Nous avions deja traverse les Andes une premiere fois, pour passer de Santiago a Mendoza : le paysage etait magique, unique, incroyable... Nous ne voulions donc pas perdre une minute de plus a Mendoza. Nous avons squizze la route des vins, les sites incas et les musees de la ville pour sauter dans le premier bus venu, direction Salta.
Salta est une ville bourree de charmes : batiments coloniaux, eglises surchargees immenses ou regne une dramaturgie larmoyante, plantes tropicales et surtout, un joyeux bordel. Du monde partout, dans tous les sens, des marches cacophoniques, des enseignes vieillottes et de nouveaux visages. En un claquement de doigts, on s'est senti dans une autre Argentine. Le depaysement opere enfin. Quelle joie de se balader dans les rues de la ville, se fondre dans la foule, devenir a nouveau anonymes, observateurs.
Mais nous ne nous arretons pas la. Le but de notre venue dans le nord est de louer une voiture pour partir dans les Andes. Nous nous mettons en action : on a une carte detaillee de la region, une bagnole pas trop mal et les derniers conseils de voyageurs qui nous indiquent les endroits ou les touristes vont rarement.
On commence par le nord de Salta. Le temps est maussade, il fait gris... puis on passe par une vallee etrange, dans laquelle les nuages se stoppent d'un coup pour laisser place a un soleil ardent... magie meteorologique ! On passe la ÂŤ palette des peintres Âť, montagnes ou se superposent toutes les nuances de couleurs, du blanc au rose, comme une coulee de lave pastelle horizontale.
Nous continuons. Prochaine etape, Iruya, petit village perche sur les hauteurs. Pour y acceder, on quitte l'autoroute pour de la piste cabossee. On traverse des rivieres, des villages (ou les chiens courrent vers notre voiture pour croquer les pneux... c'est dire si les voitures passent souvent par ici). Les habitants sont de plus en plus types, les costumes deviennent traditionnels. On passe un col a 4 000m, le ciel devient d'un bleu intense, les montagnes prennent d'autres couleurs.
Iruya : village charmant mais un peu austere. De 20h a 21h, tout s'arrete : c'est l'heure de la messe...
Le lendemain, la brume a envahit toute la vallee, on ne voit pas a 3 metres. On reprend la route qui monte, on traverse la mer de nuages et a nouveau, le ciel d'un bleu insolent et le soleil ardent.
Cap sur le nord, pres de la frontiere bolivienne. On traverse encore des paysages dignes de cartes postales a chaque virages. On longe le Rio Grande : petit filet d'eau ridicule mais au debit affole.
Nos premiers lamas traversent la route. Au debut, on s'arrete, on leur parle, on les photographie comme des stars... Par la suite, on en croisera tellement que nous n'y preterons plus aucune attention. Apres une route de tole ondulee nous arrivons a la Laguna Portezuelo. Nous sommes a plus de 4 000m d'altitude : il y a du vent, il fait froid, la lagune n'est pas aussi belle qu'on nous l'avait promis... On repart, mais cette fois-ci avec une auto-stopeuse en costume traditionnel. Elle enchaine quelques phrases en espagnol, on arrive a peu pres a la comprendre... Ravie d'avoir affaire a des etrangers, elle nous apprend le nom de tous les animaux qu'on croise.
On redescend vers les Salinas Grandes, les plus grandes salines d'Argentine. Le ciel est bleu electrique, le sol est blanc immacule... la lumiere nous brule les yeux.
Nous partons vers San Antonio de los Cobres : nous ne sommes plus dans les montagnes mais sur un immense plateau. A cote de nous, de mini tornades naissent et meurrent aussitĂ´t. Yves, epuise, me passe le volant... La route est dingue : personne a l'horizon, c'est un chemin de terre et de sable. Je me surprends a prendre un pied monumental a conduire : c'est une des premieres fois ou je n'ai plus peur au volant. J'accelere comme une furie, je freine, je passe les vitesse comme Fangio. Dans le sable, la voiture chasse, je m'en sors comme une reine. Derriere nous, un enorme nuage de poussiere. Je trace, je me lache, Yves s'accroche.
Cap encore plus au sud : Cachi (la route 40 entre San Antonio et Cachi n'est praticable qu'en 4x4... nous devrons donc passer par Salta). Nous passons de hauts cols pour nous retouver face a une route bitumee toute droite de 14 km... Toujours personne a l'horizon... la vitesse est limitee a 30 km/h a cause des lamas qui pourraient inopinement surgir sur la route. Comme toujours a ces hauteurs, le ciel est electrique... Ca nous inspire, on fait des photos de nous en train de sauter en l'air (effet garantit avec un tel decors).
Cachi : villages pour riches touristes. Joli, super retape, on se sent dans un decors de cinema en toc.
Nous pointons sur Cafayete. Encore une route stimulante. Je m'installe au volant, le claque la porte, reglage de retro, ceinture... et hop c'est parti. Au volant, je ne me reconnais pas, je fonce. Mais ou est donc passee cette parisienne flippee qui ne passe pas la 4eme ? Je double d'autres voitures avec finesse et dexterite, je klaxonne nonchalamment, j'accelere encore et encore. Hysterie. Yves s' accroche toujours, encore plus crispe que la veille.
Les paysages sont a nouveau magiques. On passe a travers des montagnes psychedeliques, inimaginables. A Cafayete, on dort d'un sommeil de plomb.
Le lendemain, on fini notre circuit en beaute en passant par la Quebrada de las Conchas, joyau geologique. La route bitumee a ete construite dans les gorges, la ou passait une riviere aujourd'hui assechee. A la tombee du jour, la lumiere donne une teinte rouge aux paroies, la lune fait son apparition. Cliche photographique.
On retourne sur Salta, completement emballes. OK, nous n'aurons pas rencontre beaucoup d'argentins (a part les nombreux auto-stopeurs, mais notre niveau d'espagnol ne nous permet pas encore d'entamer de vraies discussions). Par contre, on a le sentiment de s'etre completement laches et d'avoir vu du Grandiose. C'est peut etre comme ca finalement que ca se prend l' Argentine : on n'est plus vraiment tourne vers les autres comme on peut l'etre en Asie, on abandonne toute pudeur pour se concentrer sur soit.
Notre prochaine etape consistera maintenant a nous rendre a San Pedro de Atacama, au Chili (nous traverserons encore les Andes) pour retrouver Martin. Martin est arrive il y a quelques semaines au Perou. Sans projet vraiment motivant en France, il a decide de partir a la decouverte de l'Amerique Latine et qui sait, peut-etre s'y installer quelques mois. Nous ferons donc un petit bout de chemin ensemble, a San Pedro puis surtout en Bolivie.