Pour suivre les discussions sur le mariage annulé je remonte un commentaire que j'ai laissé en réponse à Frédéric Delorca, qui estimait que s'agissant de droit civil
les parties au contrat sont libres :
Je vois bien ton point frédéric, mais je ne le crois pas déterminant. Comme l'écrit Eolas lui-même, le mariage est à la fois contrat et institution. En tant que contrat, la loi est celle des
parties, en tant qu'institution, des notions d'ordre public et d'intérêt collectif entrent en jeu.
Pour cette raison d'ailleurs, il est interdit de contracter un mariage religieux avant un mariage civil, ce qui me paraît étonnant puisque ce faisant l'Etat semble reconnaître un poids à une
cérémonie religieuse privée.
Wikipedia : Aux termes de l'article 6 du Code civil[3], " On ne peut déroger, par des conventions particulières, aux lois qui intéressent l'ordre public et les
bonnes mœurs"
Même si Koz est favorable à l'annulation, il pose parfaitement les termes du débat :
"Il faut toutefois poser une limite. Car il a bien été considéré que la virginité pouvait constituer une “qualité essentielle“. Nous avons bien noté que le débat juridique ne doit
porter sur le caractère essentiel pour l’un des époux. Mais il faut bien comprendre aussi que la réalité de la grosse poitrine de la fiancée ne sera probablement pas reconnue, à ce jour,
comme une “qualité essentielle“, pas davantage que le fait que ce soit une vraie blonde. La décision du tribunal signifie donc bien que la virginité peut constituer une qualité essentielle
de la personne."
C'est donc bien au juge, au droit et à l'Etat in fine, de déterminer quelles sont les qualités essentielles d'une personne.
Je crois d'ordre public que l'Etat ne se soucie pas de savoir, quand bien même la mariée en serait d'accord, si un époux arrive ou non chaste au mariage.
Il manque, dans l'article d'Eolas, pour que chacun puisse se faire une idée, des cas où le juge a écarté les revendications de l'un des époux. Un commentateur amène
ces précisions, mais avec de la jurisprudence de 1962 et 1965 :
"si le dol ne constitue pas une cause de nullité de mariage, la jurisprudence récente étend la notion d'erreur sur la personne ; que toutefois l'erreur sur la fortune, l'intelligence, le
caractère, la race, la religion, la virginité ou la grossesse de la femme, la santé de l'époux, ne paraît pas devoir être retenue comme cause de nullité."
Donc on peut épouser quelqu'un qui se prétend riche et ne pas pouvoir annuler le mariage s'il se révèle pauvre, mais pouvoir annuler si madame s'avère ne pas être vierge (certes, la fortune est
passagère, la virginité ne se perd qu'une fois...)
J'ai en plus l'impression que l'impuissance de Monsieur, elle, ne constitue pas un cas d'annulation (il faudrait des recherches plus récentes)... On admirera le dissymétrie entre les
responsabilités qui pèsent sur Monsieur et Madame : la future Dame doit se préserver intacte pour un homme dont elle n'est même pas en droit d'attendre que lui, soit capable d'honorer ses
promesses...
En droit, Bilger par exemple écrit fort bien que le juge pouvait parfaitement rejeter la demande d'annulation, en introduisant certes une motivation sociologique à sa décision.
La société et l'opinion s'invitent donc légitimement au débat.
Savoir si'l faut aller jusqu'à légiférer ?
L'intervention du législateur sur le sujet ne se justifierait que si 1. un nouveau jugement reconnaissait encore l'annulation 2. la pression publique retombait malgré ce.
J'ai lu avec intérêt les commentaires de Guillermito, Samantdi et Kozlika sur le sujet, il et elles ont parfaitement raison sur l'aspect sociologique et humain de la question.
Ergo :
1. oui, le mariage est aussi un contrat, mais dans des limites,
2. en l'occurrence, la virginité de l'épouse ne me paraît pas rentrer dans le cadre des qualités essentielles dont le droit doit pouvoir préserver l'existence.
3. le juge pouvait, de droit, trancher en ce sens et sa décision n'était pas contrainte, même si elle est évidemment inattaquable en droit.
4. Eolas est un grand juriste et un excellent blogueur, il reste que la politique est autre chose que le droit, et que le droit ne se réduit pas à lui-même, ne règne pas dans une sphère autonome et
distincte de la société. Mais ce n'est pas moi qui vais apprendre cela à un sociologue !