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Vanessa Wagner : “le piano est venu par hasard”

Publié le 17 juillet 2015 par Abbaye Aux Dames, La Cité Musicale De Saintes @Abbayeauxdames
Vanessa Wagner : “le piano est venu par hasard”

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La pianiste Vanessa Wagner jouait ce vendredi à l'Abbaye, très classiquement, du Ravel et du Debussy. La jeune femme qui a connu les plus grandes salles, révèle une vision de la musique classique pour le moins détonante, que ce soit dans son oeuvre ou par ces propos. Avant de se remettre au travail, elle nous a accordé un peu de son temps pour répondre à nos questions :

Quel est le projet dont vous êtes la plus fière ?

Je dirai le " Ravel landscape ", un projet autour de Ravel avec un vidéaste. C'est quelque chose qui n'a jamais été fait, et qui a très bien rendu. La combinaison entre la musique de Ravel impressionniste, très chatoyante, va très bien avec la couleur et le mouvement qu'il y a dans cette vidéo. Cette vidéo est créée avec un logiciel presque inventé pour le projet. J'étais assez contente d'avoir mis ça en place. Après, ce qui me rend fière honnêtement, enfin en tous cas heureuse, c'est plus la multiplication, le panel entier de projets. C'est d'avoir fait ce projet vidéo, mais aussi de travailler avec des musiciens électroniques autour de la musique répétitive américaine, aussi de travailler régulièrement avec des danseurs et des comédiens. C'est ce qui aujourd'hui rend ma carrière vraiment riche, c'est dans cette ouverture que je trouve mon grand plaisir.

D'où vient votre envie de faire du piano, est-ce votre famille ?

Non, c'est venu par hasard. En fait, un piano est arrivé chez moi et vu que ma sœur faisait déjà d'un autre instrument, j'ai fait du piano. Au départ, c'était vraiment un hasard.

Vos parents vous ont-ils beaucoup poussé ?

Ils m'ont poussé à travailler, mais j'aurai pu faire n'importe quoi dans la vie, ils m'auraient poussé à travailler : ils sont comme ça. Après, ce ne sont pas des musiciens frustrés qui ont eu envie que je fasse de la musique pour réussir un truc qu'ils n'auraient pas réussi eux-mêmes ; donc il n'y avait pas cette pression-là. Il n'y'avait pas de musiciens dans la famille, heureusement que ça a bien marché parce que ça n'était pas joué.

Et donc, comment en êtes-vous arrivé ici ?

En fait j'ai eu tout de suite un très bon prof, un élève de Cortot, et qui a vu que j'étais douée. Dans une classe de piano, on voit tout de suite si un élève sort du lot. Cela a été mon cas, comme presque tous ceux qui font une carrière aujourd'hui. J'aimais ça, j'étais sérieuse. Après... Il y a quand même eu deux ou trois fois où j'aurais bien aimé arrêter. C'était quand même une rigueur : travailler quand il fait beau, toujours partir en vacances avec un piano...

Vous avez commencé une licence de philosophie, vous ne regrettez pas d'avoir arrêté ?

Si, bien sûr, ça fait partie des quelques regrets que j'ai dans ma vie, celle d'une jeunesse qui n'a pas été vraiment vécue. Je n'ai pas connu la vie de lycée, la vie étudiante. Mais j'ai la chance d'avoir une famille de littéraires, de gens très cultivés qui m'ont permis d'avoir un bagage assez conséquent. Aujourd'hui, je me rattrape par des lectures à côté !

Que pensez-vous de la place du musicien aujourd'hui ?

D'abord, je trouve que la place de l'artiste est un peu minorée. Mais disons que surtout je trouve les musiciens classiques très renfermés. Je ne peux pas vivre dans une bulle. Mais, un musicien comme un danseur ou un sportif est tellement concentré sur son instrument ou son corps quand il est jeune, qu'il a tendance à oublier qu'il vit dans un monde global, social, politique.

Et comment vous placez-vous dans ce milieu ?

J'ai pas mal souffert d'un certain manque dans mon milieu. C'est sûrement pour ça que je fais aujourd'hui des projets qui sortent un peu de l'ordinaire du récital. J'ai toujours trouvé qu'on était dans une bulle : on peut très bien faire ce métier, sans ouvrir un journal, sans prendre en considération le monde autour de nous. De toute façon on bosse notre piano et on court les concerts.

Cela a toujours été ainsi ?

Non, par exemple, on a eu des personnes comme Maurizio Pollini et comme Luigi Nono qui allaient aider les ouvriers pendant qu'ils faisaient grève. Aujourd'hui, malheureusement, on ne le voit plus. On se referme assez facilement, parce que le monde est difficile, parce qu'il y a la crise... C'est aussi vrai que le monde de la culture est toujours le premier à être attaqué en temps de crise, avec des baisses de subventions, avec la constante remise en question du régime des intermittents. On entend tout le temps que les artistes sont trop aidés, ce sont des choses qui sont dures à entendre. C'est peut-être pour ça qu'on se renferme.

En même temps, chez les gens de théâtre, ce n'est pas la même chose. Il y a une culture des lettres ouvertes ; ils sont beaucoup plus corporatistes, beaucoup plus impliqués. Je regrette souvent qu'un grand nom de musique ne se mette pas plus en avant. Il faudrait que je le fasse moi aussi, d'ailleurs, mais je n'ose pas.

Vous ne voyez personne qui prend ce rôle là ?

Si, il y a Daniel Barenboin qui fait ça, d'une très belle manière. Il a créé un orchestre avec des Palestiniens et des Israéliens et à lui-même pris à la fois un passeport palestinien et un israélien. C'est un très fort symbole, mais il est un peu seul. On a l'habitude, depuis qu'on est jeune de bosser son instrument.

Et vous, comment vivez-vous ce monde ?

Dans ma vie de tous les jours, je suis très impliquée, je lis les journaux, je milite pour certaines causes qui me tiennent vraiment à cœur. J'essaie de faire des choses autour des migrants, mais c'est très compliqué. Aussi, je trouve que notre rapport à l'animalité est un vrai problème. Je suis une grande vegan et c'est un sujet philosophique, éthique et moral qui me passionne (même si je suis très loin des préoccupations de Brigitte Bardot !) et pour lequel je suis très militante.

Propos recueillis par Cécile Tessier

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