La trêve visant à permettre l'acheminement d'une aide humanitaire
cruciale au Yémen n'était pas respectée samedi, quelques heures
seulement après son entrée en vigueur, et semblait ainsi mort-née, faute
de volonté de la part des acteurs du conflit.
Le Conseil de sécurité de l'Onu avait exhorté vendredi tous les
belligérants à respecter cette pause humanitaire, décrétée par les
Nations unies et censée durer de vendredi 23H59 locales (20H59 GMT) à la
fin du ramadan, soit le 17 juillet.
Mais la coalition arabe conduite
par Riyad, qui mène depuis le 26 mars des raids contre les rebelles
chiites Houthis pour les empêcher de s'emparer de la totalité du Yémen, a
fait savoir samedi qu'elle "n'était pas concernée par cette trêve,
parce qu'elle ne comprend pas d'engagement de la milice houthie" à la
respecter.
Elle a par ailleurs souligné "ne pas avoir reçu de demande
du gouvernement yéménite légitime", en exil en Arabie saoudite, à la
mettre en oeuvre, ni avoir rencontré des représentants de l'Onu pour la
coordonner.
Samedi, le pays a ainsi été de nouveau le théâtre de violents combats et de raids aériens de la coalition.
Ceux-ci
ont visé des positions rebelles dans la ville de Taëz (centre), où
faisaient rage des affrontements entre les insurgés soutenus par l'Iran
et les combattants fidèles au président yéménite en exil Abd Rabbo
Mansour Hadi, ont rapporté des témoins. Les Houthis ont bombardé
plusieurs quartiers de Taëz, selon les mêmes sources.
L'agence de
presse officielle du Yémen, contrôlée par le gouvernement en exil, a
accusé les Houthis et les troupes loyales à l'ancien président Ali
Abdallah Saleh d'avoir envoyé des renforts à Taëz avant la trêve.
Dans
le sud du pays, la coalition a frappé des positions rebelles à Aden et
dans la province voisine de Lahj, d'après des témoins. Ces raids aériens
sont intervenus après que les insurgés eurent bombardé plusieurs
quartiers d'Aden, a indiqué un porte-parole des combattants pro-Hadi,
Abdallah al-Dayani.
80% des habitants ont besoin d'aide
Peu avant le début annoncé de la trêve, le chef des rebelles Abdel
Malek al-Houthi avait fait savoir qu'il nourrissait "peu d'espoir" quant
à son "succès", ajoutant qu'il dépendait "de l'engagement du régime
saoudien et (...) d'un arrêt total de (son) agression".
Partis de leur fief de Sadaa, dans le nord du pays, les Houthis se
sont emparés de la capitale Sanaa en septembre, puis sont descendus vers
le sud du pays, poussant à l'exil en Arabie saoudite le président Hadi
et déclenchant le 26 mars l'intervention de Riyad. Les 15 pays membres
du Conseil de sécurité avaient demandé vendredi aux belligérants de
"suspendre leurs opérations militaires pendant la pause" et "de faire
preuve de retenue au cas où des incidents isolés viendraient rompre
cette trêve, et d'éviter toute escalade".
Il les avait aussi exhortés à "faciliter la livraison urgente d'aide humanitaire dans tout le Yémen".
Selon
l'Onu, 80% de la population --soit 21 millions de personnes-- ont
besoin d'aide ou de protection et plus de 10 millions ont du mal à se
nourrir ou à trouver de l'eau potable à cause d'un conflit qui a fait
plus de 3.200 morts, dont une moitié de civils, depuis la fin mars.
'Dernier espoir'
"Il est impératif et urgent que l'aide humanitaire atteigne toutes
les personnes vulnérables", avait estimé vendredi un porte-parole de
l'Onu, Stéphane Dujarric, plus d'une semaine après l'inscription du pays
au niveau maximal d'urgence sanitaire. La trêve est "notre dernier
espoir", avait déclaré pour sa part à l'AFP une porte-parole du
Programme alimentaire mondial (PAM), Abeer Etefa, en précisant que deux
bateaux remplis de nourriture et de carburant croisaient au large
d'Aden.
Avec cette trêve, le PAM et ses partenaires espéraient venir en aide à plus de 2,37 millions de personnes.
Le
PAM est parvenu depuis une semaine à livrer 9.000 tonnes de nourriture à
son entrepôt au Yémen et la trêve est maintenant nécessaire pour
pouvoir distribuer cette aide et "atteindre toutes les régions du
Yémen", d'après Mme Etefa. Une précédente trêve à la mi-mai avait duré
cinq jours mais les combats avaient ensuite repris de plus belle.
Parallèlement, dix membres présumés d'el-Qaëda, dont trois chefs
locaux, ont été tués vendredi soir dans deux raids menés par des drones
américains dans le sud-est du Yémen, selon un responsable local. Le
réseau extrémiste tente de profiter de la guerre qui fait rage dans le
pays pour s'emparer de nouveaux territoires.
Source : Lorientlejour