de cet atout qui est la propriété du groupe.

C'est l'histoire de l'arbre qui cache la forêt.

Derrière cette fausse décapitation se cachait en fait la mort du Grand Journal.

Vendredi 3 juillet 2015, Maxime Saada est nommé directeur général du groupe Canal+ en remplacement de Rodolphe Belmer. En place depuis 2012, Belmer avait vu ses responsabilités élargies, en janvier dernier, à la tête de Vivendi Contents. C'est " sur la recommandation " de ce dernier que le remplacement a été effectué.

Dans la foulée de la nomination, Maxime Saada a annoncé la nouvelle aux équipes du Grand Journal.

Etonnant ! Personne ne l'avait vu venir ? Pourtant avec les mauvais chiffres de cette année, c'était prévisible. Ben, non ! Antoine de Caunes avait déclaré qu'il avait signé pour une nouvelle saison et Le Petit Journal avait annoncé qu'il resterait petit.

J'ai le sentiment d'exister : je m'amuse, je suis excité par ce que je fais, tous les matins je suis content d'y retourner, j'espère que ça va durer longtemps. (Antoine de Caunes - Le Grand Direct des médias - Europe 1 - 16/04/15)

Ce serait oublié le tweet de Canal+ qui avait suivi cette annonce : rien n'est fait ! On réfléchit.

Le producteur KM était pourtant bien conscient des difficultés du programme. Il avait d'ailleurs commencé à recruter de nouveaux journalistes, travaillait sur le décor et la nouvelle formule de l'émission. Trop tard !

Il y a de plus en plus de concurrents et c'est vrai que la grille du soir, en clair, pose un problème. Ça fait deux ans que l'audience s'érode un peu. Les émissions coûtent trois fois plus cher (ndrl : 100.000 et 150.000 euros par numéro) que celles de la concurrence et elle nous a battus. (Vincent Bolloré, RTL, vendredi 3 juillet 2015)

Avec la disparition du Grand Journal, la refonte complète de la tranche d'accès permet aux dirigeants de Canal+ de repenser aussi la diffusion des Guignols de l'Info : en quotidienne ? Le midi ? Le soir ? Le week-end ?

Les dirigeants de Canal+ et de Vivendi devront décider sous quel format et à quel moment ils devront être distribués. (Vincent Bolloré)

Sauvés (donc tout le monde se tait) mais quand même décapités.


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