Portraits anecdoziques

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Ce matin, sous la toile, l'ambiance est sereine, il n'y a pas encore trop de monde. Certains prennent leur temps, lisent un livre, comme Ghislaine, qui a pratiqué le piano pendant une quinzaine d'années. Elle aurait souhaité en faire mieux et plus, et pense avoir tout perdu. Si elle devait emporter morceau de musique sur une île déserte, elle partirait avec " du Bach. Parce que c'est ce qu'il y a de plus beau, on ne s'en lasse pas ". Et si elle pouvait remonter le temps, elle souhaiterait rencontrer Rameau. " Pour sa vie et sa musique et sa recherche de choses nouvelles. " Ghislaine se retrouve dans ce personnage : " Peut-être pour certaines affinités avec sa vie, ses origines... ".

Je m'éloigne et repère aussitôt un homme assis, profitant du soleil en sirotant un café. Il n'est pas français, mais j'arrive néanmoins à lui soustraire quelques informations. Il hésite un peu puis me confie qu'il emmènerait sur son île la " Passacaille, de Jean Sébastien Bach ". Et si il pouvait remonter dans le temps, sans hésiter il rencontrerait " Schubert, parce que je trouve sa musique très émouvante et je veux savoir comment est le personnage derrière la musique, si ça ressemble à mon idée. " J'apprends ensuite qu'il joue de la basse électrique, mais qu'il aimerait savoir jouer de la clarinette. " Je veux jouer d'un instrument avec tout mon corps ", dit-il en souriant.
Plus loin, je rencontre une femme assise, elle dessine. Je l'interromps. Elle a fait du violon autrefois, mais rêve de savoir jouer du violoncelle. Elle réfléchit. " Sonate et Partitas au violon, de Jean Sébastien Bach " serait le morceau qu'elle prendrait avec elle sur une île déserte. Si vous pouviez remonter dans le temps pour rencontrer un compositeur, ce serait lequel ? Elle répond en riant : " Je ne serais jamais fan au point de rêver de rencontrer un musicien. Mais je pense que le plus drôle serait de rencontrer Mozart. À mon avis, il était assez fun ".
Plus haut, assis là avec sa petite fille pour un moment de détente, je croise Mr. Barre, professeur de musique dans un collège. Il assiste au festival depuis 43 ans, et connaît donc bien la musique. Il réfléchit un long moment au morceau qu'il emmènerait avec lui sur son île : " C'est très, très compliqué... " avoue-t-il. Puis il se décide pour " Les noces de Figaro ". Il aimerait rencontrer Bach, comme beaucoup, " parce qu'il a tout compris, parce que tout part de lui, parce qu'il a tout résumé. [...] Il a innové, et apporté plein de choses. " Quel instrument rêvez-vous de savoir jouer ? " Du violoncelle " répond-il sans hésiter, avant d'ajouter que son souhait est un peu exaucé " puisque mon fils en a fait sa profession. [...] Donc à travers lui, je le vis. Mais j'aurais bien aimé, oui. "

Constance Degoulange

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