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Les poumons océaniques et maritimes sont au bord de l'asphyxie

Publié le 12 juillet 2015 par Blanchemanche
#COP21 #Ocean
Les poumons océaniques maritimes bord l'asphyxie

Hausse de la température de l'eau, acidification qui réduit la production de plancton… La santé des océans inquiète. Quant au niveau de la mer, il augmentera sous l'effet de la dilatation et de la fonte des glaces.

Les mers et les océans sont des alliés de poids dans la lutte contre le réchauffement climatique. Ils emmagasinent 90 % de la chaleur additionnelle causée par le dérèglement climatique et un tiers des émissions de carbone. « Ils ont une fonction régulatrice essentielle pour l'atmosphère, mais ce sacrifice leur coûte cher », explique Marina Levy, océanographe à Locean, le laboratoire de recherche sur les rapports entre la dynamique des océans et le climat. Hausse des températures de l'eau, de la salinité, de l'acidité, fonte des glaces, migration des espèces… Le monde du silence va connaître de profonds bouleversements. « Même si on réduit drastiquement nos émissions de gaz carbonique pour les stopper dans vingt ans, la température moyenne des océans va augmenter de 1 °C d'ici à 2030 à cause de l'énorme inertie thermique de ces masses d'eau (1,322 milliard de kilomètres cubes). Dans cette hypothèse optimiste, le niveau moyen de l'eau montera de 15 centimètres, déclenchant surcotes et inondations », poursuit la chercheuse.

« Un cataclysme »

Et que dire du scénario du pire ? Simplement en laissant aller nos émissions telles qu'elles sont aujourd'hui, on doit s'attendre à une hausse moyenne des températures de 4 °C d'ici à 2100, incluant des pointes de 8 à 10 °C en certains lieux. « Un cataclysme », redoute Laurent Bopp, chercheur au Laboratoire des sciences, du climat et de l'environnement*. Non seulement les populations devront massivement s'éloigner des zones littorales à cause d'une élévation de 1 à 2 mètres de la surface des mers, mais la pêche sera réduite à néant. « C'est un dérèglement vicieux qui se met en place », résume Marina Levy. D'une part, les océans vont peu à peu s'acidifier avec l'augmentation de leur régime de carbone. En un siècle, leur potentiel hydrogène, ou pH, a baissé de 0,1 point, tuant par vagues barrières de corail et mollusques dans leur vulnérable carapace de carbonate de calcium.D'autre part, la hausse des températures affecte la circulation thermohaline qui agite le fond des océans pour faire remonter à la surface les éléments nutritifs nécessaires à la croissance du plancton, la base de la chaîne alimentaire de la vie sous-marine. Ce mouvement, un des principaux systèmes de mobilité de la chaleur terrestre, agit comme un tapis roulant. Le Gulf Stream remonte vers le nord les eaux chaudes tropicales légères qui se densifient en refroidissant et plongent dans les profondeurs d'où elles rejoignent à nouveau l'Atlantique Sud. Or, selon une étude publiée ce printemps par Stefan Rahmstorf du Potsdam Institut for Climate Impact Research parue dans « Nature Climate change », « cette courroie de transmission globale a perdu de sa vigueur depuis 1970 », probablement à cause de la fonte de la calotte glacière du Groenland. « Avec l'eau douce qui la dilue, l'eau salée océanique perd sa densité et le système se grippe », explique le scientifique. L'arrêt complet de ce tapis pourrait constituer un facteur du basculement du climat terrestre, plongeant les zones tempérées du nord de l'Europe dans un cycle d'alternance entre sécheresse estivale et rigueur hivernale.

Un milliard d'êtres humains menacés de famine

« Déjà, on observe des conséquences dramatiques sur la vie sous-marine avec un déclin de 1 % de la masse de phytoplancton par an depuis quarante ans », constate Marina Levy. Les zones mortes océaniques, déficitaires en oxygène dissous produit par ces organismes unicellulaires, s'étendent au rythme de 8 % par an : le Programme des Nations unies pour l'environnement en dénombrait 150 en 2003. Elles sont aujourd'hui plus de 500 !

Dommages irréversibles

Les coraux sont également en danger et, avec eux, un milliard d'êtres humains sont menacés de famine. « Avec l'extinction des forêts coralliennes, c'est le réservoir de biodiversité vivrière le plus riche de la planète qui est en train de s'éteindre », prévient Pascale Chabanet, chercheuse à l'Institut de recherche pour le développement (IRD) de La Réunion. Selon une étude qu'elle a conduite sur une soixantaine de sites coralliens de l'océan Indien, la moitié a déjà disparu. En extrapolant à l'échelle planétaire, ce sont déjà 10 % des récifs qui ont subi des dommages irréversibles et 60 % qui seraient fragilisés et en passe d'être détruits. Si la nouvelle inquiète les scientifiques, c'est que les écosystèmes coralliens sont aux océans ce que les forêts sont aux zones tropicales. « Si la température de l'océan augmente de quelques degrés, le corail expulse les zooxanthelles indispensables à sa survie. Sans ces algues microscopiques qui vivent en symbiose avec lui, le corail se dépigmente et finit par mourir », décrit la chercheuse de l'IRD.Les géo-ingénieristes ont leur petite idée pour résoudre le problème : fertiliser les océans à l'aide de poussière de fer, un engrais très efficace pour doper la photosynthèse des organismes sous-marins. Leurs opposants redoutent toutefois qu'on ne joue aux apprentis sorciers.
Paul Molga, Les Echos
(*) Laboratoires de l'institut Pierre-Simon Laplace (IPSL) de l'université Pierre-et-Marie-Curie (UPMC), du CNRS, du MNHN et de l'IRD.

Paul Molga / Correspondant à Marseille | Le 09/07/2015
En savoir plus sur http://www.lesechos.fr/thema/COP21-sciences-climat/021178267390-les-poumons-oceaniques-et-maritimes-sont-au-bord-de-lasphyxie-1135800.php?gfTZ2VmUgSy7Y584.99#xtor=CS1-31

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