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Pourquoi l'usage des pesticides est-il un scandale économique ?

Publié le 05 juillet 2015 par Blanchemanche
#pesticides
PAR GILLES_LECUIR
«La Mort est dans le pré»
Nous savons désormais parfaitement que l'usage de pesticides a des conséquences sévères sur la santé humaine, sur la qualité de l'air et de l'eau, sur l'environnement et la biodiversité. Mais nous savons aussi que pour certains – beaucoup ? - « l'environnement, ça suffit ! ». Très bien. Parlons des seules conséquences financières des pesticides, à partir du seul cas de l'eau potable. Pas d'écosystème, pas de complexité, de la belle et bonne ingénierie. On devrait arriver à tomber d'accord, non ?Le seul coût de la dépollution des résidus de pesticides dans l'eau pour la rendre potable a été estimé par le CGDD 1 en 2012 entre 260 et 360 millions d'euros par an, en France métropolitaine. Oui, c'est un peu cher pour une ressource que la nature nous fournissait pure il y a 50 ans.Le chiffre d'affaires du secteur des pesticides pour la même année de référence (2010) fut lui de 1,8 milliard d'euros en France 2. Autrement dit, le coût de la dépollution des seuls résidus de pesticides pour rendre l'eau potable représentait pour 2010 un potentiel de 20% du chiffre d'affaires du secteur des pesticides.Ce coût supplémentaire – cette externalité dira-t-on pudiquement - est supporté par les investissements des collectivités publiques, via leurs régies ou délégations de service public, et par les consommateurs, via leur facture de fourniture d'eau potable.En tant que consommateurs, nous payons donc deux fois nos pesticides : une première fois en en achetant pour les épandre ou en achetant des produits dont la production en a nécessité, une deuxième fois en payant pour les enlever de notre eau potable. Tout cela contribue au Produit Intérieur Brut, mais qui pourrait prétendre qu'il s'agit là d'une richesse nationale ?Les usagers de pesticides s'acquittent eux d'une « redevance pour pollution diffuse » 3, perçue par les agences de l'eau qui les utilisent d'une part pour financer les actions de protection et de restauration des milieux et de la ressource, d'autre part pour financer le plan Ecophyto. Le niveau de cette redevance est exprimée de manière complexe en euros/kilogramme de matière active 4. Mais si l'on veut comparer ce qui est comparable, son produit fut en 2010 de 76,2 millions d'euros 5. Soit 21% du coût maximal de la dépollution annuelle, ou encore 4% du chiffre d'affaires du secteur des pesticides.Si l'on appliquait le principe constitutionnel pollueur-payeur 6, le montant total du produit de cette redevance devrait être porté à 20% du chiffre d'affaires, ce qui procurerait près de 284 millions de financement nouveau pour lutter efficacement contre les pollutions et protéger les milieux donc la ressource. Une manne supplémentaire qui pourrait utilement être attribuée au financement d'actions favorables à la fois à la biodiversité et à la protection de le ressource en eau, notamment dans le cadre de la future Agence française pour la Biodiversité 7.Mais si l'on voulait véritablement dissuader l'usage des pesticides en milieu agricole, on devrait porter cette redevance au moins à 100% du coût du polluant, et en attribuer le produit supplémentaire à la protection et au développement de l'infrastructure verte et à l'agriculture biologique qui, si elle n'est pas la panacée agro-écologique, à tout le moins ne pollue pas l'eau avec des résidus de pesticides. C'est possible, c'est simple, les agences de l'eau sont des guichets efficaces et organisés pour distribuer les subsides correspondants, et cela ne demande ni nouvelle loi, ni nouvelle organisation. Il suffit de relever le montant de la redevance dans le cadre d'un amendement à la loi, par exemple dans le cadre de l'examen du projet de loi sur la Biodiversité. A bon parlementaire, bon entendeur...On me rétorquera que ces ressources financières pour agir s'appuyant sur le pari d'une baisse de la consommation et l'usage de pesticides, cela posera problème lorsque qu'on consommera moins de pesticides, en faisant baisser les recettes... Ma réponse est simple : chiche !:)
1Lire page 34 http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/ED62.pdf2 Lire page 26http://www.uipp.org/content/download/300/1914/version/2/file/Mag_RA%20UIPP%202012_Final.pdfhttp://redevancephyto.developpement-durable.gouv.fr/reglementation4http://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do;jsessionid=9D0E261011F1BE745FB95127C44BD6F5.tpdjo08v_2?idSectionTA=LEGISCTA000006195230&cidTexte=LEGITEXT000006074220&dateTexte=201112205 http://www.fne.asso.fr/documents/eau/fichesthematiques/c_fiche_4_redevance_pollutions.pdf6 http://legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006074220&idArticle=LEGIARTI000026849052&dateTexte=201506127 http://agence-francaise-biodiversite.fr/
http://blogs.mediapart.fr/edition/la-mort-est-dans-le-pre/article/120615/pourquoi-lusage-des-pesticides-est-il-un-scandale-economique

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